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Oudéa-Castéra propulsée ministre de l'Éducation nationale et des Sports, le pari risqué de Macron

Amélie Oudéa-Castéra à Paris le 12 janvier 2024

Amélie Oudéa-Castéra à Paris le 12 janvier 2024 - Ludovic MARIN / AFP

Cette fidèle d'Emmanuel Macron hérite d'un super portefeuille qui compte dans le même giron l'école, priorité absolue du chef de l'État, et la bonne tenue des Jeux olympiques. Après avoir endossé l'image de "Madame Propre" dans le sport, elle va devoir convaincre les enseignants qui l'attendent au tournant.

Une proche du Président à la tête d'un ministère XXL. Désormais ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, en plus des Sports et des Jeux olympiques, Amélie Oudéa-Castéra va devoir vite apprendre à dialoguer avec le monde enseignant qui craint une ministre "à mi-temps".

Celle qui était dans la même promotion qu'Emmanuel Macron à l'ENA et qui est désormais surnommé AOC a pour elle d'avoir affronté plusieurs crises d'ampleur dans le monde du sport qu'elle gérait depuis 2022. De quoi lui donner une certaine assise politique au moment de remanier le gouvernement.

Des débuts difficiles

Ancienne championne de tennis junior, son arrivée à ce poste très politique à deux ans des JO de Paris s'était pourtant faite dans la douleur. À 43 ans, cette mère de trois enfants se jugeait bien préparée pour avoir planché pendant toute la campagne sur les questions sportives pour le président.

Mais à peine nommée, elle doit affronter le fiasco de la finale de la ligue des Champions, confrontée à des images de supporters britanniques qui ne peuvent pas rentrer dans le Stade de France, des familles visées par des bombes lacrymogènes de la part de policiers, le tout aboutissant à près de 250 plaintes.

Aux côtés de Gérald Darmanin, la ministre des Sports charge le club de Liverpool et la gestion de ses supporters, tout en esquissant un relatif mea culpa. De quoi lui permettre de passer entre les gouttes, bien aidée par le préfet de police Didier Lallement qui joue le rôle de paratonnerre.

Le ménage dans les fédérations sportives

Celle qui est l'épouse de l'ex-patron de la Société générale Frédéric Oudéa, désormais à la tête du laboratoire pharmaceutique Sanofi, se taille également une réputation de nettoyeuse des écuries d'Augias en parvenant en quelques mois à déloger trois patrons des plus puissantes fédérations sportives de France.

Bye bye le patron du football français Noël Le Graet, épinglé à plusieurs reprises pour des propos sexistes, avant de se montrer très cassant envers Zinedine Zidane. Adieu également le numéro un du rugby français Bernard Laporte ou encore Claude Atcher, le président du comité d'organisation de la Coupe du monde de rugby.

À la manœuvre pour les JO, l'ex-patronne de la Fédération française de tennis se taille vite une réputation d'obsédée du détail, plongeant dans les arcanes du dossier, au risque d'agacer Gérald Darmanin, en charge de la sécurité.

Dans les pas d'Attal

Les relations ne sont guère plus faciles avec le maire de Paris Anne Hidalgo avec qui elle s'accroche régulièrement dans les médias. Mais Amélie Oudéa-Castéra tient bon alors que plusieurs conseillers ministériels parient sur sa montée en grade après l'été, en cas de succès des JO.

Cette ancienne conseillère de la Cour des comptes, passée par Axa et Carrefour, n'aura donc pas eu à attendre.

Désormais propulsée à la tête d'un portefeuille très élargi, la bride sera courte. Après avoir expliqué qu'il "emmenait avec lui" l'école à Matignon, Gabriel Attal a promis qu'il serait "le garant" de "la priorité absolue" accordée au niveau des élèves lors de la passation de pouvoir ce vendredi.

Amélie Oudéa-Castéra a manifestement bien reçu le message. "Je veux que chacun sache que cette ligne, je la suivrai", a-t-elle déjà promis, en assurant de poursuivre "les chantiers" du Premier ministre "jusqu'au succès".

La déception des professeurs

Son premier déplacement annonce déjà la couleur: il aura lieu ce vendredi après-midi dans un collège des Yvelines, accompagnée de son prédécesseur Gabriel Attal.

Si une certaine logique préside à son arrivée rue de Grenelle - c'est elle qui avait défendu auprès du chef de l'État l'instauration de 30 minutes de sport par jour dans les écoles primaires -, les syndicats d'enseignants l'attendent au tournant.

"On va avoir une ministre qui ne pourra pas traiter les questions liées à l'éducation à temps plein", a jugé Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du second degré sur BFMTV.

Difficile de lui donner tort alors que la préparation des JO risque bien d'occuper le plus gros de son agenda politique. L'exécutif peut-il se payer le luxe de faire attendre l'Éducation nationale après avoir lancé tous azimuts le chantier de la lutte contre le harcèlement scolaire, l'objectif de la hausse du niveau des élèves en mathématiques et en français ou encore la formation des professeurs?

Certains au sein de la macronie jugent qu'elle aura les mains bien plus libres après l'été. En attendant, la nomination de secrétaires d'État dédiés à l'école et au sport pourraient lui alléger la tâche dans les prochains jours.

Marie-Pierre Bourgeois