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Violences, démissions, indemnités... Les maires de France en plein blues avant leur congrès

Le 105e congrès de l'association des maires de France s'ouvre ce lundi 20 novembre dans un contexte difficile pour les maires entre lassitude, montée des violences à leur égard et exigeance croissante des administrés.

"Communes attaquées, République menacée". Le thème du 105e congrès de l'Association des maires de France (AMF), qui débute à Paris ce lundi, résume à lui seul les préoccupations des édiles, confrontés notamment à une montée des violences à leur égard. Les chiffres sont alarmants: selon une enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), publiée dans Le Monde ce dimanche, 69% des maires déclarent avoir déjà été victimes d'incivilités (+16 points par rapport à 2020), 39% avoir subi injures et insultes (+10 points) et 27% avoir été attaqués sur les réseaux sociaux (+7 points).

Sur BFMTV, Jean-Philippe Bésiers, maire divers gauche de Castelsarrasin, témoigne de ses rencontres avec les habitants de sa commune du Tarn-et-Garonne, évoquant "des gens qui interpellent pour un oui ou pour un non, en vociférant de temps en temps parce qu'ils n'ont pas ce qu'ils veulent." L'élu regrette que certains de ses administrés veulent "tout tout de suite".

"Le temps que nous donnions des réponses, il y a des personnes qui s'énervent sur les réseaux sociaux et qui finalement invectivent", déplore-t-il.

Les agressions des élus en hausse de 32%

Selon le politologue Martial Foucault, auteur de l'enquête du Cevipof, la "proximité" du maire avec ses administrés conduit à l'exposer à leurs "exaspérations". Ces derniers trouvent en le maire un paratonerre à un ensemble de situations trop difficiles pour eux", analyse-t-il sur BFMTV.

En tant que maire "notre quotidien, c'est souvent de dire non au nom de l'intérêt général", a rappelé David Lisnard, président de l'AMF sur RTL ce dimanche, ajoutant: "Vous vous exposez parfois à une minorité d'individus qui se comportent plus en attardés capricieux qu'en citoyens".

Dans ce contexte, les agressions contre les élus sont en hausse: elles ont augmenté de 32% en 2022, ce qui représente 2 265 plaintes et signalements. En 2023, le ministère de l'Intérieur table sur une nouvelle hausse de 15%.

Nombreux, les cas sont évocateurs. Il y a ce témoignage de Christian Eurgal, maire sans étiquette de Montjoi (Tarn-et-Garonne), qui revient au micro de BFMTV sur les menaces auxquelles il a été confronté:

"Ils ont tagué mon nom avec des flèches pour qu'on puissent venir jusqu'à mon domicile".

"Climat sociétal global"

On compte également ces récits marquants des derniers mois. De Yannick Morez, maire démissionnaire de Saint-Brevin (Loire-Atlantique) après un incendie de son domicile et des menaces de l'extrême droite, à Vincent Jeanbrun, son homologue de L'Haÿ-les-Roses, dont le domicile avait été attaqué à la voiture bélier dans le contexte des émeutes intervenues cet été après la mort de Nahel. Comme lui, plusieurs maires avaient été pris pour cible lors de ces événements.

Citant les "violences urbaines", mais aussi "la réforme des retraites", comme exemples de "moments de contestation", la ministre chargée des Collectivités territoriales Dominique Faure évoque "un climat sociétal global", auprès de l'AFP. La membre du gouvernement explique également la hausse des violences "par la libération de la parole des maires, qui signalent bien plus aujourd'hui la moindre atteinte"

Depuis Saint-Brevin, le gouvernement multiplie les annonces, sans toujours convaincre, pour mieux évaluer le phénomène et renforcer l'arsenal répressif. Une proposition de loi du Sénat adoptée début octobre aligne les sanctions pénales prévues en cas d'attaque contre un élu sur celles déjà prononcées lorsqu'elle vise une personne dépositaire de l'autorité publique. Un "guichet d'appui psychologique" pour les maires et leurs familles, ouvert 7 jours sur 7 et doté d'une ligne d'écoute, sera lancé lundi, a annoncé dimanche Dominique Faure au JDD.

1.300 démissions depuis 2020

Confrontés à une hausse des violences, les édiles sont également de plus en plus nombreux à rendre leur écharpes d'élu: les démissions ont augmenté de 30% par rapport au mandat précédent, avec plus de 1.300 comptabilisées depuis 2020. Un chiffre révélateur d'une "fatigue républicaine", selon Martial Foucault, directeur du Cevipof.

Pour David Lisnard, "la principale raison" à cette tendance est une "distorsion" entre "la demande sociale" et "la capacité d'action". Au micro de RTL, le maire LR de Cannes a ciblé la "bureaucratie". "Là où il fallait quelques semaines avant pour mener un projet (...) maintenant il faut quelques années", a-t-il regretté, déplorant le fait qu'on "passe de plus en plus de temps dans la paperasse".

Interrogés sur les raisons de leurs démissions, les maires invoquent aussi dans l'enquête du Cevipof la "trop forte exigence des citoyens" et les difficultés à concilier exercice du mandat et vie personnelle ou professionnelle. L'insuffisance des indemnités n'arrive qu'en 7e position. Questionnés sur ce qu'il faudrait changer, 50% suggèrent pourtant de revoir à la hausse leurs émoluments, à la charge de l'Etat.

"S'ils ne s'engagent pas pour gagner de l'argent, ils ne sont pas prêts à en perdre non plus", note Martial Foucault, auteur de cette enquête.

"Vous avez aujourd'hui la majorité des maires qui ont une indemnité inférieure à 1080 euros par mois. On est en dessous du SMIC", a rappelé David Lisnard sur RTL. La plupart du temps ces édiles "ont un job en parrallèle", mais "très souvent, ils sont perdants financièrement", a-t-il ajouté.

"Les maires résistent"

Les maires demandent l'augmentation du crédit d'heures accordées par leur entreprise pour exercer leur mandat et l'instauration d'un nombre minimum obligatoire d'absences financées par l'entreprise.

Agés en moyenne de 60 ans, 8 maires sur 10 sont des hommes et 40% sont retraités. Ils consacrent en moyenne 32 heures par semaine à leur mandat et perçoivent un niveau moyen de rémunération comparable au Smic horaire (10,85 euros brut) dans les plus petites communes, le double pour les plus de 50.000 habitants.

Malgré la hausse des violences et des démissions, l'engagement local - avec près d'un million de candidats aux municipales - n'est "pas encore menacé" et "les maires résistent à l'accumulation de crises", conclut Martial Foucault dans l'enquête du Cevipof. Un signe d'espoir qui ne devraient pas empêcher pour autant les maires de faire passer des messages lors de leur congrès.

Baptiste Farge avec AFP