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Gouvernement

"Le problème, c'est le symbole": le budget, une séquence risquée pour le gouvernement

Bruno Le Maire à l'Élysée le 20 septembre 2023

Bruno Le Maire à l'Élysée le 20 septembre 2023 - Ludovic MARIN / AFP

Bruno Le Maire a présenté ce mercredi son projet de budget pour l'État et la sécurité sociale, qui ne convainc ni à gauche ni à droite. Le gouvernement devrait dégainer une dizaine de 49.3, cette cartouche constitutionnelle qui permet de faire adopter sans vote un texte, au risque de crisper.

Le coup d'envoi de plusieurs semaines sous haute pression pour l'exécutif. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire et le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave ont dévoilé ce mercredi matin le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Attendus au tournant, les locataires de Bercy vont devoir convaincre les oppositions. L'hypothèse semble peu probable et le recours aux 49.3 quasi-nécessaires.

• Un budget qui serre modérément la vis

Contraints à réduire la voilure après des prévisions de croissance plus faibles que prévues et face à la hausse des taux, les futurs budgets ont des allures de régime minceur. Le ministre de l'Économie vise ainsi 16 milliards d'euros d'économie dont 10 milliards liés à la fin progressive du bouclier tarifaire sur l'énergie.

Même topo pour la réforme de l'assurance chômage et le durcissement des règles d'indemnisation qui devrait produire 700 millions d'euros d'économies.

Le budget de la Sécurité sociale sera logé à la même enseigne. Si le ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave a assuré "ne pas baisser les dépenses de santé", la pilule pourrait être amère. Le gouvernement envisage ainsi le doublement de la franchise médicale payée en pharmacie de 50 centimes à un euro par boîte.

Le gouvernement met cependant en avant un budget aux couleurs vertes avec 7 milliards d'euros pour la transition écologique. Pour la financer, exit "les niches fiscales brunes", c'est-à-dire les avantages fiscaux sur les énergies fossiles particulièrement polluantes.

• Des oppositions qui ne voteront pas ce budget

Autant dire que ce budget ne va satisfaire ni la gauche, qui le juge marqué du sceau de l'austérité, ni la droite qui dénonce des économies trop faibles.

Plus largement, la coutume veut que le fait de voter le budget place les parlementaires dans la majorité. Dans les rangs des LR, cette option est d'ailleurs inenvisageable.

"Monsieur Le Maire semble confondre en permanence les recettes et les dépenses, c'est inquiétant d'ailleurs pour un ministre de l'Économie", a avancé le chef de file des députés LR Olivier Marleix sur France info mi-septembre.

Avant de préciser "en aucun cas vouloir voter le budget parce qu'on n'est pas dans la majorité".

Éric Coquerel qui préside la Commission des finances n'a guère été plus tendre. Le député insoumis a dénoncé lors d'une conférence de presse "un budget rempli de contradiction", regrettant que "d'un côté le gouvernement souhaite investir dans la transition écologique" et de "l'autre fixe comme objectif de baisser le déficit public pour le ramener à 2,7%".

Dans les rangs de la macronie, on minimise les critiques.

"Quand vous êtes dans les oppositions, vous ne votez pas le budget, il ne faut pas chercher beaucoup plus loin", nous expliquait dès début septembre Jean-René Cazeneuve, député Renaissance et rapporteur du budget.

• Des 49.3 inévitables

Dans ce contexte et en l'absence de majorité absolue, le gouvernement devra forcément avoir recours à des 49.3, cette cartouche institutionnelle qui permet de faire adopter un texte sans vote.

"On aura à y recourir, certainement, cet automne parce que notre pays a besoin d'un budget", a d'ailleurs assumé sans ambage Élisabeth Borne sur RTL dès la rentrée.

Sans limitation de nombre pour les textes budgétaires, les 49.3 ont cependant une conséquence politique: celle de permettre à chaque fois de déposer une motion de censure pour les oppositions.

Jusqu'ici, aucune n'a permis de faire tomber Élisabeth Borne, faute d'accord entre toutes les oppositions à l'Assemblée natonale.

"On n'est pas des maniaques de la gâchette de la motion de censure", a d'ailleurs lancé Olivier Marleix début septembre, une façon de fermer la porte à cette option pour le budget.

La seule fois où Élisabeth Borne a vraiment été en danger a eu lieu pendant les retraites et son usage du 49.3 pour faire passer ce texte très controversé. Le résultat de la principale motion de censure déposée s'était joué sur le fil. La Première ministre avait sauvé son poste à seulement 9 voix près.

"Je crois que pas grand-monde ne pense vraiment que Borne peut tomber sur le budget. Mais le recours multiple à des 49.3 dans un contexte social compliqué pour les Français n'est jamais très bon", reconnaît une députée macroniste.

"Le problème, c'est le symbole. Sur le budget, on a une dizaine de 49.3 à utiliser. C'est beaucoup, ça donne l'impression qu'on ne peut pas convaincre", s'inquiète cependant un conseiller ministériel.

Marie-Pierre Bourgeois