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Gouvernement

Parité, ministres de droite, société civile... Pourquoi le gouvernement Attal est loin du macronisme de 2017

Gérald Darmanin et Gabriel Attal à Ermont (Val d'Oise) le 9 janvier 2023

Gérald Darmanin et Gabriel Attal à Ermont (Val d'Oise) le 9 janvier 2023 - Bertrand GUAY / AFP

Sept ans après l'élection d'Emmanuel Macron, la promesse du "en même temps" et d'une façon d'exercer le pouvoir différemment de ses prédécesseurs semble définitivement enterrée par le dernier remaniement. La droite est plus que jamais en force au gouvernement tandis que la société civile a quasiment disparu des effectifs.

Comme un air de l'ancien monde? Le nouveau gouvernement dirigé par Gabriel Attal rompt en grande partie avec plusieurs fondamentaux du macronisme qui ont permis au chef de l'État de conquérir le pouvoir en 2017.

• La fin du "en même temps" avec la droite en force

La promesse du "dépassement politique", qui cherchait à dépasser le clivage entre la gauche et la droite, semble très loin. Le nouveau gouvernement de Gabriel Attal ne compte ainsi plus aucune personnalité issue du parti socialiste. Seule exception: le Premier ministre lui-même qui a commencé son parcours au cabinet de la ministre Marisol Touraine sous François Hollande.

Les ténors du gouvernement sont tous issus des rangs de la droite, que ce soit Bruno Le Maire, Gérald Darmanin ou Sébastien Lecornu. Les nouveaux entrants sont également tous passés par les LR, à l'instar de Rachida Dati, garde des Sceaux pendant la présidence de Nicolas Sarkozy et femme forte des Républicains pendant près de 15 ans.

Même topo pour la ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin, porte-parole de Jacques Chirac à l'Élysée puis ministre sous Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin.

Olivier Dussopt lors de sa passation de pouvoir avec la nouvelle ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin.
Olivier Dussopt lors de sa passation de pouvoir avec la nouvelle ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin. © JULIEN DE ROSA / AFP

En 2017, plusieurs personnalités de gauche avaient pourtant bien fait leur entrée au casting gouvernemental à l'instar d'Olivier Dussopt. Toujours ministre depuis, le socialiste a quitté l'exécutif jeudi. Élisabeth Borne, qui était rentrée au gouvernement après l'élection qui avait travaillé avec Lionel Jospin puis Ségolène Royal va, elle, retourner à l'Assemblée nationale.

Bye bye également le ministre des Transports Clément Beaune qui avait commencé sa carrière dans le cabinet de Jean-Marc Ayrault.

• La parité à la peine

Emmanuel Macron avait promis un gouvernement à "l'égalité parfaite entre les hommes et les femmes" en 2017. Si la promesse est tenue dans un premier temps avec des postes-clefs détenues par des femmes comme Florence Parly aux Armées, elle a désormais du plomb dans l'aile.

La parité a beau être bien respectée, il n'y pas une seule femme qui arrive à un ministère régalien. La seule qui détenait les clefs d'un tel portefeuille est Catherine Colonna au Quai d'Orsay, désormais remplacée par Stéphane Séjourné.

Les femmes sont pour la plupart nommés à des ministères techniques, souvent jugées comme peu prestigieux à l'instar de l'Égalité femmes-hommes pour Aurore Bergé ou l'Enseignement supérieur pour Sylvie Retailleau qui est maintenue à son portefeuille.

Amélie Oudéa-Castéra hérite tout de même d'un super ministère à l'Éducation et aux Sports, en pleine année des Jeux Olympiques à Paris, et alors que l'école est "la priorité absolue" du nouveau Premier ministre. Catherine Vautrin hérite, elle, aussi d'un ministère très élargi s'étendant du Travail à la Santé.

• La fin de la société civile

Le nouveau gouvernement acte définitivement la fin de ces personnalités loin de la politique qui rejoignent Emmanuel Macron. En 2017, l'éditrice Françoise Nyssen était arrivée à la Culture tout comme l'escrimeuse Laura Flessel. Nicolas Hulot, un temps candidat à la primaire écologiste, avant de prendre ses distances avec le mouvement, faisait également partie du casting gouvernemental.

Rapidement, la greffe prend mal, entre couacs de François Nyssen, problèmes d'impôt de Laure Flessel, et démission fracassante de Nicolas Hulot.

Sept ans, plus tard, on ne trouve plus qu'une seule personne avec un profil éloigné des allées du pouvoir dans le gouvernement: Éric Dupond-Moretti, entré en politique après la réélection du président en 2022.

• Les ministres Modem et Horizon en retrait

Soucieux de contenter François Bayrou après son élection en 2017, Emmanuel Macron s'était assuré que son principal allié récupère pas moins de trois postes gouvernementaux dont les Armées et la Justice. Après des démêlées judiciaires, le casting avait changé mais les centristes avaient gardé leur poids.

Des années plus tard, le gouvernement d'Élisabeth Borne compte toujours des Modem comme Marc Fesneau ou encore Sarah El Haïry et Jean-Noël Barrot. Édouard Philippe est lui aussi bien servi après la réélection d'Emmanuel Macron avec Christophe Béchu, Agnès Firmin Le Bodo et Charlotte Caubel. La manœuvre n'a rien d'inutile dans un contexte de majorité relative qui nécessite de traiter Horizons et le Modem avec doigté.

À l'issue du remaniement qui doit encore être complété par la liste des secrétariats d'État, il ne reste plus que Christophe Béchu et Marc Fesneau pour les partis alliés du président.

• La fin des Premiers ministres "technos"

Depuis son arrivée à l'Élysée, le président n'avait choisi jusqu'ici que des locataires de Matignon au profil très administratif, souvent méconnus du grand public. Emmanuel Macron a fait un choix à 180 degrés en nommant Gabriel Attal, l'une des personnalités politiques préférées des Français.

Le plus jeune locataire de la Ve République dénote aussi par son parcours professionnel: il n'est pas passé par l'ENA et n'a exercé aucune haute fonction administrative contrairement à ses prédecesseurs. De quoi tenter de donner un souffle à un quinquennat poussif tout en prenant le risque d'avoir un numéro deux qui fera peut-être de l'ombre à Emmanuel Macron.

Marie-Pierre Bourgeois