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"Une décision politique": les soignants prudents face à la possible fin du masque obligatoire en intérieur

Un masque et l'application Tous anticovid (photo d'illustration)

Un masque et l'application Tous anticovid (photo d'illustration) - Pascal GUYOT / AFP

Ce mercredi matin, Olivier Véran a indiqué auprès de France Info que l'obligation du port du masque en intérieur pourrait être levée à la "mi-mars", si les conditions sanitaires pour un tel allègement sont remplies. Les médecins mettent en garde contre un relâchement trop précoce ou trop large.

On savait déjà qu'on pourrait tomber le masque à compter du 28 février dans les lieux dont l'accès est soumis à la détention d'un pass vaccinal valide. Désormais, on peut même espérer ne plus avoir à l'enfiler en intérieur, y compris dans les entreprises et les transports en commun, à la mi-mars. C'est en tout cas l'échéance fixée par le ministre de la Santé, Olivier Véran, auprès de France Info ce mercredi.

Une annonce qui a motivé un appel à la prudence parmi les soignants dans la foulée, dont certains pointent une "décision politique".

Se passer du masque dans les lieux fermés - dont le monde du travail et les transports en commun - dès la mi-mars? Un horizon "probable" selon la déclaration ce mercredi matin d'Olivier Véran si "les conditions" d'un tel allègement sont "réunies". Cette nouvelle orientation pointée par l'exécutif est accueillie avec circonspection par les soignants qui ont témoigné auprès de BFMTV.

Une "décision politique"

Au micro de notre journaliste Apolline de Malherbe, le professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital Tenon de Paris, a d'abord réagi à chaud. "Il y a des élections et ces éléments sont très attendus par une partie de la population qui n'en peut plus des mesures parfois présentées comme liberticides - ce que je peux comprendre parfois", a reconnu le scientifique dans un premier temps.

"On verra déjà l'effet de l'allègement de ce 16 février - avec Omicron, ça va très vite, c'est deux ou trois jours".

Olivier Véran avait d'ailleurs souligné la nécessité de bénéficier d'un certain recul avant de faire ce bond en avant dans la stratégie anti-Covid, justifiant ce délai d'un mois par la volonté de respecter une "logique de palier de 15 jours".

Un peu plus tard, auprès de notre journaliste Bruce Toussaint, Gilles Pialoux s'est toutefois montré plus critique.

"Ce n'est pas parce qu'on enlève une obligation parce qu'on est dans une décision politique qu'on ne peut pas avoir un discours de santé publique qui fait qu'on doit tirer des leçons de cette pandémie. On ne sait pas ce qu'il y a derrière Omicron donc on doit être extrêmement prudent", a-t-il averti.

Un "soulagement" permis par une "tendance" de fond

Son confrère Imad Kansau, infectiologue à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart dans les Hauts-de-Seine, a rendu quant à lui un écho positif devant la perspective d'une levée de l'obligation du port du masque en intérieur.

"Est-ce que ça va trop vite ? Non, pour la population générale, c'est un soulagement".

"Et ça suit la tendance épidémique en France comme ailleurs", a-t-il mis en évidence. Les statistiques officielles françaises, arrêtées à la date de mardi soir, donnent un nombre de personnes hospitalisées s'élevant à 31.091, 3235 malades en soins critiques, et un peu plus de 250 morts en moyenne par jour à l'hôpital sur les 7 derniers jours. Mais on comptait en comparaison 33.352 hospitalisés car contaminés lundi dernier, ainsi que 3555 en réanimation.

Pour autant, Imad Kansau, a appelé à agir dans la nuance. "La levée de l'obligation du port du masque, c'est au cas par cas: ça doit dépendre des lieux et de leur fréquentation par les personnes fragiles."

"Il faut penser aux patients fragiles et à la pression hospitalière. C'est cet axe qu'il faut tenir", a-t-il explicité.

Olivier Véran a d'ailleurs retenu dans les conditions sine qua non à remplir avant de poser à mettre un terme à l'impostion du masque en intérieur "un hôpital en état de fonctionnement normal" où l'on n'est "plus obligé de déprogrammer des soins et où "la charge sanitaire en réanimation n'excède pas 1000 à 1500 malades".

Penser à l'aération

Présente sur notre plateau ce mercredi en fin de matinée, l'épidémiologiste Dominique Costagliola, directrice de recherches auprès de l'Inserm, a affiché la couleur, en gardant son masque sanitaire en studio. "Pour moi, dans toutes les mesures prises, le masque est la dernière à enlever", a-t-elle avancé, observant qu'obligation ou non "c'est comme le préservatif, le masque restera très utile".

"Vu les incertitudes qui sont les nôtres, enlever cette mesure à la mi-mars c'est envoyer un message d'auto-isolement aux personnes à risques et manquer à la solidarité envers elles", a-t-elle poursuivi.

Il ne s'agit pas, pourtant, pour l'épidémiologiste d'une voie à sens unique. Elle a en effet conseillé une direction alternative. "Si on avait des lieux clos avec une bonne aération, ventilation, on n'aurait pas besoin du masque", a lancé Dominique Costagliola, appelant à l'évolution des normes en la matière.  

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV