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Sciences Po Paris: ce que l'on sait de la mobilisation pro-palestinienne accusée d'antisémitisme

Une étudiante a été empêchée le mardi 12 mars d'accéder à une conférence pro-palestinienne à Sciences Po Paris avant de finalement pouvoir y assister. Elle dénonce un incident "antisémite", ce que le Comité organisant l'événement réfute. L'administration de l'école a saisi la justice.

L'affaire a commencé entre étudiants, puis a été saisie par le gouvernement et se trouve désormais entre les mains de la justice. Une étudiante a été empêchée mardi d'accéder à un amphithéâtre où se tenait une mobilisation pro-palestinienne à Sciences Po Paris. Elle dénonce de l'"antisémitisme", ce que le comité à l'origine de la mobilisation réfute.

• Une étudiante bloquée devant l'amphithéâtre

Les faits ont eu lieu mardi, sur le campus de Sciences Po Paris. Le Comité Palestine de Sciences Po, qui réunit des étudiants demandant à "un soutien indéfectible à la cause palestinienne" et une "condamnation officielle" de la part de Sciences Po quant aux "actions d'Israël qui portent atteinte aux droits et au bien-être des Palestinien.ne.s", organisait une journée de mobilisation au sein de l'IEP.

Dans ce cadre, le Comité occupait le principal amphithéâtre de Sciences Po pour tenir une conférence. Voulant y assister, Rachel (le prénom a été modifié) est arrivée devant la porte. "Des organisateurs, masqués, m'ont bloquée. Ils m'ont dit: 'Toi, tu rentres pas!' Je leur ai demandé de m'expliquer. Ils m'ont juste rétorqué: 'On te connaît'", a-t-elle expliqué au Parisien.

"Un responsable de vie étudiante leur a dit qu’ils ne pouvaient pas filtrer. Ils ont répondu que j’étais quelqu’un qui diffusait des choses aux médias, des photos, et que j’allais filmer et tout balancer", a-t-elle ajouté.

• L'UEJF affirme qu'une "limite a été franchie"

Dans la journée, l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) publie sur X (ex-Twitter) un message affirmant qu'une "limite a été franchie" à Sciences Po, où la phrase "ne la laissez pas rentrer, c'est une sioniste", aurait été prononcée. "Les étudiants de l'UEJF y sont pris à partie comme juifs et sionistes", dénonce l'association.

Auprès du Parisien, Rachel, qui a finalement pu accéder à l'amphithéâtre, a précisé n'avoir pas entendu elle-même qu'on l'avait qualifiée de "juive" ou de "sioniste". "Mais quelqu’un m'a dit qu'un participant avait lancé: 'La laissez pas rentrer, c'est une sioniste!' Au micro, les organisateurs ont dit: 'Attention, il y a l'UEJF dans la salle!' Ils se targuent de dire qu'ils ne sont pas antisémites parce qu’ils ne crient pas 'Mort aux juifs'. Or, me qualifier de sioniste, me refuser l’entrée d’une telle réunion, c’est de l’antisémitisme", a déclaré l'étudiante.

• Le gouvernement s'indigne

Plusieurs membres du gouvernement ont dénoncé cet incident. "Nos établissements sont des lieux d'études et de débats (...). Il est intolérable et choquant d'y subir la moindre discrimination, la moindre incitation à la haine", a condamné sur le réseau social X la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Sylvie Retailleau qui s'est rendue sur place.

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"Ce qui s'est passé a un nom: l'antisémitisme", a de son côté écrit Aurore Bergé, ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, également sur X. Puis, Emmanuel Macron a dénoncé mercredi lors du Conseil des ministres des propos "inqualifiables et parfaitement intolérables". Le chef de l'État "a rappelé avec clarté et fermeté sa position: oui, les établissements universitaires sont autonomes, mais cette autonomie ne justifie en aucun cas le moindre début de séparatisme", a déclaré la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot.

Un peu après, le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé devant le conseil d'administration de Sciences Po que son gouvernement allait saisir la justice, via l'article 40 de procédure pénale, pour "déterminer ce qu'il s'est passé" mardi dans l'établissement.

• Sciences Po regrette "l'instauration d'un climat délétère"

Une saisine à laquelle s'est jointe la direction de Sciences Po, a-t-elle fait savoir mercredi. "Sciences Po, traversée par le conflit au Proche-Orient et ses conséquences désastreuses sur les populations civiles, constate et regrette un durcissement des relations entre ses communautés étudiantes et l'instauration d'un climat délétère inacceptable", a déclaré l'établissement dans un communiqué.

Il a souligné "son engagement dans la lutte contre l'antisémitisme" et "sa fermeté la plus totale à l'encontre d'agissements d'étudiantes et d'étudiants qui seraient contraires à la loi ou aux valeurs de l'institution". Sciences Po a également annoncé l'ouverture d'une enquête administrative sur les éléments de mardi.

• Le comité conteste tout antisémitisme

De son côté, le Comité Palestine Sciences Po a contesté tout antisémitisme. "Aucun incident de ce type ne s'est produit, aucun.e étudiant.e n'a été empêché.e d'entrer dans l'amphithéâtre en raison de son appartenance religieuse", a-t-il écrit dans un communiqué mercredi.

"Les personnes à qui l'accès a été refusé étaient des individus ayant harcelé et intimidé par le passé d'autres étudiant.e.s quant à leurs positions politiques", a affirmé le groupe. "C'est faux. Début octobre, j’ai bien enlevé des affiches sur lesquelles était écrit 'Gloire à la résistance palestinienne'. C’était trois jours après l'attaque du Hamas! J’ai eu un accrochage avec la personne qui les affichait, mais de l’intimidation, non…", a répondu Rachel dans le Parisien.

Le Comité juge également "inacceptable" que l'administration de l'établissement "choisisse de rejeter la faute" sur leur organisation "sans (qu')aucune enquête ne soit menée". "Le Comité réaffirme sa position ferme contre toutes les formes de discriminations, y compris l'antisémitisme, le racisme et l'islamophobie", a-t-il ajouté.

Sophie Cazaux