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Santé

"Taxe lapin", accès direct aux spécialistes: les syndicats de médecins peu convaincus par les annonces d'Attal

Le Premier ministre Gabriel Attal a fait une série d'annonces sur les soins de ville. Parmi elles, la mise en place d'une taxe pour les patients qui n'honorent pas leur rendez-vous sans prévenir ou l'augmentation du numerus clausus en deuxième année d'études de médecine.

Des mesures qui divisent. Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé samedi 6 avril dans un entretien accordé à la presse quotidienne régionale plusieurs mesures destinées à freiner la crise de la médecine de ville et des difficultés d'accès aux soins, avec notamment l'instauration d'une taxe dite "lapin" pour les patients qui n'honorent pas leur rendez-vous.

Du côté des syndicats de médecins, ces annonces sont accueillies avec un enthousiasme modéré. Le syndicat MG France a annoncé via un communiqué ce dimanche 7 avril "suspendre sa participation aux négociations conventionnelles dans l'attente de clarifications et d'engagements forts sur le médecin traitant, le parcours de soins et le devenir du système conventionnel" en réaction aux nouvelles mesures de Gabriel Attal, se disant "consterné".

Des "mesurettes"

Jean-Paul Hamon, médecin généraliste et président d'honneur de la Fédération des Médecins de France, se montre particulièrement sévère, sur BFMTV ce dimanche matin, dénonçant des "mesurettes".

Alors que Gabriel Attal a annoncé que sera expérimenté l'accès direct à des médecins spécialistes, sans que le patient n'ait besoin de passer par un généraliste, et que certains actes médicaux pourront être réalisés par d'autres professionnels, le président du syndicat de médecins s'insurge. "Ils veulent faire croire à la population que la médecine générale c'est une succession de petits actes qui peuvent être faits par les pharmaciens, les kinés, les infirmières ou les cabines de téléconsultation", accuse-t-il, visant les membres du gouvernement.

Qu'est-ce que la  "taxe lapin"?
Qu'est-ce que la "taxe lapin"?
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Même inquiétude du côté de Jérôme Marty, médecin généraliste et président du syndicat Union Française pour une Médecine Libre (UFML-S). "Le concept de médecin traitant, de médecin référent est quelque chose qui a été installé avec la profession (...). Là, on voudrait shunter pour aller directement chez le spécialiste", déplore-t-il auprès de BFMTV, accusant Gabriel Attal de "saboter le système".

Pour la présidente du premier syndicat de généralistes, MG France, Agnès Giannotti, à l'Agence France-Presse (AFP), la mesure "ne réglera rien" puisque les médecins spécialistes manquent partout.

À l'inverse, Sébastien Guérard, kinésithérapeute, président de la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes, voit une mesure intéressante. "Si (un) patient vient au début de la maladie, dès les premiers symptômes et est pris en charge, on peut espérer que la prise en charge soit beaucoup plus courte et donc, de fil en aiguille, libérer du temps sur les soins de kinésithérapie", estime-t-il, auprès de BFMTV.

Une "taxe lapin" qui divise

Concernant la mise en place d'une "taxe lapin" de 5 euros à chaque patient qui ne se présente pas à son rendez-vous sans prévenir, les médecins sont encore divisés.

"C'est une excellente nouvelle. Nous la demandons depuis longtemps parce que c'est devenu une espèce de sport national. Chaque médecin perd en moyenne 2 heures de consultation par semaine", salue ce dimanche sur RMC Sophie Bauer, chirurgienne et présidente du Syndicat des Médecins Libéraux (SML).

"C'est une perte pour les médecins, mais c'est aussi une perte pour les patients qui sont en attente de rendez-vous et qui ne peuvent pas bénéficier de ces plages (horaires) vides au dernier moment et sans prévenir", défend-elle.

Pas de quoi convaincre cependant Jean-Paul Hamon pour qui l'augmentation des rendez-vous non honorés est liée au développement de la plateforme de prise de rendez-vous en ligne Doctolib. "On a laissé Doctolib se développer, on récolte ce que l'on sème", lâche-t-il.

Inquiétude sur le rôle donné aux pharmaciens

Sur la possible prescription de certains antibiotiques par les pharmaciens, Franck Devulder, président du syndicat CSMF, s'inquiète, auprès de l'AFP, déplorant la délégation de certaines tâches à des professionnels "dont ce n'est pas le métier".

"Au prétexte de simplification, on court-circuite tout, en écartant les médecins" et "au mépris de la qualité", avance-t-il.

Pour Jean-Paul Hamon, de la Fédération des Médecins de France, cette mesure se fait également au détriment des patients. "Quand il y a une angine, vous (les médecins) regardez la gorge, mais vous écoutez aussi le coeur, vous vérifiez qu'il n'y a pas d'éruption cutanée. Est-ce que le pharmacien va faire ça?", s'interroge-t-il, rappelant que le pharmacien a un rôle de "sécurité sanitaire".

Pour lui, Gabriel Attal ne s'occupe pas de l'essentiel. "Le Premier ministre fait une opération de communication, mais il ne règle absolument pas le problème gravissime qui est la désertification (médicale)", déplore Jean-Paul Hamon.

Juliette Desmonceaux