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Rassemblement national

"Ni une fête ni une réunion d'anciens combattants": le RN célèbre ses 50 ans sans Jean-Marie Le Pen

Marine Le Pen à l'Assemblée nationale le 4 octobre 2022

Marine Le Pen à l'Assemblée nationale le 4 octobre 2022 - Ludovic MARIN / AFP

Le Rassemblement national fête son anniversaire ce jeudi. Au menu, un colloque pour acter la stratégie de notabilisation du parti, en position de force avec 89 députés. Si l'absence de Jean-Marie Le Pen soulage la nouvelle garde, elle fait grincer des dents les historiques du mouvement.

330 participants, l'une des plus belles salles de l'Assemblée nationale et un grand absent: Jean-Marie Le Pen. Le Rassemblement national fête - plutôt discrètement - ses 50 ans ce jeudi avec un colloque intitulé "De l'espoir au pouvoir" au Palais-Bourbon, mais il n'a pas invité son principal fondateur. Le parti compte plutôt profiter de l'occasion pour mettre le cap sur la présidentielle de 2027 et tourner définitivement la page de son passé.

"Ce ne sera ni une fête, ni un gala, ni une réunion d'anciens combattants", assure à BFMTV.com Philippe Olivier, l'un des plus proches conseillers de Marine Le Pen qui organise l'événement.

"On discutera avec beaucoup de sérieux d'où l'on vient et où on veut aller et très concrètement, c'est à l'Élysée", affirme-t-il.

Les nouveaux visages du RN en avant

Le ton est donné alors que le RN dit désormais sincèrement croire à ses chances de gagner la prochaine présidentielle, après ses 41,45% au second tour lors de la dernière élection, soit 8 points de plus qu'en 2017. Le micro sera tenu en partie par les jeunes visages qu'aiment mettre en avant Marine Le Pen, depuis l'arrivée de 89 députés au Palais-Boubon.

Jean-Philippe Tanguy, qui ferraillera dans les prochains jours avec Bruno Le Maire lors des discussions sur le Budget, débattra des "apports idéologiques" du parti dans la vie politique. Celui qui s'était fait remarquer pour avoir crié "silence pour la France" dans l'hémicycle se met peu de pression.

"Je n'ai encore rien préparé", assure le trentenaire. "J'ai plutôt la tête dans les textes budgétaires en ce moment."

"Heureux qu'on ne passe pas une demi-journée sur le 'point de détail'"

Il faut dire que pour la jeune garde du parti, cette célébration n'a guère de sens. Plus d'un tiers des députés arrivés dans les valises de Marine Le Pen ont moins de 40 ans - et n'étaient donc pas nés au moment de la fondation du Front national en 1972.

Autant dire que leur engagement politique, à quelques exceptions près, s'est plutôt fait avec l'ancienne candidate à la présidentielle, qui a pris la tête du mouvement il y a 11 ans, qu'avec son père. "Quand on m'a parlé du colloque, j'ai été un peu étonné", explique un député RN. "J'ai surtout l'impression que c'est pour faire plaisir aux plus vieux.

Cet élu se dit surtout soulagé de l'absence de Jean-Marie Le Pen. "Je suis heureux qu'on ne passe pas une demi-journée sur le 'point de détail de l'histoire'", réagit-il, en référence aux propos de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz qui lui ont valu plusieurs condamnations.

Le parti n'a pas souhaité que son co-fondateur soit présent, d'abord parce qu'il en est officiellement exclu depuis 2015. Mais aussi parce que le mouvement veut éviter de rappeler que sa naissance en 1972 a fédéré plusieurs familles de l'extrême droite, tout comme il souhaite éviter les analyses sur "les trois mêmes dérapages anecdotiques", dixit Philippe Olivier.

"On a parlé de la lepénisation des esprits pendant des années. On devrait maintenat parler de la délepénisation des esprits", tance Stéphane Ravier qui a quitté le RN en 2022, 30 ans après sa première adhésion, pour rejoindre le camp d'Éric Zemmour.

Des anciens à la parole contrôlée

Mais dans un parti qui a déjà menacé d'exploser en vol à cause de certaines dissidences, comme celle de Bruno Mégret, on essaie désormais d'éviter les rancœurs.

Bruno Gollnisch, l'un des plus vieux compagnons de route du FN, qui a côtoyé Jean-Marie Le Pen dès les années 1960, prendra ainsi la parole lors d'une table ronde intitulée "Le FN/RN, parti républicain depuis toujours".

Mais celui qui a fait partie des tous premiers élus frontistes à l'Assemblée nationale en 1986 sera bien encadré. Il débattra en compagnie de Philippe Olivier lui-même et de Gilles Pennelle, le probable futur secrétaire général du parti.

"J'ai bien prévu de raconter quelques anecdotes pour pimenter l'ambiance", raconte l'ex-dauphin de Jean-Marie Le Pen, finalement évincé par Marine Le Pen en 2011.

"On raye le dernier argument qui reste pour combattre le RN"

L'absence de Jean-Marie Le Pen déplaît tout de même à certains, à l'instar de Louis Aliot, l'un des intimes du Menhir pendant des années. Le maire de Perpignan, candidat à la présidence du parti en novembre prochain, aurait au moins souhaité entendre Alain Jamet, "l'un des seuls encore vivants qui peut raconter la fondation du parti".

Cet ancien proche de Pierre Poujade a notamment été à l'initiative de la reprise du slogan de Ronald Reagan qui a fait les belles heures du parti dans les années 1980 : "La France, aimez-la ou quittez-la."

"Un anniversaire, ça fête une naissance donc on a forcément envie de renvoyer le parti à sa création", décrypte le sondeur Jérôme Sainte-Marie, qui conclura le colloque. "Mais le RN ressemble si peu à ce qu'il a pu être dans le passé qu'on raye le dernier argument restant pour combattre Marine Le Pen."

Le canal historique des frontistes aura l'occasion de se rattraper le 22 octobre prochain. Jean-Marie Le Pen organise une soirée avec une cinquantaine de personnes dans sa propriété de Montretout (Hauts-de-Seine). En attendant, Bruno Gollnisch compte au moins boire une bière avec tous les députés RN à l'issue du raout. "J'espère au moins qu'on n'a pas perdu cette tradition", commente cet historique du FN.

Marie-Pierre Bourgeois