BFMTV
Gouvernement

Salon de l'agriculture: l'exécutif "inquiet, mais mobilisé" à la veille d'une édition mouvementée

Les annonces de Gabriel Attal ont adouci le ton de certains syndicats, mais n'ont pas calmé la colère de la base. L'exécutif "inquiet" est "mobilisé" d'ici l'ouverture du Salon de l'agriculture ce samedi 24 février.

Sur les points de blocage, des agriculteurs pas "convaincus" par les annonces d'Attal, des Jeunes Agriculteurs (JA) qui appellent à de nouvelles "actions pour sensibiliser", l'organisation d'un grand débat avec "l'ensemble des acteurs du monde agricole"... C'est dans un climat social tendu que s'ouvre ce samedi 24 février le Salon de l'agriculture.

Pour le président et son gouvernement, la visite est chaque année de moins en moins paisible. La préparation de cette 60e édition a, elle, complètement chamboulé les agendas.

Depuis maintenant près d'un mois qu'a commencé la crise agricole, l'exécutif veut montrer un bataillon de ministres plus que jamais au travail, droits dans leurs bottes en caoutchouc. Et à un jour du salon, les ministres et le président veulent se montrer mobilisés, parlant concret et sans peur d'aller au contact.

"Le ton du Salon sera à bâtons rompus, franc, direct, républicain et sans filtre", assure l'Élysée.
Colère des agriculteurs: que faut-il retenir des nouvelles annonces de Gabriel Attal?
Colère des agriculteurs: que faut-il retenir des nouvelles annonces de Gabriel Attal?
4:00

Multiplication des réunions

Cette dernière semaine, le gouvernement n'a pas relâché son attention sur les questions agricoles.

Mardi 20 février, par exemple pas moins de six réunions ont rassemblé les membres du gouvernement, les syndicats et les interprofessionnels du secteur. Un an plus tôt en comparaison, le chef de l'État serrait des mains à Rungis sur fond de réforme des retraites tandis qu'Élisabeth Borne s'entretenait, comme c'est de coutume chaque année à cette période pour Matignon, avec la FNSEA.

Sur le pont mercredi dans une conférence de dernière minute, Gabriel Attal a livré à la presse son “point d’étape” sur les mesures prises en faveur des agriculteurs, après une réécriture express du texte. Une grosse partie consacrée à la souveraineté alimentaire a notamment été insérée en urgence aux orientations du pacte agricole.

"On fait en 15 jours ce qui n’a peut-être pas été fait en 15 ou 20 ans", s'est félicité en ce sens Marc Fesneau au micro de France Bleu Normandie en fin de semaine dernière.

"Ces derniers jours, on a été en fonctionnement de crise, comme depuis un mois. L’année dernière à la même période, on avait 3 déplacements par semaine à peine. Là c’est tous les jours, voir plusieurs fois par jour", confie son entourage à BFMTV.com

Ce jeudi, le ministre de l'Agriculture s'est rendu dans le Finistère où des agriculteurs ont mené une action samedi 17 février dans un hypermarché. "Un déplacement non prévu, un jour et demi avant l'ouverture du Salon, on a jamais eu ça", explique le cabinet avant de résumer: "C'est du H24. Tout peut changer heure par heure. Les journées durent plus de 15 heures".

Flexibilité, déminage, communication

"Ça doit être une semaine de concrétisation", a assuré Matignon. D'ici samedi, l'opération déminage continue pour l'exécutif qui doit en plus continuer d'occuper le terrain et communiquer sur les "62 engagements pris".

Ces derniers jours ont demandé une flexibilité importante. Mais également une réflexion rapide autour de la communication de crise. Qui du président ou de Gabriel Attal mettra le plus les pieds dans la boue?

Le premier ministre, qui vit là sa première crise à Matignon, semble prendre le tout venant et les premières annonces. L'Élysée est concentré sur sa visite de samedi et réfléchit à une organisation spéciale pendant qu'à l'Agriculture, on fait le tour des exploitations de l'Hexagone.

"Ce n'était pas le cas il y a quelques années, mais aujourd'hui je peux vous dire qu'Emmanuel Macron connaît les dossiers agriculture aussi bien que son ministre", a réagi auprès de BFMTV.com l'ancien député Renaissance et agriculteur, Jean-Baptiste Moreau.

"Ça demande beaucoup d’énergie parce qu'au-delà des dossiers techniques, chaque territoire a des problématiques bien particulières et il faut tout le temps s’adapter", témoigne l'entourage de Marc Fesneau.

Juste avant la conférence de presse du Premier ministre, une source syndicale expliquait au Parisien en illustration de ce climat mouvant que "tout peut changer dans la nuit ou même cinq minutes avant".

"Inquiets, mais mobilisés"

"Bien sûr qu'ils sont inquiets. Forcément", constate Jean-Baptiste Moreau, régulièrement consulté par l'exécutif pendant cette crise.

"Personne ne peut être serein. Ni l'exécutif ni les syndicats, parce que la base est très remontée. Ils ne savent pas ce qui va se passer samedi, ni qui sera là", explique l'ancien élu de la Creuse.

Au gouvernement, on s’attend déjà "à des actions coups de poing" et des "sifflets" en marge du Salon. Impossible de satisfaire tout le monde d'ici là de toute façon, "on a déjà poussé les curseurs très loin", conclut un cadre de la majorité dans Le Parisien.

Un grand débat, sur "le ring"

Sur une crise qui dure depuis plus de 30 ans, les agriculteurs attendent du concret. Comme en témoignent certains retours après la conférence de presse du Premier ministre.

"De nouvelles annonces vont être faites le jour de la visite du Président de la République [...] qui prévoit de "refixer un cap à l’horizon 2030", a prévenu l'Élysée.

Sous quelle forme? On sait que désormais l'exécutif a prévu "un grand débat" avec "l'ensemble des acteurs du monde agricole".

"En mode ring. Au contact. C'est un exercice qu'il maîtrise", abonde l'ancien député qui l'a conseillé en ce sens. Le chef de l'État aime les déambulations. L'année dernière, sa visite avait duré treize heures. Et les grands débats ont émaillé les dialogues sociaux de son premier quinquennat.

Parmi les sujets abordés, on entendra parler d'économie, de rémunération, de changement climatique, d'écologie et d'Europe.

Les invitations de la discorde

Plusieurs centaines d'invitations ont été lancées. "Toutes les personnes qui s'expriment régulièrement sur le sujet" ont été conviées. Des agriculteurs aux associations écologistes, en passant par les distributeurs, les syndicats, les représentants des filières agricoles et les producteurs issus de l'ensemble des régions.

Parmi elles, Michel-Édouard Leclerc, Michel Biero de Lidl France, mais aussi Les Soulèvements de la Terre (dont le gouvernement avait décidé la dissolution avant d'être retoqué par le Conseil d'État), Générations futures et Réseau Action Climat ont été invités. Côté agriculteurs, le dirigeant FNSEA, le président des Jeunes agriculteurs, la Coordination rurale, la Confédération paysanne et le MODEF ont également reçu un carton d'invitation.

"Il faudra qu'il soit bon pour faire redescendre la pression", a prévenu ce jeudi sur notre antenne le vice-président de la FNSEA, Damien Greffin.

Mais l'opération de communication est en train de virer au couac. Devant les réactions de certains syndicats, en particulier celle de la FNSEA, les Soulèvements de la Terre ont été désinvités. Malgré le rétropédalage, Arnaud Rousseau a confirmé son refus de participer en faisant savoir qu'il ne comprenait plus la ligne du gouvernement. Les Jeunes Agriculteurs réfléchissent à décliner également.

"Je n'irai pas à ce grand débat. Je l'ai indiqué hier soir. Je trouve que ce qui se passe est incompréhensible, le cynisme qui prévaut à ce que j'observe est intolérable pour les gens que je représente", a-t-il déclaré ce matin sur notre antenne.

La pression maintenue à deux jours de l’ouverture

Entre 1.000 à 1.500 agriculteurs sont attendus à Paris ce vendredi pour une manifestation autorisée par la Préfecture. "On va les voir pour leur expliquer qu'on ne veut pas d'eux au Salon parce qu'ils n'en ont rien à faire du monde agricole", a confié le co-président de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne à France 3.

Les députés de la majorité, eux, prévoient de se tenir autant que possible aux côtés des agriculteurs de leur circonscription exposés Porte de Versailles. "Pour montrer que maintenant les remontées terrain des élus doivent être entendues", précise une parlementaire Renaissance à BFMTV.com.

"Les députés des régions agricoles qui connaissent super bien leurs dossiers, ça fait un an que certains attendent des réponses de la part du gouvernement", déplore à notre oreille cette élue de la majorité aux vacances parlementaires en pointillés étant données les circonstances.

Le ton sera très vite donné, conclut le ministère de l'Agriculture. "Samedi va donner le "la"" de ce qu'il va se passer pendant neuf jours", nous prédit-il.

"Une sécurité maximale" est prévue, a de son côté assuré l'organisateur du Salon, Arnaud Lemoine sur notre antenne. "Elle a bien été renforcée" par rapport à l'année précédente, confirme l'organisation à BFMTV.com.

Hortense de Montalivet