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Inflation alimentaire: les Français ont plus que jamais intérêt à comparer les prix entre les enseignes

L'inflation alimentaire sera très largement entretenue dans les prochains mois, ce qui devrait participer à creuser les disparités de prix, déjà importantes, entre les enseignes de grande distribution les plus compétitives et celles pratiquant les tarifs les plus élevées.

Industriels et distributeurs viennent d'achever leurs négociations commerciales qui devraient se traduire dans les prochaines semaines par une hausse des prix de 4 à 7% d'ici le mois de juin selon le cabinet IRI, un des leaders mondiaux des études de marché. Malgré cette augmentation généralisée des prix, les disparités sur les étiquettes n'ont jamais été aussi importantes entre les enseignes de la grande distribution. "Il y a toujours eu des enseignes plus chères et d'autres moins chères, rappelle Emily Mayer du panéliste. Mais là ça atteint des records jamais vus."

Concrètement, le corridor de prix qui désigne l'écart moyen entre les deux enseignes les moins chères et les deux plus chères sur les produits de marque nationale n'a jamais été aussi grand. Celui-ci aurait tout simplement doublé entre l'avant-guerre en Ukraine et aujourd'hui, en passant de 15 à 30 points en l'espace d'un an. Et la tendance n'est pas près de s'inverser selon Daniel Ducrocq, vice-président du service distribution du panéliste NielsenIQ pour la zone Europe:

"Au mieux, le corridor de prix restera élevé et au pire, il augmentera même si des mesures gouvernementales qui sont sur la table comme le panier anti-inflation pourraient le réduire."

Des prix déjà plus élevés selon la zone géographique

En amont de ce corridor de prix, des différences subsistent historiquement entre les prix pratiqués en zone rurale et ceux dans des petites enseignes de centre-ville pour lesquels les frais fixes au mètre carré sont importants. "A Paris, on sait que les prix sont en moyenne 7 à 10% plus élevés qu'en province", souligne Daniel Ducrocq qui est également directeur général d'A3Distrib, filiale de NielsenIQ. Ce corridor de prix s'observe particulièrement sur les produits de marque nationale les plus demandés qui sont ceux sur lesquels les distributeurs cherchent à se démarquer, "quitte à réduire leur marge au strict minimum, autour de 10%".

Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les prix entre des enseignes de la grande distribution aux politiques de prix diamétralement opposées. Certaines basent leurc ompétitivité sur des tarifs particulièrement faibles, tandis que d'autres n'hésite pas à pratiquer des prix plus élevés, mais qu'elle compense par des opérations promotionnelles d'envergure, que ce soit en valeur ou en volume.

Plusieurs dizaines de centimes d'écart par produit

Comme points de comparaison, nous choisissons d'avoir recours au chariot BFM Business composé des 48 produits parmi les plus achetés par les Français, et nous avons comparé les prix dans différentes enseignes.

Par exemple, prenons la tablette de chocolat Lindt Excellence avec 70% de cacao. On retrouve la même tablette à 1,42 euro dans un drive E.Leclerc, 1,50 euro dans un drive Casino, et même 1,62 dans un drive Auchan.

Relevés de prix effectués le 2 mars 2023
Relevés de prix effectués le 2 mars 2023 © BFM BUSINESS

Même constat sur le fromage Caprice des Dieux, dont les prix varient fortement entre les enseignes. La boîte de 200 grammes est ainsi vendue à 2,67 euros dans un drive E.Leclerc, 2,85 euros dans un drive Auchan. Un drive casino l'affiche à 3 euros, mais propose une offre à -50% sur le 2e acheté. Si vous aimez beaucoup le fromage, c'est finalement celui-ci qui sera le moins cher...

Relevés de prix effectué le 2 mars 2023
Relevés de prix effectué le 2 mars 2023 © BFM BUSINESS

Et le constat est le même pour le paquet de cookies Granola aux gros éclats de chocolat, que l'on retrouve avec 60 centimes d'écart entre deux enseignes. La bouteille d'un litre d'huile de tournesol Lesieur est vendue à 3,44 euros dans une première enseigne et 3,89 euros dans la deuxième.

Le spécialiste de la grande distribution Olivier Dauvers suit ce corridor de prix exclusivement dans les drives à travers son indice "Distri Prix" . Et il constate chaque mois de fortes disparités entre enseignes. Dans sa dernière publication, il constatait qu'en janvier, les drives Auchan étaient les plus chers, et les drives E.Leclerc les moins chers, suivis de près par ceux des hyperCasino et des HyperU qui complétaient le podium.

Un cercle vicieux?

Le corridor de prix se constate moins sur les marques de distributeurs et encore moins sur les produits locaux ou provenant de PME. "Sur cette catégorie de produits, il est moins facile de comparer pour le consommateur, donc les distributeurs en profitent pour augmenter leurs marges et compenser celles sur les produits de marque nationale qui sont réduites", explique Olivier Ducrocq.

Ces produits de marque nationale font souvent office de produits d'appel et peuvent permettre au consommateur de déterminer l'image globale de l'enseigne, d'où leur enjeu stratégique. "Mais des magasins perdent d'importants volumes de vente en raison de la contraction de la consommation liée à la chasse au gaspillage et au rejet des produits qui ne sont pas de première nécessité, insiste l'analyste.

Ils augmentent donc leur prix, mais c'est un jeu dangereux à terme, car les clients finissent par aller voir ailleurs."

Le représentant de NielsenIQ rappelle que les nouvelles hausses de prix négociées ne seront pas répercutées de la même manière: "Elles seront complètement passées d'ici 6 à 7 semaines, mais certaines enseignes vont les afficher très rapidement car elles n'ont pas le choix."

"On voit que les enseignes les mieux placés en prix sont celles qui gagnent le plus de parts de marché. C'était déjà le cas avant mais ça se renforce dans la période actuelle."

Timothée Talbi