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Gouvernement

"Les gens sont frileux": la gauche en difficulté pour s'imposer depuis l'arrivée de Gabriel Attal à Matignon

Plus de dix jours après la nomination du nouveau Premier ministre Gabriel Attal, plusieurs élus de gauche regrettent que leur famille politique n'ait pas su profiter d'une séquence qui aurait pu tourner à leur avantage.

Mardi 16 janvier, Gabriel Attal plongeait dans le bain bouillonnant de l'Assemblée nationale pour sa première séance des questions au gouvernement en tant que Premier ministre.

Les oppositions, remontées par ce gouvernement qui compte de nombreuses personnalités de droite, après une loi immigration qui a laissé des traces, promettaient une ambiance surchauffée. "Je vais lui taper dessus", disait un président de groupe de gauche quelques minutes avant.

Bien différent de Borne

Mais loin des annonces, et malgré les prises de paroles offensives de tous les présidents de groupe, plusieurs élus de gauche ont reconnu que le nouveau chef du gouvernement a semblé réussir son baptême du feu.

"Il est bon", lançent des élus de gauche dans les couloirs de l'Assemblée à l'issue de la séance, mi-fatalistes, mi-abattus de voir le jeune Premier Ministre "gagner le match".

Une expression reprise par Cyrielle Chatelain, cheffe du groupe écologiste à l'Assemblée: "Je fais partie des gens qui ont posé une question à Gabriel Attal et je n'ai pas gagné le match. Il va falloir qu'on s'habitue à une nouvelle personnalité. Élisabeth Borne répondait aux questions, pas Gabriel Attal. Il ne prend pas la peine de répondre, il trouve le point d'accroche pour taper."

Elle poursuit: "Typiquement, je voulais l'interpeller sur le bilan du macronisme après plus de six ans. Car il le porte. Il est comptable de tout. Je ne voulais pas laisser installer l'idée d'une page blanche."

Et d'ajouter: "Élisabeth Borne aurait répondu sur le bilan, l'aurait défendu, pas lui. Il répond en se cachant derrière des mots valises comme: 'Je ne regarde pas d'où les gens viennent, la France grande démocratie'... Des concepts sur lesquels tout le monde est d'accord."

Olivier Faure "a été nul"

Cette mauvaise stratégie de lancement pour la gauche face à ce nouveau Premier ministre se cristallise quand Olivier Faure se lève pour prendre la parole, dans un hémicycle vide. Alors qu'il voulait réagir à la conférence de presse du président qui avait eu lieu la veille, le Premier secrétaire du PS a été coupé par la présidente de l'Assemblée à cause d'une question trop longue.

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"Il a été nul! Et pour l'humilier, c'est la porte-parole du gouvernement qui lui répond", rapporte un député socialiste qui préfère rester discret. 

Autre sujet qui peut questionner, la clémence des députés de gauche sur le cas Amélie Oudéa-Castera, ministre de l'Éducation nationale en difficulté après des propos qui ont créé la polémique sur l'école publique. Totem de la gauche, ce sujet aurait dû mettre le feu aux poudres dans les rangs de la Nupes.

Mais la ministre ne sera mise en difficulté qu'une seule fois en fin de séance par un député insoumis. Au grand dam d'un de ses collègues socialiste: "Nous avons eu une question en 11e position, nous pensions que les écologistes et les insoumis l'auraient questionnée avant."

"À la grande époque, on aurait posé huit questions à Amélie Oudéa-Castera, on aurait fait craquer le gouvernement. Aujourd'hui, les gens sont frileux. Mais ça ne va pas être l'hiver pendant 10 ans! Bardella à 31%, ça va faire un sursaut?" 

Un autre député cherche plutôt l'explication de cette mauvaise séquence dans l'attitude du gouvernement: "Les ministres macronistes venus de la gauche sont toujours plus durs avec les députés socialistes. On est leur mauvaise conscience."

Profiter de la lassitude l'aile gauche de la macronie?

Mais plus largement, la gauche peut-elle profiter de cet espace ouvert par un Emmanuel Macron qui vire à droite? Pas forcément, d'après un député socialiste, dépité. "Pour les retraites, on aurait déjà dû avoir le point, et c'est le RN qui l'a pris", déplore-t-il. "Tant qu'on n'aura pas recréé un grand mouvement de gauche, rien ne se résoudra."

Gouvernement Attal: le casse-tête
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Il ajoute: "Il faut fusionner le PS, Les Verts, le PC et les Inousmis, sans leur direction minoritaire. Si on avait fait un sondage interne à la Nupes pour savoir si le Hamas était un groupe terroriste, on aurait eu 70% de 'oui'!"

Cette gauche "socialo-écologiste" pourrait-elle en profiter pour s'élargir avec une aile gauche marconiste déçue qui pourrait rejoindre les rangs des socialistes ou écologistes, comme Olivier Faure, qui a appelé vendredi soir les déçus du macronisme à les rejoindre?

"Il y a des échanges informels, il y en a depuis la loi immigration", assure un député socialiste. 

Mais du côté de Renaissance, la réponse fuse: "Aucun de mes collègues ne rejoindra jamais les bancs de la gauche à cause des insoumis. Le PS qu'on a pu connaître n'a plus aucun avenir, ils se sont fait avaler par l'extrême gauche." 

Perrine Vasque