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Rassemblement national

La campagne de Marine Le Pen en perte de vitesse

"Trou d'air", "turbulences", "passage à vide", les qualificatifs ne manquent pas, pour qualifier l'impression d'essoufflement qui se dégage de la campagne de Marine Le Pen, à onze jours du premier tour de la présidentielle. Au sein du parti, on réfute cette vision des choses, même si plusieurs voyants sont au rouge.

Si l'on devait ne choisir qu'un mot pour qualifier cette campagne présidentielle, "imprévisible" serait sans doute un bon choix. Des candidats sur lesquels personne n'avait parié ce sont d'abord invités sur le devant de la scène, tels un François Fillon ou un Benoît Hamon. Des événements ou des tendances imprévisibles sont ensuite venus brouiller un peu plus les perspectives: les affaires impliquant François Fillon, puis celles visant Marine Le Pen, et plus récemment la percée de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages. Si aucun des candidats n'est épargné par les aléas de cette campagne, celle du Front national semble depuis quelques jours en faire les frais.

Les principaux instituts de sondage décrivent une stagnation voire une baisse des intentions de vote pour Marine Le Pen. Des débordements sont venus entacher son meeting en Corse et celui de Marion Maréchal-Le Pen à Bayonne mardi. Fin mars, la prestation de la présidente du Front national devant le Medef a été jugée fébrile, tandis qu'elle a été éclipsée par les petits candidats lors du débat télévisé à onze diffusé début avril sur BFMTV. Certains voyants sont au rouge, mais peut-on en conclure pour autant que la campagne de Marine Le Pen s'essouffle?

"C'est une machine de guerre, elle ne pense pas à sa sieste"

Au sein du parti, on réfute cette lecture des choses. Dans L'Opinion ce mercredi, Marine Le Pen affiche son optimisme. "Sur le terrain il n’y a pas de trou d’air. Ni sur les réseaux sociaux. Nos équipes sont hyperdynamiques et on fait du monde partout", assure la candidate. Jean-Lin Lacapelle, en charge des fédérations et responsable du pôle mobilisation au sein de l'équipe de la candidate, est lui aussi "totalement opposé" à cette analyse.

"Ça se mobilise partout, la dynamique, on la voit sur le terrain. Si vraiment sa candidature s'essoufflait, ça se ressentirait", assure-t-il, contacté par BFMTV.com.

Et le secrétaire national d'évoquer les demandes de procuration qui "font un carton", pour illustrer un enthousiasme sans failles. Quant à un éventuel coup de mou de la candidate, évoqué par certains de ses proches, comme le rapporte RTL, rien de tout ça non plus, poursuit Jean-Lin Lacapelle: 

"Elle est portée par un cercle vertueux, quand vous êtes dans une spirale dynamique, vous avez une capacité de résistance différente. C'est une machine de guerre, elle ne pense pas à sa sieste", lâche-t-il.

En baisse parce que favorite?

Une référence à la sieste évoquée par Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon après le premier tour. "Ce matin elle était la première au bureau, à l'Escale, c'est une bosseuse", insiste ce fidèle parmi les fidèles. "Il y a certainement une fatigue, mais pas un épuisement", tente-t-il de nuancer. D'après lui, le coup de frein opéré dans les sondages n'est dû qu'aux bons résultats initiaux de la candidate. D'après l'institut Elabe, depuis le 20 février, où elle se trouvait à son plus haut niveau avec 28% d'intentions de vote, elle a baissé de 5 points.

"Quand on part de zéro, c'est facile de progresser, quand on est en tête, ça l'est moins", insiste Jean-Lin Lacapelle.

"Les autres candidats aussi sont à la peine"

Emmanuel Macron enregistre lui aussi une baisse progressive, et reste au coude-à-coude avec la candidate frontiste. Pour Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof, la panne de la campagne de Marine Le Pen s'inscrit d'abord dans un phénomène général qui touche plusieurs candidats. 

"La campagne n'a pas trouvé son thème, elle ne tourne pas autour des thèmes portés par le FN, comme l'immigration ou l'identité nationale", explique le chercheur à BFMTV.com. "C'est comme si les affaires avaient étouffé la possibilité de débat sur le fond", analyse-t-il. "Les autres aussi sont à la peine, ils ont tous une fin de campagne difficile, sauf peut-être Jean-Luc Mélenchon." 

Bruno Cautrès évoque également un possible phénomène d'accoutumance ou de lassitude parmi une partie de l'électorat qui, du fait des bons résultats de Marine Le Pen, prendrait sa présence au second tour pour acquise et se mobiliserait finalement moins pour elle.

Propos sur le Vel d'Hiv', une balle dans le pied?

Autre signal d'alarme pour le FN, si les "affaires" ne semblaient pas jusque-là avoir d'impact sur la campagne, la polémique provoquée par les propos de Marine Le Pen sur le Vel d'Hiv dimanche a occupé tout l'espace depuis. Laissant les observateurs les plus avisés à leurs interrogations, elle a révélé des failles dans l'étanchéité supposée du parti aux turbulences de cette campagne.

Marine Le Pen s'est réclamée du Général de Gaulle pour affirmer que la France n'était pas responsable de la rafle du Vel d'Hiv'. Elle explique à L'Opinion ce mercredi que la polémique l'a plongée dans un "abîme de perplexité". "Ça n'a pas pris, ça n'a duré que 48 heures", balaie Jean-Lin Lacapelle, Pourtant, la polémique a été directement suivie par l'annulation du passage de Marine Le Pen à France Inter et d'une visite chez un viticulteur de l'Aube.

"Elle a sans doute voulu s’épargner nos questions, car on aurait consacré un certain temps à cette affaire", analyse Thomas Legrand, éditorialiste à France Inter, dans Libération. Au sein du parti, on jure que l'annulation de la visite dans l'Aube n'a rien à voir avec la polémique. Jean-Lin Lacapelle dit n'avoir aucun inquiétude et se félicite qu'Henri Guaino ait partagé publiquement la position de la candidate sur le sujet.

Pourquoi ne fait-elle pas mieux?

"Le FN se nourrit de polémiques, il doit montrer qu'il n'est pas comme les autres", analyse Bruno Cautrès, qui tente d'interpréter cette déclaration sur le Vel d'Hiv', alors que Marine Le Pen est d'habitude rétive à évoquer la Seconde guerre mondiale, pour se démarquer des propos polémiques de son père. Contre ceux qui ont d'ailleurs rapproché la déclaration de Marine Le Pen de celles de son père, Louis Aliot a semblé manquer d'arguments: "ce sont des cons", a-t-il déclaré. 

"Marine Le Pen veut redynamiser sa campagne, et elle souhaite peut-être éviter qu'un certain électorat de droite identitaire se déplace vers François Fillon", avance-t-il. 

Enfin, à propos des affaires visant Marine Le Pen et le FN, les avis sur leur caractère inoffensif ne sont plus si tranchés que cela. Interrogée dans un entretien au Monde sur les raisons de leur faible impact, la politologue Nonna Meyer retourne la question: 

"Pourquoi Marine Le Pen ne profite-t-elle pas davantage de la situation? Comment expliquer la relative stabilité des intentions de vote en sa faveur, depuis quelques mois, autour d’un quart, alors que la droite et la gauche font campagne sur un champ de ruines? Et que le contexte est plus que jamais porteur pour un parti anti-immigrés et antieuropéen?", s'interroge la directrice de recherche au CNRS, auteure de plusieurs ouvrages sur le FN. Autant de questions qui trouveront peut-être une réponse le 23 avril.

Charlie Vandekerkhove