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"Il y a pourtant des malades qui attendent": la loi sur la fin de vie reportée sine die?

Le président Emmanuel Macron tient le rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, le 3 avril 2023 à l'Elysée, à Paris

Le président Emmanuel Macron tient le rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, le 3 avril 2023 à l'Elysée, à Paris - Aurelien Morissard © 2019 AFP

Après l'annonce en grande pompe d'un futur texte sur le suicide assisté en avril dernier, le gouvernement semble temporiser et renvoie son arrivée au Parlement à 2024. Si l'exécutif assure avancer, les parlementaires n'y croient plus vraiment.

Un simple report ou un enterrement qui ne dit pas son nom ? Le projet de loi sur la fin de vie annoncé par Emmanuel Macron "d'ici la fin de l'été 2023" ne devrait finalement être présenté au Parlement que "l'année prochaine". Faut-il comprendre que le suicide assisté et l'euthanasie ne seront pas légalisés prochainement? Éléments de réponse.

"Il n'y a aucun décalage. Il n'y avait pas eu de moment précis annoncé et nous nous adaptons aux contraintes de l'Assemblée", banalise le cabinet de Franck Riester, le ministre des Relations avec le Parlement, auprès de BFMTV.com.

"Il y a des gens qui attendent derrière, des malades"

En avril dernier, Emmanuel Macron avait longuement reçu les dizaines de citoyens qui avaient participé à la Convention sur la fin de vie. Ces personnes tirées au sort défendaient dans leur grande majorité le recours à l'euthanasie et au suicide assisté, tout en faisant état d'importantes nuances.

Le président avait alors annoncé vouloir un projet de loi "d'ici la fin de l'été 2023" mené "en coconstruction" avec "le gouvernement" et "les parlementaires", tout en fixant ses propres "lignes rouges". Depuis, pas grand-chose n'a filtré de l'avancée des travaux.

"Le président avait dit que tout serait prêt pour septembre. Et là, rien. Il y a des gens qui attendent derrière pourtant, des malades", s'agace la députée insoumise Caroline Fiat, autrice d'un rapport sur la fin de vie et le suicide assisté.

Avant de se demander: "un texte l'année prochaine, c'est en janvier 2024 ou en décembre 2024?"

Un projet de loi suspendu au déploiement des soins palliatifs

Dans les rangs de l'exécutif, on renvoie à la ministre déléguée à la santé Agnès Firmin Le Bodo, officiellement à la manœuvre.

"Elle a largement consulté, elle a reçu tout le monde, les parlementaires, les représentants des cultes, les associations de soignants et de patients. Elle a énormément travaillé", explique un familier du dossier.

Il faut dire que la création d'une "aide active à mourir" réclamée par la Convention citoyenne reste suspendue au plan de développement des soins palliatifs.

Le président lui-même marche sur une ligne de crête depuis son arrivée à l'Élysée. En dépit de plusieurs initiatives de sa propre majorité sur le sujet, le président avait fermé la porte à toute évolution de la loi lors de son premier quinquennat, se gardant bien de faire connaître son opinion en la matière.

Macron, entre crainte d'"humilier" les catholiques et "conviction qu'il faut bouger"

Avant finalement d'expliquer avoir "la conviction qu'il faut bouger" sur la fin de vie en septembre 2022, évoquant même la possibilité d'un référendum, puis de se rabattre sur une Convention citoyenne.

Mais pas question d'aller trop vite sur un sujet qu'il voit comme une source de tensions. En plein commencement des travaux de la Convention citoyenne, le chef de l'État n'a ainsi pas hésité à évoquer son "doute salvateur" et sa nécessité de "maturation" sur ce sujet "complexe" devant des dignitaires religieux.

Avec une obsession: ne pas "humilier" les catholiques, comme il l'avait expliqué pour le mariage pour tous. Mais le président semble également hésiter à titre plus personnel.

"La mort, pas un acte technique"

Si le sujet a bien été abordé entre le pape et Emmanuel Macron samedi à Marseille, rien n'a filtré de la teneur de leurs échanges. Mais en octobre 2022, le président s'était confié à quelques journalistes après un entretien au Vatican.

"Sur le sujet de la fin de vie, j’en ai parlé au pape, en lui disant que je n’aimais pas le mot d’'euthanasie'. La mort, c’est un moment de vie, ce n’est pas un acte technique", expliquait alors le président auprès du Point.

Pendant la dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron semblait pourtant avoir évolué, se disant "favorable" à titre personnel, à ce que la France "évolue" vers "le modèle belge", autrement dit vers une légalisation de l’euthanasie pour des personnes atteintes de maladies jugées incurables.

"Pas de goût pour les sujets sociétaux"

L'Élysée avait finalement rétropédalé auprès du journal catholique La Croix, en expliquant que la président refusait d'appliquer ses convictions à "tout un pays".

"Macron n'a pas vraiment de goût sur les sujets sociétaux. Il y touche avec de la méfiance. On l'a vu sur la PMA pour les couples de femmes. Il a lambiné tout le quinquennat avant qu'on y arrive", traduit avec le recul une députée macroniste.

Dans le camp du gouvernement, on assure cependant toujours tenir le calendrier, évoquant une remise de la copie de la ministre déléguée à la santé "fin septembre" à Emmanuel Macron avant d'éventuelles corrections, suivie d'un examen au Conseil d'État et enfin d'un débat à l'Assemblée et au Sénat.

"On a un président qui se dit réformiste et il pourrait passer à côté d'une loi réclamée par les Français ? Ce serait une erreur politique', tance de son côté Olivier Falorni (Modem), président du groupe d'études sur la fin de vie à l'Assemblée.

D'après un sondage Ifop, 78% des personnes interrogées souhaitent une évolution de la législation en matière de fin de vie.

Marie-Pierre Bourgeois