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Alimentation

Inflation: la malbouffe grande gagnante des hausses de prix de l'alimentation?

La hausse des prix des produits alimentaires a des conséquences sur la qualité de la nourriture, notamment pour les plus modestes, alors que certains industriels remplacent des produits de base dans la composition de leurs produits transformés par des substituts moins chers.

Selon l'Insee au moins de février, la hausse des prix dans l'alimentaire sur un an atteignait 14,5%. Un chiffre largement supérieur à la moyenne de l'inflation tout secteur confondus estimée à 6,2%. Et la tendance devrait se poursuivre.

Cette augmentation des prix dans les rayons entraîne inévitablement un changement dans les paniers de consommateurs et dans les habitudes alimentaires avec comme risque: une dégradation de la qualité de la nourriture consommée.

"La hausse des tarifs crée un déséquilibre au niveau de l'alimentation", abonde dans ce sens auprès de BFMTV.com Noémie Hernandez, diététicienne-nutritionniste, notamment chez les foyers les plus modestes.

"Garder l'équilibre alimentaire"

Dans cette période, la spécialiste observe que ses patients s'orientent beaucoup plus vers les féculents: les pâtes, le riz, la semoule... "C'est pas cher et c'est surtout rapide à cuisiner", explique-t-elle.

"Ça donne beaucoup d'énergie mais aujourd'hui on ne dépense pas comme à l'époque, ce qui crée un risque de prise de poids important", complète Noémie Hernandez.

Cette dernière note également une baisse de la consommation de protéines en général, une hausse de l'achat de légumes et de fruits en boîte et une hausse de consommation d'œufs.

Dans ce contexte inflationniste, Noémie Hernandez préconise de "toujours essayer de garder l'équilibre alimentaire". "Par exemple, si le poisson frais est trop cher, on peut se tourner vers un peu de maquereau en boîte", détaille-t-elle.

"Les légumes secs et les mélanges de céréales peuvent également très bien remplacer la viande dans un repas", poursuit-elle.

"Un marqueur de la précarité"

"On sait que la malbouffe est clairement un marqueur de la précarité, même avant les crises sanitaire et économique, mais l'inflation vient aggraver ce problème", met en garde Karine Jacquemart, directrice de l'association Foodwatch France, auprès de l'AFP.

Selon une étude de la Ligue contre l'obésité, le taux d'obésité en France est de 17% en 2023 contre 8,5% en 1997. Ce chiffre monte à 18% chez les ouvriers contre 10% chez les cadres supérieurs. Plus généralement, entre 2000 et 2020, l'obésité a augmenté de 2,5 points chez les cadres et de 9 points chez les ouvriers.

"La malbouffe est aux portes de chez nous", regrette le nutritionniste Jean-Michel Cohen sur BFMTV ce jeudi.

Le cheapflation

La directrice de Foodwatch France, qui appelle à plus de transparence des prix et compositions, met par ailleurs en garde: "Avec l'envolée des prix de certains ingrédients, le risque c'est que les industriels soient tentés de les remplacer encore plus qu'avant par des substituts moins chers".

Ce phénomène porte un nom: le cheapflation, contraction de "cheap" (par cher, bas de gamme) et d'inflation. Pratiqué surtout par les industriels américains, il s'agit de remplacer des produits de base dans la composition de produits préparés par des substituts moins chers. Cela permet de conserver ses marges sans augmenter ses coûts face à l'inflation.

Par exemple, dans une glace au chocolat, on enlève de la crème et du chocolat pour y mettre plus d'arômes artificiels ou encore dans le fromage finement râpé: moins de fromage pour plus de substituts de copeaux de bois.

Une pratique qui n'étonne pas Noémie Hernandez. "Ça existait dans d'autres pays comme l'Australie et ce n'est pas étonnant que ça arrive en France", déplore-t-elle.

Privilégier les produits bruts

Le risque est alors de dégrader son alimentation, sans forcément s'en rendre compte, et de consommer des produits moins digestes, souvent plus gras et plus sucrés. "On arrive à une alimentation pauvre qui n'apporte plus les nutriments nécessaires et, au contraire, gave de choses pas utiles comme le sucre", explique la diététicienne-nutritionniste.

Face à l'augmentation des prix des produits alimentaires, Noémie Hernandez conseille d'acheter moins de produits industriels, "qui sont plus chers que le fait-maison". En effet, elle préconise de cuisiner un maximum "notamment en grande quantité pour ceux qui n'ont pas le temps".

"Pour se protéger de ces pratiques de cheapflation, il faut privilégier les aliments bruts, moins chers et plus sains. Par exemple, au lieu d'acheter des yaourts aromatisés, il vaut mieux prendre un yaourt nature et ajouté des bouts de fruits dedans", explique-t-elle.

À terme, l'inflation risque de renforcer les "inégalités sociales de santé liées à l'alimentation", explique à l'AFP Nicole Darmon, directrice de recherche à l'Inrae, exposant les plus démunis à "une moins bonne protection contre les maladies cardiovasculaires et les cancers".

Salomé Robles