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"Certains ont un accès limité à la nourriture": des routiers dénoncent leur quotidien lors des blocages des agriculteurs

Depuis le début du mouvement de colère des agriculteurs, des transporteurs routiers se sont retrouvés bloqués par certains barrages à travers la France. Lors de certaines actions "coup de poing", des marchandises étrangères ont été prises pour cible. Des chauffeurs ont également été contraints de faire d'importants détours.

"Le moral est en berne complet", confie à BFMTV.com Alexandre Clareton, président de l'organisation patronale des TPE-PME du transport routier (Unostra). Les agriculteurs continuent ce mardi 30 janvier de se mobiliser en attendant l'annonce de mesures "concrètes" de l'exécutif pour améliorer leurs conditions de travail et de rémunération.

Ils dénoncent notamment un trop grand recourt aux importations en France et ainsi une concurrence parfois déloyale de certains produits importés depuis des pays ne respectant pas les mêmes normes agricoles.

Bloqués "entre 24 et 35 heures"

Certains blocages entravent ainsi le travail des transporteurs routiers qui sillonnent la France, soit pour livrer l'Hexagone soit pour aller ailleurs. En outre, ils ont parfois eux-mêmes été pris pour cible par quelques manifestants, malgré leur soutien important à la mobilisation des agriculteurs.

"Nous avons peur que les flux soient braqués ou que les dates soient dépassées", nous explique Alexandre Clareton.

"Il y a encore beaucoup de camions et leurs conducteurs bloqués à travers la France. Certains ont un accès limité à la nourriture, à l'eau ou aux installations sanitaires", indique à BFMTV.com l'Union internationale des transports routiers.

Dans un reportage publié ce dimanche 28 janvier, France 3 Nouvelle-Aquitaine racontait la situation de conducteurs routiers bloqués près de l'A20, dans le Creuse, sans accès à des douches ou aux toilettes. Leur stock d'alimentation commencaient à manquer, précisait également la chaîne locale. "Ici, on doit faire nos besoins dans la campagne", témoignait un routier espagnol.

"On est en train de vivre comme des chiens et encore, les chiens vivent mieux que nous", confiait un autre.

Une attente qui représente également un manque à gagner notable pour certains d'entre eux. Selon Alexandre Clareton, ces chauffeurs sont restés bloqués "entre 24 et 35 heures, ce qui n'est pas normal". La préfecture du département nous indiquait ce mardi matin que la circulation a été partiellement rétablie après la levée d'un barrage de manifestants.

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Des camions étrangers vidés

"Ce qui nous inquiète, c’est l'aspect colérique: les blocages sont de plus en plus virulents et les chauffeurs choqués", explique Alexandre Clareton. "(Dimanche soir), j'ai eu des collègues qui étaient remontés comme des pendules. Ils ont été braqués (pas avec un pistolet, NDLR) à Brive-la-Gaillarde. Leurs camions ont été ouverts et vidés. Dans le Gard, des véhicules étrangers ont été forcés avec des sangles et des tracteurs", raconte le président de l'Unostra.

"Nous comprenons le mouvement sur le fond, mais il y a l'art et la façon", ajoute-t-il.

"Des camions immatriculés à l'étranger ont aussi été vandalisés et leur contenu détruit, surtout ceux transportant de la nourriture", abonde dans le même sens l'Union internationale des transports routiers.

"Nous avons arrêté les camions étrangers, dans la plus grande courtoisie (...) et tout ce qui était étranger a été vidé, et beaucoup est allé aux Restos du cœur", a justifié Sylvie Meynier, viticultrice et deuxième vice-présidente de la FDSEA de la Drôme, ajoutant: "On ne doit pas importer l'alimentation qu'on peut produire chez nous".

Le reste a été brûlé. Selon nos informations, des tonnes de fruits ont ainsi été déversées. Des filtrages similaires ont été mis en place à la frontière espagnole ou dans les Côtes-d'Armor.

"Nous ne voulons pas de violences, pas d'actes délictueux, mais la colère qui s'exprime quand on vide des camions doit être entendue rapidement", a souligné le président de la FNSEA Arnaud Rousseau.

Les routiers contraints à faire des détours

"Nos routiers perdent un temps fou. Cela déstructure totalement notre secteur, les rendements sont à néant", déplore Alexandre Clareton.

Les chauffeurs de camions doivent s'organiser pour éviter les points de blocage ou de ralentissement, les obligeant régulièrement à faire des détours. "Ce qui est également très dangereux, ce sont les déviations sur des routes départementales ou nationales qui ne sont pas adaptées à nos véhicules", complète le spécialiste.

"De plus, vu le manque de places de parking sécurisées à travers l'Europe, les chauffeurs n'ont nulle part où aller, se mettant en danger alors qu'ils font juste leur travail", affirme auprès de l'AFP Raluca Marian, directeur du plaidoyer à l'Union internationale des transports routiers.

Le week-end dernier, certains véhicules de transports routiers ont été exceptionnellement autorisés à rouler pour désengorger la situation.

"À qui va-t-on s’adresser?"

"Nous avons des points quasi-journaliers avec la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités mais le manque de ministre des Transports fait très mal. À qui va-t-on s'adresser?", s'interroge Alexandre Clareton.

La situation de la France n'est pas isolée. La colère des agriculteurs gronde dans plusieurs pays d'Europe, avec des revendications diverses face à la flambée du prix du carburant, la concurrence des marchandises ukrainiennes et les contraintes européennes.

Face à ces actions, l'Union internationale du transport routier a demandé à la Commission européenne et au gouvernement français de "laisser les principaux couloirs commerciaux ouverts et protéger les camions et conducteurs étrangers des attaques".

Juliette Desmonceaux, Théo Putavy et Salomé Robles