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Rassemblement national

Marine Le Pen est-elle en train de perdre du terrain?

La prestation de Marine Le Pen lors du débat de mardi soir a été jugée inégale.

La prestation de Marine Le Pen lors du débat de mardi soir a été jugée inégale. - JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Même si ses intentions de vote restent élevées, la candidate du Front national enregistre une baisse dans les sondages depuis quelques semaines. Mardi soir, lors du débat, sa prestation a été jugée inégale. En tout cas insuffisante pour faire oublier l'attaque de Philippe Poutou sur les affaires.

Au QG de Marine Le Pen, dans les heures qui ont suivi le débat de mardi soir entre les onze candidats sur BFMTV, les avis divergeaient. Si la candidate frontiste s'est dite satisfaite de sa prestation, certains de ses proches l'ont trouvée inégale. Tous ont constaté les attaques qu'elle a essuyées, venues de gauche comme de droite. En privé, elle s'est tout de même demandé si elle n'avait pas sous-réagi à la pique de Philippe Poutou.

C'est la séquence que tout le monde retient du débat: quand le candidat du NPA, l'attaquant sur les affaires, l'a accusée d'être protégée par le système. Bénéficiant d'une immunité parlementaire, Marine Le Pen ne s'est pas présentée à la convocation des juges qui enquêtent sur les emplois fictifs présumés des assistants FN au Parlement européen. De l'aveu d'un de ceux qui l'ont aidée à se préparer à l'exercice, elle a tenté, pour garder une stature présidentielle, de ne pas se laisser prendre au col sans tomber dans l'agressivité. Si le deuxième objectif est tenu, le premier l'est beaucoup moins.

"Je l'ai trouvée très bien", juge quant à lui Nicolas Bay, contacté par BFMTV. "Elle n'avait pas vocation à répondre à Philippe Poutou, qui a voulu se faire connaître, créer une séquence virale", fait valoir le secrétaire général du FN.

Pas de réelle "dynamique de campagne"

D'après un sondage Elabe mené auprès de 1.024 téléspectateurs, Marine Le Pen n'a été jugée convaincante que par 11% des personnes interrogées. A peine plus que Benoît Hamon, à 10%, et un peu moins François Fillon (15%). Mais loin du duo de tête, composé de Jean-Luc Mélenchon (25%) et Emmanuel Macron (21%). Elle est également en quatrième position sur les questions portant sur "Qui a le meilleur projet pour la France?" et "Qui a le plus les qualités nécessaires pour être Président?"

Contacté par BFMTV.com, Yves Marie-Cann estime que ce débat a été une contre-performance pour la candidate du Front national. Pour le directeur des études politiques de l'institut Elabe, les résultats de cette étude s'expliquent par deux facteurs. L'un est externe, l'autre interne au débat.

"Il y a une absence de dynamique en sa faveur dans les sondages, même si son socle électoral est très stable", explique d'abord Yves-Marie Cann. "Ce socle serait suffisant pour qu'elle atteigne le second tour, mais elle ne parvient pas à élargir sa base", poursuit-il. 

Jugée moins convaincante que Fillon lors du débat

Si l'on s'en tient au seul baromètre Elabe pour BFMTV, en l'espace d'un mois, Marine Le Pen a en effet perdu 4 points. Lors de la dernière publication, le 29 mars, elle était en deuxième position, créditée de 24% des voix, derrière Emmanuel Macron (25,5%). D'après Yves-Marie Cann, Marine Le Pen aurait en particulier besoin de s'attirer des électeurs parmi les classes moyennes et les classes supérieures, dont les retraités, son score étant déjà élevé dans les milieux populaires, comme chez les ouvriers.

"Le FN a une meilleure image qu'il y a dix ans, mais il reste rejeté par une partie des Français, et ça limite sa progression", analyse-t-il. "Ses menaces envers les fonctionnaires, lors de son discours à Nantes, lui ont peut-être fait perdre des voix parmi les fonctionnaires", avance aussi le sondeur. "Son positionnement sur l'Union européenne limite sa progression", estime-t-il enfin.

Des positions trop clivantes pour élargir son électorat

"L'abandon de l'euro, le retour au franc et l'idée d'un Frexit, sont des éléments qui peuvent inquiéter une partie de l'électorat", explique Yves-Marie Cann, qui indique que dans un sondage Elabe paru au mois de mars, 72% des personnes interrogées se disaient contre l'abandon de l'euro et le retour au franc. 

"Elle reste à un niveau très élevé", défend Nicolas Bay, qui voit une vraie dynamique autour de sa candidature. "Les retours sont très bons sur le terrain, beaucoup d'électeurs qui n'avaient pas voté pour nous aux régionales se tournent vers Marine Le Pen", ajoute le secrétaire général du FN.

Dans l'ombre des petits candidats

Le facteur inhérent au débat qui peut expliquer la faible performance de Marine Le Pen est ensuite la présence des "petits" candidats. "Je me suis sentie moins seule que d'habitude" sur le souverainisme, a fait valoir Marine Le Pen en coulisses après la soirée. Mais plutôt que de constituer effectivement un atout, cette configuration politique inédite a joué en sa défaveur.

"Elle était en concurrence avec les 'petits candidats', qui totalisent 18% de votes dans le sondage de mardi soir", explique Yves-Marie Cann. "Elle n'avait plus le monopole sur la contestation de l'Europe et du système", poursuit-il.

Face par exemple à un François Asselineau qui souhaite activer l'article 50 du traité de Lisbonne pour faire sortir la France de l'UE, là où elle propose un référendum sur ce sujet. 

Les pièges du statut de favori

Pour Hervé Gattegno, l'un de nos éditorialistes politiques, le tassement observé dans la campagne de Marine Le Pen est lié aussi à son statut de favorite dans les sondages. "C’est le changement de statut qui est difficile pour Marine Le Pen, elle est aujourd'hui l’une des favorites et elle a du mal à intégrer cet élément dans son discours, dans son attitude", explique-t-il ce mercredi sur BFMTV. 

"Elle fait preuve d’une certaine prudence dans les débats, alors que sa force serait plutôt dans les attaques, voire parfois dans les invectives, on voit qu’elle se retient et finalement elle se retrouve débordée par des petits candidats qui, eux, jouent l’invective. On finit toujours par être le représentant du système pour quelqu'un et ça a été le cas pour Philippe Poutou", conclut Hervé Gattegno.

Pour Marine Le Pen, la priorité est donnée au terrain. A moins de trois semaines maintenant de la présidentielle, la présidente du Front national multiplie les meetings, y compris dans des endroits peu peuplés ou des villes de petite taille. Ce mercredi, elle est en Alsace, pour une réunion publique à Monswiller, un village de 2.200 habitants. Depuis le début de sa campagne, la candidate fait le pari de se rappeler au bon souvenir de la France des oubliés. 
Charlie Vandekerkhove