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Parlement

Loi Travail: vers un nouveau recours au 49.3 à l'Assemblée?

Après l'adoption par le Sénat mardi d'un texte durci, le controversé projet de réforme du Code du travail revient devant les députés. N'ayant pas trouvé de majorité pour voter le texte en première lecture, le gouvernement pourrait cette fois encore dégainer le 49.3 et risquer une nouvelle motion de censure.

Le deuxième round promet d'être tout aussi explosif que le premier. Après l'adoption mardi au Sénat d'un texte droitisé et une onzième journée de mobilisation, le controversé projet de loi Travail revient en deuxième lecture à l'Assemblée. Et dans un entretien aux Echos à paraître jeudi, le président François Hollande avertit: l'article 2, au coeur du conflit, "sera maintenu dans sa rédaction actuelle" et et à défaut de majorité, le gouvernement aura "à nouveau recours à l'article 49-3".

Un message de fermeté qui ne devrait pas aider à apaiser la crise. Un peu plus tôt mercredi, le geste du gouvernement qui a lâché un peu de lest en présentant des amendements pour "réaffirmer" le rôle des branches professionnelles à l'article 13, mais sans toucher à l'article 2, n'avait pas convaincu les syndicats opposés au texte, reçus à Matignon dans l'après-midi. A l'issue de cette entrevue en présence de la ministre du Travail Myriam El Khomri, le Premier ministre Manuel Valls a reconnu de "réelles divergences de fond, avec la CGT et FO, divergences qu'il faut assumer".

La CGT est toujours en "profond désaccord" avec Manuel Valls sur le projet de loi Travail, dont les "petites avancées sont très loin du compte", a déclaré secrétaire général Philippe Martinez, ajoutant que "la mobilisation reste à l'ordre du jour". "Il n'y a pas de sortie par le haut", a lancé de son côté Jean-Claude Mailly (FO), en déplorant "le blocage du Premier ministre".

"Ce serait un nouveau passage en force"

Une nouvelle journée de manifestation est d'ores et déjà programmée pour le 5 juillet prochain, jour du retour du texte dans l'hémicycle. Si mardi, la contestation semblait refluer dans la rue, avec entre 64.000 et 200.000 opposants, selon les chiffres des autorités et de la CGT, le retour du texte au Palais Bourbon risque de remettre le feu à gauche.

La version adoptée mardi par le Sénat, à majorité de droite, a été remaniée et rendue nettement plus libérale. Comme prévu, députés et sénateurs ont donc échoué en commission mixte paritaire (CMP) à s'accorder sur une version commune. Après un passage en commission de l'Assemblée ce jeudi, qui devrait s'employer à rétablir sa version, le projet de loi reviendra devant les députés pour une nouvelle lecture à partir de mardi prochain. 

N'ayant pas réussi à trouver de majorité pour voter le texte en première lecture début mai, l'exécutif semble une nouvelle fois dos au mur. Le souvenir du coup de force de Manuel Valls est encore frais et plusieurs élus craignent déjà un nouveau recours à l'article 49-3 de la Constitution pour faire adopter le texte sans vote, en engageant la responsabilité du gouvernement.

"Je ne sais pas si c'est inévitable, mais ça n’est pas une très bonne idée. Ce serait un nouveau passage en force", s'alarme le député socialiste Jean-Patrick Gille auprès de BFMTV. com. "Le 49.3 avait beaucoup heurté les Français, en ce sens le blocage de l’Assemblée représente le blocage de la société. Il faut plutôt sortir en douceur le texte."

Le député frondeur Pascal Cherki redoute lui aussi que l'exécutif en arrive là. "Je ne le souhaite pas", explique-t-il à BFMTV.com. "La raison devrait conduire le gouvernement à négocier, ça n’est pas un gros mot. C’est un texte minoritaire chez les syndicats et dans l’opinion. Le recours au 49.3 pose un problème en terme de rapport démocratique à la société."

Le 49-3 pourrait être "dégainé très rapidement"

Or, d'aucuns s'inquiètent du peu de temps prévu par le gouvernement pour débattre du texte et y voient un signe annonciateur d'un usage prochain de cette arme constitutionnelle. "Quand on sait qu'au Sénat, il y a eu deux semaines de débat, prévoir trois jours, trois jours et demi à l'Assemblée nationale, à partir de mardi prochain, montre bien que cette deuxième lecture se fera très probablement sans débat et que le 49-3 sera dégainé très rapidement", a analysé mardi André Chassaigne, le chef de file des députés Front de Gauche, en conférence de presse.

"Ça n’est pas beaucoup mais on sera quand même en deuxième lecture, il faut moins de temps. C’est le principe de l’entonnoir, qui veut notamment qu’on ne puisse pas faire d’articles additionnels. Et le gouvernement peut encore décider de jours de débat additionnels", veut rassurer Jean-Patrick Gille. Mais Pascal Cherki est dubitatif. "Trois jours alors qu’il devrait y avoir beaucoup d’amendements, effectivement ça demandera beaucoup d’efficacité aux députés", glisse-t-il.

Dès lors, "tout est sur la table pour nous, y compris une motion de censure de la gauche", prévient Pascal Cherki. Depuis l'échec, à deux voix près, du dépôt d'une motion de censure de la gauche en mai, plusieurs socialistes frondeurs, des écologistes et non inscrits se voient "toutes les semaines" pour évoquer le sujet, confie-t-il. Et l'élu de Paris assume le risque de faire tomber un gouvernement socialiste. "Si on dépose une motion de censure, c’est contre le passage en force. Il faut 58 députés. Si ce nombre est atteint le gouvernement tombera et la loi avec. Mais d’ici là, peut être que le gouvernement va trouver à négocier."

V.R.