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"Un choix cornélien": les coulisses de l'élection du président de la prestigieuse commission des finances

Les députés à l'Assemblée nationale en début de séance, le 28 juin 2022

Les députés à l'Assemblée nationale en début de séance, le 28 juin 2022 - BFMTV

La tête de la plus prestigieuse commission de l'Assemblée nationale suscite bien des passions. C'est Jean-Philippe Tanguy du Rassemblement national ou Éric Coquerel pour la France insoumise qui devrait l'emporter ce jeudi matin, avec les Républicains en faiseurs de roi.

Jeu d'influences. Après l'attribution de plusieurs postes-clés à l'Assemblée nationale, à commencer par la présidence pour Yaël Braun-Pivet, c'est au tour d'élire le patron de la commission des finances, un poste qui fait tourner les têtes. Elle devrait revenir à Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) ou à Éric Coquerel (La France insoumise).

Depuis 2007 et l'élection de Nicolas Sarkozy, la présidence est désormais attribuée par tradition à un député du premier groupe d'opposition. L'article 39 du règlement de l'Assemblée nationale ne précise cependant pas qu'elle doit revenir à celui qui comporte le plus grand nombre d'élus.

Lutte des places

Très concrètement, cet organe qui peut compter jusqu'à 73 députés se réunira pour la première fois ce jeudi matin pour organiser le vote de ses participants. En charge de surveiller le budget de l'État, cette commission est certainement l'une des plus stratégiques avec ses pouvoirs conséquents qui aiguisent bien des appétits.

À commencer par la Nupes qui, avec ses 151 députés, se considère comme le premier opposant au sein du palais Bourbon. Problème: dans le détail, la France insoumise, l'un des groupes qui composent l'union de la gauche, dispose de 75 députés, contre 89 pour le Rassemblement national.

Forte de ce constat, Marine Le Pen a d'ailleurs avancé sur France info ce mercredi qu'elle ne "comprendrait pas" que la présidence de la commission des finances ne revienne pas à son candidat, Jean-Philippe Tanguy.

Cet ancien proche de Nicolas Dupont-Aignan, diplômé de l'ESSEC et de Sciences-Po Paris, a été son directeur de campagne adjoint pendant la présidentielle. Il incarne la jeune garde que l'ancienne candidate à l'Élysée veut pousser.

L'étiquette LFI "coince" les LR

De son côté, la coalition de la Nupes espère voir le favori Éric Coquerel à sa tête. Certains sur les bancs de la gauche auraient préféré qu'un profil plus consensuel soit retenu, à l'instar de Valérie Rabault, députée socialiste et ancienne rapporteure du budget sous le quinquennat de François Hollande.

Mais l'union a prévalu et c'est donc le député insoumis de Seine-Saint-Denis qui se présente. Alors que la coalition présidentielle ne prendra pas part au vote, comme le veut l'habitude, ce sont donc les LR qui seront les faiseurs de roi.

"Je pense que certains de mes collègues auraient pu voter pour elle. Là, le profil d'Éric Coquerel et son étiquette LFI coincent sérieusement", assure un député LR à BFMTV.com.

C'est que son éventuelle victoire inquiète sur les bancs de la droite. Olivier Marleix, le nouveau président des députés de droite, a dénoncé un "choix cornélien" sur LCP.

Stupeurs et tremblements

C'est Éric Woerth qui a le mieux résumé le sentiment de ses anciens camarades. L'ancien président LR de la commission des finances entre 2017 et 2022, qui a récemment rejoint les bancs de la macronie, a estimé que l'insoumis "s’intéresserait aux dossiers des uns et des autres, les individus et les ménages, comme les entreprises", dans les colonnes du Figaro.

Le président de la commission des finances peut en effet réclamer auprès de Bercy les déclarations fiscales des entreprises ou des particuliers, pour enrichir des enquêtes budgétaires.

De son côté, Éric Coquerel s'est défendu, assumant ce mercredi sur BFMTV de vouloir "lever le secret fiscal, sans le rendre public, pour s'assurer que ce qui revient au Trésor public arrive à bonne destination".

Larcher sort du bois

Le message semble cependant avoir de la force, au point de pousser Gérard Larcher, le président du Sénat, à prendre position.

"Il y a un règlement à l’Assemblée nationale qui dit que le président de la commission des finances doit être issu de l’opposition. Or, je constate que le RN est le premier groupe d’opposition. Donc, elle devrait lui revenir", a jugé le patron de la chambre haute dans les colonnes du Parisien ce mardi matin.

Avant d'adoucir son discours ce mercredi sur LCI, en expliquant ne pas souhaiter que des députés de son camp soutiennent le RN.

Marine Le Pen a également tenté de manœuvrer de son côté pour convaincre les parlementaires de droite. Pour les amadouer, elle n'a pas présenté de candidat de son groupe à la questure, permettant ainsi au LR Éric Ciotti de devenir questeur. Un geste suffisant pour convaincre les élus LR de la Commission des finances à glisser un bulletin en faveur de Jean-Philippe Tanguy? Pas certain.

Refusant de voter pour la Nupes ou le RN, Philippe Gosselin, l'un des piliers du groupe, espère que la majorité prenne part au vote et soutienne la probable candidate des LR, Véronique Louwagie. L'option semble cependant peu crédible.

Hortense de Montalivet et Marie-Pierre Bourgeois