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Rassemblement national

FN: une exclusion qui sonne le glas de la vie politique de Jean-Marie Le Pen

Jean-Marie Le Pen a été exclu jeudi du parti qu'il avait fondé en 1976, par décision du bureau exécutif du Front national. Si le président d'honneur a annoncé qu'il allait faire un recours en justice, cette exclusion marque certainement la fin de sa vie politique.

À 87 ans, Jean-Marie Le Pen n'accepte pas sa mise à l'écart. " C'est moi qui suis le Front national, je suis chez moi au Front national" a-t-il déclaré ce vendredi sur RTL. Il a malgré tout reconnu que sa carrière politique était "derrière lui". Retour sur ses cinquante ans de vie politique.

Tribun hors-pair, provocateur sulfureux en croisade contre l'immigration, Jean-Marie Le Pen, exclu jeudi du Front national désormais dirigé par sa fille Marine, a marqué depuis un demi-siècle la vie politique française en faisant sortir l'extrême droite de la marginalité.

Le "Menhir", surnom donné par les militants FN, n'a jamais avoué aucun regret pour ses dérapages répétés, contrôlés ou non, qui lui ont valu plusieurs condamnations en justice: des chambres à gaz "point de détail de l'histoire de la Seconde guerre mondiale" (il a prononcé ces mots à de multiples reprises, de 1987 à tout récemment, en avril dernier sur BFMTV) à "l'inégalité des races" (1996), en passant par l'Occupation allemande "pas particulièrement inhumaine" (2005). En 2005, il lâchait qu'"un Front gentil, ça n'intéresse personne". Et ironisait volontiers: "avant le "détail" 2,2 millions d'électeurs, après 4,4 millions".

Plus de 1 million de personnes ont défilé dans les rues en France le 1er mai 2002 contre la présence du leader du FN au second tour de l'élection présidentielle.
Plus de 1 million de personnes ont défilé dans les rues en France le 1er mai 2002 contre la présence du leader du FN au second tour de l'élection présidentielle. © Joël Robine - AFP

Le choc du 21 avril 2002

Le plus emblématique de ses succès restera inachevé. Le 21 avril 2002, à 73 ans et pour sa quatrième candidature à l’Élysée, il bouleverse la "caste" et est présent au second tour, face à Jacques Chirac. Pendant 15 jours, des millions de personnes défilent contre le racisme. Finalement, Jean-Marie Le Pen permet la réélection facile de son "ennemi juré", Jacques Chirac, qui obtient plus de 82% des suffrages. Reste que durant sa longue carrière, et au fil de cinq présidentielles, il aura réveillé une extrême droite jusque-là disqualifiée par les années noires de la Collaboration.

Né le 20 juin 1928, à la Trinité-sur-Mer (Morbihan), le Breton devient pupille de la Nation à 14 ans quand son père, patron pêcheur, meurt en mer en sautant sur une mine. A Paris, l'étudiant en droit, fort en gueule, bagarreur, privilégie l'activisme aux études, avant de s'engager en Indochine pour quelques mois.

En 1956, Jean-Marie Le Pen est le benjamin de l'Assemblée nationale.
En 1956, Jean-Marie Le Pen est le benjamin de l'Assemblée nationale. © STF - AFP

Plus jeune député de France en 1956

De retour en France, il devient, en 1956 à 27 ans, benjamin de l'Assemblée nationale sur les listes poujadistes, sur fond de IVe République déclinante. Puis il repart, en Algérie cette fois, ce qui lui vaudra d'être par la suite accusé de tortures, ce qu'il contestait.

Anticommuniste viscéral, M. Le Pen fréquente l'ultra-droite et dirige en 1965 la campagne présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vignancour, le défenseur de Pétain. Après une traversée du désert, l'homme au bandeau est désigné, en 1972, à la tête d'un nouveau parti, le Front national, qui réunit notamment les néofascistes d'Ordre Nouveau. A ses côtés, d'anciens miliciens, Waffen-SS, ou partisans acharnés de l'Algérie française...

Le parti végète pendant une dizaine d'années avant de percer, en 1983. Entre-temps, Jean-Marie Le Pen a mis la main sur son thème favori, le rejet de l'immigration et bien souvent des immigrés, accusés de profiter des aides sociales au détriment des Français.

Il n'est pas bon être numéro 2 au FN : Bruno Mégret a été évincé du parti en 1998, et Bruno Gollnisch, promis à la tête du FN, s'est vu devancer par la fille de Jean-Marie Le Pen.
Il n'est pas bon être numéro 2 au FN : Bruno Mégret a été évincé du parti en 1998, et Bruno Gollnisch, promis à la tête du FN, s'est vu devancer par la fille de Jean-Marie Le Pen. © Patrick Valasseris - AFP

Le FN, "une boutique familiale"

Avec son slogan fétiche, "les Français d'abord", il s'autoproclame champion des "petits", lui qui est devenu millionnaire après avoir hérité en 1976 de la fortune et de la demeure huppée de Montretout (Saint-Cloud) grâce à son ami décédé, Hubert Lambert, un héritage d'abord contesté avant un accord à l'amiable avec la famille. Les présidentielles se succèdent, 1988 puis 1995, et si le "Menhir" atteint les 15%, il ne touche pas le pouvoir. Aiguillon pour la droite, avec laquelle quelques rares alliances locales se nouent, notamment aux régionales de 1986 ou de 1998, il provoque ou accentue plusieurs fois les défaites du RPR.

Accusé de gérer le FN comme une "boutique familiale", Jean-Marie Le Pen n'hésitera pas à "tuer Brutus" quand son dauphin Bruno Mégret tente de prendre le contrôle du parti en 1998. Le coût ? Une scission et une hémorragie de militants et de cadres dont le FN a mis près de quinze ans à se relever.

Jean-Marie Le Pen et ses trois filles en 1988 : Marine, qui l'a évincé du parti, Marie-Caroline, qu'il a répudié en 1998 et Yann, la mère de Marion Maréchal-Le Pen.
Jean-Marie Le Pen et ses trois filles en 1988 : Marine, qui l'a évincé du parti, Marie-Caroline, qu'il a répudié en 1998 et Yann, la mère de Marion Maréchal-Le Pen. © Pierre Guillaud - AFP

La rupture avec sa fille

Il quitte la présidence du parti en 2011 à 80 ans. Sa plus jeune fille, Marine, hérite du parti en 2011 avec le soutien de son père et devance le n°2 Bruno Gollnisch, pourtant considéré comme l'héritier de Jean-Marie Le Pen. Elle a longtemps dit "assumer l'intégralité de l'héritage", mais de silences en prises de distance, elle est finalement excédée par ce père devenu politiquement gênant, comme déjà avec ses saillies douteuses sur l'immigration et Ebola ou sur les "Roms qui, comme les oiseaux, volent naturellement".

Avant la rupture finale. "Une félonie", dénonce M. Le Pen qui, 17 ans après avoir "répudié" son aînée Marie-Caroline pour avoir soutenu Bruno Mégret, demande à sa benjamine qu'elle lui "rende (son) nom" dont il a désormais "honte". Il accuse depuis sans relâche le numéro deux du parti, Florian Philippot, d'être un "agent double en mission" et "de faire dérailler" le mouvement qu'il a créé.

G.E. avec AFP