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TOUT COMPRENDRE - Pourquoi la proposition de loi sur le "droit à une fin de vie libre et choisie" relance le débat sur l'euthanasie

Vue de l'Assemblée nationale à Paris le 17 décembre 2020

Vue de l'Assemblée nationale à Paris le 17 décembre 2020 - THOMAS COEX © 2019 AFP

Un nouveau "droit à une fin de vie libre et choisie" pourrait être octroyé aux personnes souffrant d'une maladie incurable. Le sujet, hautement sensible, est soutenu comme décrié par des députés de tous bords.

Avant même d'être examiné au Parlement, le texte suscite déjà des remous. Une proposition de loi créant un droit à l'euthanasie sera examinée ce jeudi en séance plénière à l'Assemblée nationale.

Ce nouveau droit serait créé pour les personnes souffrant d'une pathologie incurable. Mercredi 31 mars, les députés avaient approuvé dans la soirée ce texte en commission des Affaires sociales, après des débats de près de six heures.

Ce sujet, hautement sensible, divise profondément la classe politique, particulièrement à droite.

• De qui cette proposition de loi émane-t-elle?

La proposition de loi "donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie" est portée par le député de Charente-Maritime Olivier Falorni, qui fait partie du groupe "Libertés et Territoires" au Palais-Bourbon et en est le rapporteur. Elle avait été déposée le 17 octobre 2017.

L'ancien socialiste fait partie de longue date de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), rappelait Libération fin mars dans un portrait qui lui était consacré, dans lequel il évoquait "un combat pour la vie, la conquête de l’ultime liberté".

Mardi, il a défendu le texte comme étant "une grande loi de liberté" sur Europe 1, et a estimé qu'il y avait entre "2000 et 4000 euthanasies clandestines chaque année en France".

Dimanche, 272 députés ont soutenu sa démarche dans une tribune publiée par le Journal du dimanche. Parmi les signataires figurent notamment les présidents de quatre groupes parlementaires: Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Valérie Rabault (Socialistes et apparentés), Olivier Becht (Agir) et Bertrand Pancher (Libertés et territoires). Un nombre de parlementaires qui représente près de la moitié des 577 élus de l'Assemblée nationale.

Des membres de la majorité, tels que la présidente de la commission des Lois Yaël Braun-Pivet ou encore l'ancien socialiste Jean-Louis Touraine en sont également signataires.

Quelques membres des Républicains (LR), comme la députée Marine Brenier ou encore l'ex-LR proche de Valérie Pécresse Robin Reda, ont également signé la tribune du JDD.

• Que prévoit la proposition de loi?

La mesure-phare de ce texte, qui comporte 8 articles, vise à ce que "toute personne capable et majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable", puisse demander à bénéficier d'une "assistance médicalisée active à mourir".

Cette "assistance médicalisée active à mourir est définie comme la prescription à une personne par un médecin, à la demande expresse de celle-ci, d'un produit létal et l'assistance à l'administration de ce produit par un médecin".

L'article premier du texte prévoit également la possibilité d'aménager une clause de conscience pour les médecins, qui "ne sont pas tenus d'apporter leur concours à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée active à mourir". Auquel cas, ce dernier, ou tout membre de l'équipe soignante, doit notifier cette position au demandeur et est "tenu de l'orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible d'accepter sa demande".

Des garanties sur le consentement des malades sont également prévues, et il est aussi spécifié que "la personne malade peut à tout moment révoquer sa demande". A noter que le terme "euthanasie" ne figure pas en lui-même dans le texte qui a été voté en commission.

• Quelle est la position de l'exécutif sur l'euthanasie?

L'exécutif s'est pour l'heure gardé de prendre position sur le sujet. En mars, avec la relance du débat sur la fin de vie, notamment avec l'annonce de la mort de l'ancienne secrétaire d'Etat Paulette Guinchard, qui a eu recours au suicide assisté en Suisse, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran avait annoncé que serait lancé dès avril un cinquième "plan national de développement des soins palliatifs et d'accompagnement de la fin de vie", afin de mieux faire appliquer le cadre législatif actuel.

En 2017, Emmanuel Macron n'avait pas pris d'engagement au cours de la campagne présidentielle concernant la fin de vie. L'Agence France-Presse (AFP) rappelle qu'il avait appelé à "d'abord faire pleinement appliquer la loi Claeys-Leonetti" et avait glissé:

"Moi, je souhaite choisir ma fin de vie."

• Pourquoi le texte a-t-il peu de chances d'aboutir?

L'examen de la proposition de loi est prévue ce jeudi à 15 heures, selon l'agenda en ligne sur le site de l'Assemblée nationale, et est prévu pour durer jusqu'au soir, minuit.

En dépit de la mobilisation de nombreux députés en sa faveur, quelque 3000 amendements ont été déposés, dont 2300 par des députés Les Républicains qui se montrent hostiles au texte. Une tribune signée par des députés LR a par ailleurs été mise en ligne ce jour sur le site du Figaro.

Le temps imparti ne devrait donc pas suffire pour permettre d'examiner tous les amendements déposés avant le soir, et permettre de voter le texte qui s'inscrit dans la journée de niche parlementaire du groupe Libertés et Territoires.

"Un quarteron de députés prétend par l'obstruction parlementaire empêcher l'Assemblée de débattre sur un sujet de société majeure", avait dénoncé vendredi auprès de l'AFP Olivier Falorni.

L'élu LR et maire d'Antibes Jean Leonetti, qui a oeuvré au cadre législatif actuel qui entoure la fin de vie, a réclamé auprès de l'AFP, au diapason de nombreux opposants, un "débat" sur ce sujet.

"Ca me choque qu'on n'ait pas fait la mission parlementaire préalable, ni le débat citoyen indispensable, ni le débat avec les ministres qui, très hypocritement, ne se prononcent pas. Le gouvernement en pense quoi de ce texte?", fustige-t-il.

• Que dit la loi actuelle sur la fin de vie?

A ce jour, la question de la fin de vie a été réglée en France par deux textes. Il y a d'abord eu la loi Leonetti, promulguée en 2005, qui consacre l'interdiction de "l'obstination déraisonnable" du corps médical sur un patient, y compris lorsque la personne malade est inconsciente.

En 2016, la loi Claeys-Leonetti a été promulguée et a ouvert le droit à une sédation profonde et continue d'un patient, pouvant aller jusqu'à sa mort, sans que cela n'autorise pour autant l'euthanasie active.

En Europe, plusieurs pays comme la Belgique, le Luxembourg, la Suisse et les Pays-Bas autorisent déjà l'euthanasie. L'Espagne et le Portugal viennent également de légiférer en ce sens.

Clarisse Martin Journaliste BFMTV