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Réforme des retraites: pourquoi syndicats et insoumis montrent des divisions

Jean-Luc Mélenchon et Philippe Martinez (montage AFP)

Jean-Luc Mélenchon et Philippe Martinez (montage AFP) - TO GO WITH AFP STORY BY LUCILE MALANDAIN

Philippe Martinez et Laurent Berger ont tous deux regretté que l'article 7 sur le recul de l'âge de départ à 64 ans ne soit pas examiné par les députés. LFI assume sa stratégie d'obstruction et assure que le gouvernement aurait pu se targuer d'une victoire politique, en cas de vote favorable.

Une stratégie qui ne passe pas dans les rangs syndicaux. Après la fin de l'examen du projet de loi sur la réforme des retraites ce vendredi soir à l'Assemblée nationale dans une atmosphère chaotique, les centrales regrettent ouvertement le positionnement de La France insoumise.

"Ce qui a été fait à l'Assemblée nationale et le fait de ne pas aller à l'article 7 et que chacun puisse afficher ses positions, c'est un problème", a ainsi avancé Philippe Martinez, le numéro un de la CGT ce dimanche sur BFMTV.

"Pas un allié du mouvement social"

Le mouvement a maintenu la semaine dernière des milliers d'amendements, empêchant les députés de se pencher sur l'article 7 qui recule l'âge de départ à la retraite.

Si leurs alliés socialistes, communistes et écologistes ont retiré leurs amendements en fin de semaine pour accélérer les débats - le groupe de Mathilde Panot a choisi une stratégie opposée en les maintenant.

"Il fallait mettre les députés, chaque député, devant ses responsabilités (...). Quand Jean-Luc Mélenchon fait les choses comme ça, ce n'est pas un allié du mouvement social", a encore tancé le secrétaire général de la CGT dimanche.

"Ce qui se passe au Parlement reste au Parlement"

En filigrane, ce sont deux stratégies qui se sont opposées ces derniers jours: celle d'un côté choisie par LFI qui consistait à ralentir les débats, en regrettant que le gouvernement ait choisi un temps de débat court. Les députés n'ont ainsi planché que 73 heures en tout et pour tout, très loin par exemple de la réforme de 2003 avec 173 heures dans l'hémicycle.

De l'autre, celle défendue par les syndicats qui avaient l'espoir qu'un vote sur l'article 7 soit rejeté, permettant à la gauche d'arguer d'un vote contre et pousser l'exécutif à reculer.

Laurent Berger n'a d'ailleurs pas été plus tendre que Laurent Martinez, dénonçant sur son compte Twitter "un spectacle désolant" à l'Assemblée nationale, "au mépris des travailleurs". Avec une crainte: que certaines scènes dans l'hémicycle puissent faire du tort aux mobilisations qui se déroulent depuis des semaines sans heurts. Mais certains, dans les rangs de la CGT, certains regrettent mezza voce les critiques de leur centrale.

"Ce n'est notre sujet qu'on puisse débattre du texte ou non dans l'hémicycle. Nous, ce qu'on veut, c'est le retrait de la loi. Ce qui se passe au Parlement appartient au Parlement", juge ainsi Christophe Aubert, coordinateur CGT pour Exxon-Mobil auprès de BFMTV.com

"On peut dire que l'exécutif n'a pas réussi à convaincre les députés"

Plus largement, certains pointent que si le recul de l'âge de départ à 64 ans avait été adopté par les députés, le gouvernement aurait pu se targuer d'une victoire politique.

"On peut ne pas aimer la méthode de LFI dans l'hémicycle mais ça a l'avantage que le gouvernement ne puisse pas nous dire 'regardez le texte est voté' donc légitimé. Au contraire, là, on peut dire que l'exécutif n'a pas réussi à convaincre les députés", décrypte également un syndicaliste de la CFTC.

"Les politiques essaient toujours de récupérer le mouvement syndical"

Plus largement, les critiques des syndicats arrivent après des mois de tensions avec les centrales syndicales, de la marche contre la vie chère organisée par LFI à l'automne dernier et qui avait fait grincer des dents à la CGT, à la première date de mobilisation contre la réforme des retraites qui n'était pas la même dans le camp politique et syndical.

"Il faut bien comprendre que les politiques essaient toujours de récupérer le mouvement syndical et que forcément, ça crispe les représentants syndicaux", avance Bernard Vivier, directeur de l'institut du travail et bon connaisseur des partenaires sociaux.

Il faut dire que face à l'opposition massive des Français à la réforme des retraites, les syndicats espèrent durablement marquer des points tout comme la gauche. Avec un certain succès jusqu'ici pour les centrales: depuis janvier, un nombre record de Français a décidé de rejoindre un syndicat.

Le constat est moins heureux pour la gauche. Selon un sondage Ifop du Journal du dimanche, 25% des Français considèrent que le RN, extrêmement discret pendant les débats sur les retraites, "incarne le mieux l'opposition à la réforme", contre 23% pour la Nupes.

"Aider le mouvement social, c'est empêcher le gouvernement"

Du côté de Jean-Luc Mélenchon, on veut désormais tourner la page, avec le cap mis sur la mobilisation dans la rue le 7 mars prochain.

"Oublions ces propos diviseurs", a ainsi twitté l'ex candidat à la présidentielle dimanche, appelant à "élargir le front de l'engagement et à ne pas le rabougrir".

"De notre point de vue, aider le mouvement social, c'est empêcher le gouvernement de faire voter à la hâte en 10 jours la réforme des retraites. C'est ce que nous avons fait", a écrit sur le réseau social Manuel Bompard, le coordinateur de LFI.

Avec un motif d'espoir pour les opposants à la réforme, syndicalistes et élus: près de 6 Français sur 10 sont favorables à "mettre la France à l'arrêt" le 7 mars prochain suivant un sondage Elabe pour BFMTV.

Marie-Pierre Bourgeois