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"C'est le prix de la démocratie": les députés défendent la hausse de leurs frais de mandat

La décision d'augmenter le plafond des dépenses des élus de l'Assemblée nationale passe mal à gauche. Des députés jugent pourtant la mesure nécessaire dans un contexte d'inflation. "On a l'impression que plus rien n'est possible aujourd'hui quand ça touche le personnel politique", regrette un député Renaissance.

Une hausse qui peut surprendre. L'Assemblée nationale a augmenté ce mercredi l'enveloppe des frais des mandats de députés de près de 305 euros. Cette somme qui cherche à répondre à l'inflation des dépenses des parlementaires passe mal dans les rangs de la gauche. Au sein de Renaissance, on assume.

"Si vos dépenses professionnelles augmentent pour prendre le train ou faire un déjeuner d'affaires, votre employeur vous rembourse et c'est bien logique. Nous, c'est pareil", avance le député macroniste Éric Woerth auprès de BFMTV.com.

"La nécessité d'aller un peu plus haut sur notre plafond de dépenses"

C'est d'ailleurs sur sa suggestion comme questeur de l'Assemblée nationale que le bureau du Palais-Bourbon s'est emparé de sa proposition.

Concrètement, cette avance sur frais de mandat (AFM) passe de 5.645 euros à 5.950 euros. Elle permet aux députés de régler les frais directement liés à l'exercice de leur mandat comme la location de leur permanence parlementaire, leurs déplacements en transports ou encore leurs chambres d'hôtel.

Le député apparenté Renaissance Stéphane Vojetta est sur la même longueur d'onde que son collège.

"On a parfois la nécessité de pouvoir aller un peu plus haut sur notre plafond de dépenses. Moi, je fais beaucoup de voyages avec des compagnies aériennes étrangères et j'ai dû emprunter de l'argent à l'Assemblée nationale", détaille l'élu des Français de l'étranger qui partage son temps entre l'Espagne, le Portugal et Paris.

Des dépenses contrôlées au moins une fois en 5 ans

"Louer des endroits pour rencontrer des habitants, organiser des rencontres avec des associations, avoir un local parlementaire. Ce n'est pas gratuit, ça coûte de l'argent", juge encore Stéphane Vojetta.

Très concrètement, chaque dépense engagée par le député doit être assortie de justificatif financier comme un ticket de caisse ou une facture et doit directement être liée à l'exercice du mandat.

Si en fin de mandat les députés n'ont pas consommé toute l'enveloppe disponible, ils doivent reverser les sommes non dépensés à l'Assemblée nationale. Chaque député est également contrôlé au moins une fois par mandat sur ses fais par le déontologue de l'Assemblée nationale.

"Les députés se permettent une augmentation de leur budget à eux"

Ce système, lancé en 2018, a remplacé l'indemnité de représentation de frais de mandat. Son montant était de 6.109 euros en 2017 et était à la libre disposition des députés. Plusieurs scandales avaient émaillé son usage ces dernières années.

À gauche, plusieurs élus ont rapidement saisi que le symbole pourrait mal passer, entre inflation, hausse des prix de l'électricité et colère des agriculteurs, souvent confrontés à des rémunérations très basses. La députée socialiste Valérie Rabault a fait part de ses réserves avant la délibération mais n'était pas présente lors du vote.

Seule La France insoumise s'est abstenue. L'un de ses députés François Ruffin a dénoncé sur BFMTV a fait part de sa colère.

"Ce qui me paraît choquant dans cette décision, c'est qu'on est dans une Assemblée qui refuse (de voter pour) l'indexation des salaires sur l'inflation. Et dans ce cadre-là, les députés se permettent une augmentation de leur budget à eux", s'est agacé l'élu de la Somme.

"Ces 300 euros, je les verserai à Solidarité Paysans, qui apporte son aide à leurs collègues en difficulté", avance encore le député.

"Qu'on n'en soit pas de notre poche"

Ce don semble sur le papier compliqué, cette association qui fait notamment de la prévention contre le suicide des agriculteurs n'étant pas directement lié aux frais de mandat de François Ruffin.

Manifestement consciente que l'augmentation de l'AFM peut mal passer auprès des Français, le RN, fait, lui, marche arrière. Si Sébastien Chenu et Hélène Laporte, deux de ses membres représentants au bureau de l'Assemblée nationale ont voté pour mercredi, ils regrettent désormais leur décision.

Cette augmentation "suscite, à juste titre, un émoi certain chez nos compatriotes dans une période où le pouvoir d'achat de très nombreux Français est très dégradé", ont-ils écrit dans un communiqué de presse, demandant un report de la mesure "sine die".

"On n'a pas augmenté notre indemnité parlementaire mais juste la possibilité de pouvoir être mieux remboursé et qu'on n'en soit pas de notre poche. On a l'impression que plus rien n'est possible aujourd'hui quand ça touche le personnel politique", soupire pour sa part un macroniste.

"Pas une hausse de la rémunération des parlementaires"

Les députés touchent actuellement 7.637 euros brut mensuel soit 5.953 euros net. Ce montant n'a pas été augmenté depuis des années. Interrogée, la présidente de l'Assemblée nationale a dit "comprendre l'émoi".

"Cette question a été évoquée: est-ce que c'est opportun de le faire maintenant? Nous avons convenu que c'était opportun", a déclaré Yaël Braun-Pivet lors de ses vœux

"Nous n'aurions jamais, dans le contexte actuel, voté une hausse de la rémunération des parlementaires. Soyons clairs. Nous avons voté à l'unanimité la hausse du plafond de nos frais de mandat. C'est très différent", a avancé la locataire du Perchoir.

"Le prix de la démocratie"

"Je comprends que le timing ne soit pas de bon aloi", reconnaît de son côté le député Renaissance Stéphane Vojetta qui appelle "à ne pas tout mélanger".

"Si on veut du personnel parlementaire qui travaille bien, il faut leur donner des moyens. Donc là, on nous donne les moyens de travailler, tout simplement. C'est aussi ça le prix de la démocratie", assure l'élu.

Suffisant pour convaincre ? La manœuvre a fait grincer des dents et bien au-delà des oppositions. L'union syndicale des collaborateurs parlementaires qui compte des attachés de députés de tout bord s'est étonnée de cette décision.

"L'Assemblée refuse, au motif que cela coûterait trop cher à l'institution, d'augmenter le crédit collaborateurs", a regretté le syndicat.

Les députés possèdent actuellement une enveloppe de 11.000 euros par mois pour rémunérer leurs collaborateurs.

Marie-Pierre Bourgeois