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Emmanuel Macron a-t-il changé de discours sur l'immigration et l'asile?

Emmanuel Macron

Emmanuel Macron - AFP

Le président de la République, qui se rend à Calais ce mardi, devrait s’exprimer sur le projet de loi sur l’immigration et l’asile, qui fait débat jusque dans les rangs de sa majorité.

C’est un sujet hautement inflammable, dans l’opinion publique autant que dans les rangs de la majorité. Lors de la visite d’Emmanuel Macron à Calais, ce mardi, le projet de loi sur l'immigration et l'asile sera au cœur des discussions. Il devrait ensuite être présenté en Conseil des ministres fin février, puis en avril au Parlement. Jeudi dernier, le monde associatif en a reçu les grandes lignes, et a dans la foulée dénoncé un durcissement dangereux des règles en vigueur.

Plusieurs mesures crispent les associations qui viennent en aide aux migrants: le raccourcissement du délai de dépôt de demande d’asile (de 120 à 90 jours), le doublement de la durée maximale de séjour en centre de rétention (de 45 à 90 jours), le passage du délai d’appel en cas de refus d’un mois à 15 jours, ou encore l’allongement de la retenue administrative pour vérification du droit de séjour (de 16h à 24h). De quoi contraster avec la tribune d'Emmanuel Macron trdans Le Monde, en janvier 2017.

Le candidat y écrivait notamment que "la chancelière Merkel et la société allemande dans son ensemble ont été à la hauteur de nos valeurs communes; elles ont sauvé notre dignité collective en accueillant des réfugiés en détresse, en les logeant, en les formant". 

"Il n’a jamais été question ni de fermer les frontières, ni de faire des régularisations massives"

Sur le papier, et c’est logique, l’avant-projet de loi asile-immigration est plus détaillé que le programme en lui-même. Et pour ceux qui voudraient comparer, "le programme est encore en ligne sur internet" remarque Aurore Bergé, porte-parole du groupe LREM à l'Assemblée nationale, qui regrette "les postures" des uns et des autres. "Le projet nous semble à la fois responsable et humain. Il n’a jamais été question ni de fermer les frontières, ni de faire des régularisations massives, assure l’élue des Yvelines. A droite, Laurent Wauquiez dit qu’on est laxiste, et de l’autre côté, quelqu’un comme Julien Dray parle de ‘rafles’, ce qui va au-delà de l’indignité".

Au sein d'En Marche, certains sont tout de même dubitatifs. C'est le cas de François-Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône, qui attend "des explications et un débat" avant de s'engager à voter le texte. "On pourrait craindre un changement de discours, parce que le dossier est entre les mains du ministre de l’Intérieur, et que quel qu’il soit, il est forcément sur des questions sécuritaires et policières. C’est le Premier ministre qui devrait le porter, parce que c'est un débat de société".

Sonia Krimi (députée LREM de la Manche), qui avait interpellée Gérard Collomb à l'Assemblée sur le sujet au point d'être applaudie par la France insoumise, reconnaît que les mesures "n'étaient pas détaillées dans le programme". Mais elle assure que chez Emmanuel Macron, "l'état d'esprit n'a pas changé". "Le sujet est désormais sur la table, à nous de l'amender s'il y a lieu. Il nous revient de tisser la politique publique. Il y a de la dentelle à faire, un équilibre à trouver", explique-t-elle.

"Il ne faut pas que le ‘et en même temps’ soit perçu comme un ‘ni-ni’"

Plus que dans les mesures concrètes, c’est dans la perception qu’en aura l’opinion publique qu’il faut chercher l’explication de ce décalage entre les paroles du candidat et les actes du président. "Les sujets migratoires partagent l’opinion, mais toutes les enquêtes montrent qu’elle considère majoritairement qu’il faut montrer de la fermeté", analyse Bernard Sananès, le président d’Elabe.

Dans une étude de l’institut de sondage sur les priorités des Français pour 2018, la réforme du droit d’asile et de la politique d’immigration arrive en 2e position, derrière celle de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’assurance chômage, mais devant le logement ou la réforme constitutionnelle. D’où l’importance pour Emmanuel Macron de trouver un point d’équilibre dans sa politique migratoire. "Il ne faut pas que le ‘et en même temps’ soit perçu comme un ‘ni-ni’: ni assez ferme, ni assez humain, ajoute Bernard Sananès. Mais être attaqué des deux côtés peut aussi permettre de démontrer que sa position est équilibrée. Aujourd’hui, on ne sait pas comment va être perçu son discours, on ne sait pas de quel côté ça va pencher".

Antoine Maes