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Chômage, travaux éducatifs pour les délinquants, "fierté française"... Attal met le cap à droite toute

Gabriel Attal lors de son discours de politique générale à l'Assemblée nationale le 30 janvier 2024

Gabriel Attal lors de son discours de politique générale à l'Assemblée nationale le 30 janvier 2024 - EMMANUEL DUNAND / AFP

Le Premier ministre a multiplié les clins d'œil à la droite lors de son discours de politique générale. De la question des normes en passant par le RSA et la défense de l'autorité, Gabriel Attal a défendu "l'identité française", appelant à "maintenir notre fierté".

"Le cap sera tenu". C'est par ces mots répétés à plusieurs reprises que Gabriel Attal a voulu imprimer sa patte pour son discours de politique générale. Si le Premier ministre a bien tenté de cocher certains incontournables de la gauche, c'est à droite toute que le chef du gouvernement a bien mis la barre.

"Une fierté française"

Dès le début de son discours, Gabriel Attal a joué la carte de l'anaphore, plaçant la France sous le sceau "de la puissance, d'un idéal, d'un héritage moral", un thème cher aux LR.

"Nous avons une fierté française à maintenir", a asséné le locataire de Matignon, avant de décliner ses premières annonces "concrètes, fortes", "puissantes".

À commencer par la question du travail. Après une première réforme de l'assurance-chômage qui a baissé en moyenne de 16% le montant de l'indemnisation, Gabriel Attal veut aller beaucoup plus loin.

Il a ainsi promis une nouvelle révision des règles de calcul pour les demandeurs d'emploi si la trajectoire financière de France travail, le nouveau nom de Pôle emploi, "dévie".

"Chercher un travail est un devoir"

Des mesures vont cependant être déjà prises à l'instar de la disparition de l'allocation spécifique pour les chômeurs en fin de droits qui sera désormais remplacée par le RSA.

Cette allocation permet de "travailler, de valider des trimestres de retraite", a regretté le Premier ministre. Cette proposition avait déjà été défendue par François Fillon en 2017.

Déjà voté à l'automne dernier, le Premier ministre a également confirmé l'obligation à 15 heures d'activité pour les bénéficiaires du RSA dans tous les départements. Elle était réclamée de longue date par la droite qui l'a déjà appliqué dans certaines collectivités.

"Chercher un modèle social plus efficace et moins coûteux, ce n’est pas un gros mot, c’est un impératif", a jugé le chef du gouvernement, assurant que "chercher du travail est un devoir".

"Le travail doit toujours payer mieux que l'inactivité", a résumé le Premier ministre.

Gabriel Attal est également allé sur le chantier des normes, un grand classique de la droite, appelant à "débureaucratiser la France".

"Je veux alléger le fardeau des règles et des normes qui pèse sur tous ces Français qui travaillent sans compter et créer de l’activité et de l’emploi", a expliqué le Premier ministre.

Il a encore expliqué que son "seul objectif est de libérer les Français, de les laisser vivre et respirer". Avec une première conséquence: le logement.

"Je vous annonce que nous allons donner aux maires la main pour la première attribution dans les nouveaux logements sociaux construits sur leur commune. C’était une mesure attendue par les élus locaux", a expliqué le Premier ministre.

Très concrètement, cela signifie que les maires ne seront plus obligés d'avoir au moins un quart de logements sociaux sur leur territoire réservés aux personnes les plus pauvres.

La mesure vise à faciliter l'accès aux classes moyennes voire aux classes aisées et faisait partie des propositions du programme de Valérie Pécresse pendant la dernière présidentielle. Elle suscite déjà l'inquiétude de la Fondation Abbé-Pierre à deux jours de la remise de son rapport annuel.

Gabriel Attal est également longuement revenu sur la question des émeutes. Défendant "le réarmement civique" promis par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, le Premier ministre a promis "de faire respecter l'autorité partout, dans les classes, les familles, les rues".

Pour ce faire, il a annoncé vouloir créer des "peines de travaux éducatifs" pour les mineurs de moins de 16 ans. Avant cet âge, les jeunes délinquants ne peuvent pas être condamnés à des travaux d'intérêt général.

Gabriel Attal a également affirmé qu'il soutiendrait "la mise en place de travaux d'intérêt général pour les parents" de mineurs qui "se sont totalement et volontairement soustraits à leurs obligations". Le patron des LR Éric Ciotti a proposé à plusieurs reprises cette proposition.

"Quand un jeune sera sur la mauvaise pente, nous proposerons également aux parents de le placer en internat", a encore lancé Gabriel Attal, vivement applaudi par son camp mais aussi les députés LR.

Manifestement soucieux de s'assurer les bonnes grâces des troupes LR, Gabriel Attal a fait sienne la promesse d'Élisabeth Borne en décembre dernier de réformer l'aide médicale d'État.

Ce dispositif permet une prise en charge à 100% de la plupart des frais médicaux, hospitaliers et pharmaceutiques pour les étrangers en situation irrégulière. Cette future réforme avait notamment permis de faire voter la loi immigration par la droite.

Bien conscient que les députés LR restent en position de force dans un contexte de majorité relative à l'Assemblée, Gabriel Attal n'a d'ailleurs eu de cesse de jouer la carte du dialogue.

"Les Français attendent que nous cessions les querelles de principe" à l'Assemblée nationale, appelant à "transcender les clivages". "Ma porte sera toujours ouverte", a encore assuré le Premier ministre.

Derniers mots qui ont dû sonner doux aux oreilles de la droite: sa critique de la décroissance qu'il conçoit comme "l'appauvrissement des Français et la fin de notre modèle sociale".

En toute fin de discours, il s'est cependant permis de lancer quelques piques à droite. Alors qu'elle réclame une réforme de la Constitution pour pouvoir sortir des traités européens seulement sur les questions migratoires, Gabriel Attal y a vu la main d'un "Frexit qui affaiblirait la France".

Manifestement soucieux de finir sur une autre tonalité, Gabriel Attal a joué la carte du personnel pour conclure son discours.

"Être Français en 2024", c'est "pouvoir être Premier ministre en assumant ouvertement son homosexualité", a salué Gabriel Attal à la tribune de l'Assemblée nationale.

"Je n'oublie pas qu'il y a 10 ans, notre pays se déchirait sur le mariage pour tous", a jugé le Premier ministre.

La gauche, elle, ne s'est guère arrêtée sur ce clin d'œil directement liée au mandat de François Hollande. Le patron du parti communiste Fabien Roussel a regretté que Gabriel Attal devienne "Gabriel Thatcher" avec "un discours très libéral" au micro de BFMTV.

Même son de cloche pour la présidente des députés LFI. "Ce n'était pas un discours de politique générale mais un discours de souffrance générale pour tous les Français", a tancé Mathilde Panot.

La droite, elle, a dénoncé par la voix d'Éric Ciotti "une trahison" sur l'AME.

Marie-Pierre Bourgeois