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Le nouveau calendrier du bac risque-t-il de perturber Parcoursup?

C'est une des nouveautés de cette rentrée scolaire: les épreuves de spécialité du bac se tiendront dorénavant au mois de juin. Elles ne pourront donc pas être intégrées à la procédure d'orientation dans l'enseignement supérieur.

Des turbulences à venir sur Parcoursup? Alors que Gabriel Attal, le ministre de l'Éducation nationale, a annoncé lors de sa conférence de rentrée le report des épreuves de spécialité du baccalauréat au mois de juin, le nouveau calendrier pourrait affecter l'orientation des lycéens dans l'enseignement supérieur et leur recrutement sur Parcoursup.

Pour rappel, ces épreuves sont l'une des nouveautés de la réforme du bac initiée par l'ancien ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. En principe, les épreuves de spécialité étaient censées se tenir au mois de mars. Mais la crise du Covid a perturbé leur mise en place et elles ne se sont finalement tenues à cette date qu'en 2023.

Une première et unique fois donc. En effet, le calendier a largement été contesté par les enseignants qui estimaient que les épreuves se tenaient trop tôt dans l'année, que les élèves n'avaient le temps ni d'absorber les connaissances ni de se préparer aux exercices demandés. Sans compter l'effet démobilisateur d'un bac joué à 32% dès le mois de mars - les épreuves de spécialité comptant chacune pour 16% de la note finale.

Une articulation avec le supérieur "amputée"

Cette année, ces épreuves se tiendront donc en juin, comme celle de philosophie et le grand oral. Mais cela signifie que les notes de ces deux spécialités, qui sont censées préparer et préfigurer la poursuite d'études dans le supérieur, ne seront pas intégrées sur Parcoursup. Et ne seront donc pas prises en compte dans la sélection des candidats et candidates.

"C'est vraiment dommage", déplore pour BFMTV.com Stéphane Braconnier, président de l'université Paris-Panthéon-Assas. Il regrette que cette "articulation" entre le secondaire et le supérieur que représentaient les épreuves de spécialité ne soit "amputée".

"Ces épreuves donnaient un cap sur le supérieur. Les enseignements étaient choisis par les élèves au plus près de leur projet professionnel. Nous n'aurons plus que les épreuves de français et le tronc commun au contrôle continu pour examiner leurs dossiers", poursuit-il.

"On se prive d'un outil"

C'est bien là toute la difficulté. Avec la réforme du bac, le contrôle continu compte désormais pour 40% de la note finale. Ce qui représente l'enseignement de spécialité uniquement suivi en première, les deux langues vivantes, l'enseignement scientifique, l'histoire-géographie, l'enseignement moral et civique ainsi que le sport. Des disciplines qui ne font pas l'objet d'épreuves terminales - ce sont les notes obtenues en classe durant les années de première et de terminale qui sont prises en compte.

"La réforme du bac ayant généralisé le contrôle continu, les épreuves de spécialité nous apportaient un élément normatif, une sorte d'étalon", pointe pour BFMTV.com Denis Choimet, président de l'Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques (UPS).

Ce que confirme Stéphane Braconnier, de l'université Paris-Panthéon-Assas. "Sans ces deux notes à épreuve et correction nationales, cela va limiter l'appréciation objective des dossiers."

"On se prive d'un outil."

"On savait faire sans"

"Ces deux notes permettaient de juger du niveau national du candidat", explique pour BFMTV.com Emmanuel Perrin, directeur de Polytech Lyon et responsable du groupe de travail sur la réforme du bac au sein de la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (Cdefi). "Tous les autres éléments ne permettent que de positionner l'élève localement."

Dans les écoles d'ingénieurs, le recrutement des candidats se faisait jusqu'à présent sur plusieurs critères: les bulletins de première et de terminale, pour certaines des épreuves écrites ou orales organisées via des concours mais aussi la prise en compte des notes obtenues aux épreuves de spécialité, parfois à hauteur de 10 à 30%.

Ce représentant de la Cdefi rappelle cependant que l'intégration de ces notes dans l'examen des dossiers ne s'est produite qu'une seule fois. Et considère ainsi que leur absence ne bouleversera que peu l'examen des dossiers.

"On savait faire sans ces notes, on saura s'adapter", ajoute Emmanuel Perrin.

"Leurs apprentissages jusqu'au bout"

Une analyse que partage Laurent Milland, directeur de l'Institut universitaire de technologie Poitiers-Niort-Châtellerault et vice-président de l'Association des directeurs d'IUT (Adiut), en charge des questions liées à l'orientation et à la pédagogie. "On a toujours examiné les dossiers sans avoir les notes du bac", pointe-t-il pour BFMTV.com.

Pour ce représentant des IUT, c'est même plutôt une bonne nouvelle que les épreuves de spécialité soient repoussées à juin. "Dès le mois de mars, certains jeunes se disaient qu'ils avaient déjà leur bac et se démobilisaient. Et arrivaient en septembre avec cinq mois d'inactivité scolaire."

"Pour nous, c'est rassurant de savoir qu'ils vont suivre leurs apprentissages jusqu'au bout", poursuit Laurent Milland.

"On ne regarde pas que les notes"

Quant à la procédure de recrutement, si les bulletins de première et de terminale ainsi que les notes obtenues au bac français seront passés à la loupe, Denis Choimet, de l'UPS, assure que de nombreux autres éléments seront pris en compte. "On y passe un temps considérable."

Comme le rang de l'élève dans sa classe ou au sein de son groupe de spécialité, les appréciations des professeurs, l'avis du chef d'établissement, toutes les données de la fiche "Avenir" qui contient notamment l'avis du conseil de classe sur les choix d'orientation de l'élève mais aussi la motivation des vœux. "Et à partir de ces données, on classe les dossiers."

"On ne regarde pas que les notes brutes, ce n'est pas qu'une question de moyennes."

"Cela ne change pas grand chose"

Frédéric Meunier, directeur général de l'École d'ingénieurs généraliste du numérique (EFREI) qui recrute chaque année un millier d'étudiants sur Parcoursup, détaille sa procédure de recrutement. Dans son établissement, la sélection se joue pour moitié sur les notes du second degré, l'autre moitié via un concours.

"On récupère les notes des matières qui nous intéressent", explique-t-il à BFMTV.com. Les mathématiques ou la physique peuvent ainsi être pondérées, tout comme la biologie ou l'anglais selon le parcours de formation souhaité. "On peut ajouter un bonus pour les sportifs de haut niveau, les musiciens ou encore les très bonnes notes au bac français."

"Les notes des épreuves de spécialité ne jouent pas tellement dans notre processus de sélection."

Des notes qui ne manqueront pas à Jean Charroin, directeur général de l'Essca, une école de commerce post-bac. Parmi les cours de son programme bachelor: gestion, management, finance ou encore marketing - aucune de ces disciplines n'est enseignée au lycée en filière générale.

"Dans les dossiers des candidats, on s'attache davantage à regarder la régularité de l'élève, son investissement, son engagement. Qu'on ait les notes des épreuves de spécialité ou non, cela ne change pas grand chose."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV