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SNCF: ordonnances, timing… la tactique du gouvernement pour faire passer la réforme

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Photo d'illustration - PHILIPPE HUGUEN / AFP

En utilisant les ordonnances pour réformer la SNCF, le gouvernement oblige les syndicats à un bras de fer face à l'opinion dans lequel il est en position de force.

Un chiffon rouge qui pourrait entraîner les syndicats trop loin dans leur charge: en utilisant la procédure des ordonnances, passage en force qui permet au gouvernement de se substituer au Parlement par une loi d'habilitation, pour réformer la SNCF, l'exécutif tend un "piège politique" aux syndicats.

Guerre éclair

"On voit bien que les syndicats sont embêtés, parce que ça les oblige à réagir fort et vite. Vite, c’est compliqué parce qu’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les modalités, et puis aller fort, ça veut dire quoi ? Retenter, comme en septembre, de faire déjuger les urnes par la rue ? (...) Les syndicats ont perdu en septembre, si là ils perdaient une nouvelle fois, ça en serait fini pour eux", explique notre éditorialiste Christophe Barbier.

En misant sur une "guerre éclair" (quand les cheminots promettent une "guerre totale"), le gouvernement tente de pousser à fond son avantage. "Il bénéficie d’une conjoncture très favorable, avec une opposition pratiquement inexistante. Il y a une fenêtre de tir pour faire passer le plus de choses possible", observe Paul Bacot, professeur émérite à l'IEP de Lyon, pour BFMTV.com.

"C’est une situation qui fait que le gouvernement a la main sur l’agenda", confirme Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion d'Harris Interactive, dont l'institut affirme que 69% des Français interrogés sont favorables à l'abandon du statut des cheminots.

Timing

La maîtrise du calendrier est l'enjeu principal du bras de fer qui s'installe entre gouvernement et organisations syndicales. "L'exécutif veut boucler tout ça avant l’été, parce qu’après l’été c’est la réforme des retraites, ça sera une autre paire de manches, donc on a un conflit de temporalité", rappelle ainsi Christophe Barbier. 

Segmenter pour mieux régner, en quelque sorte. Pour l'heure, le risque pris par le gouvernement - être perçu comme brutal - semble payant: "Il n’y a pas de perception d’une absence d’échange, le gouvernement ne donne pas le sentiment d’un passage en force, analyse Jean-Daniel Lévy pour BFMTV.com. La mise en scène du dialogue social est réussie." Ce mardi encore, la ministre des Transports Elisabeth Borne a ainsi assuré sur notre antenne que "personne n'attaquait le service public", se disant ouverte à la discussion.

Mobilisation

Si cette méthode ne met pas les Français "vent debout" selon le directeur d'Harris Interactive, "le sentiment d’un débat tronqué pourrait toutefois s'avéré très mobilisateur". Pour cela, les syndicats devront réussir à marquer les esprits autrement qu'en dénonçant l'emploi des ordonnances, déjà pratiqué pour la loi travail.

"Je ne sais pas si l’opinion publique se soucie beaucoup des procédures", relativise ainsi Paul Bacot, ordonnances ou pas, ce sont peu ou prou les mêmes qui seront mécontents." 

Louis Nadau