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Rassemblement national

Ce que révèle le parrainage de Marine Le Pen à Henri Guaino

Marine Le Pen a donné son parrainage à Henri Guaino pour la présidentielle.

Marine Le Pen a donné son parrainage à Henri Guaino pour la présidentielle. - ALAIN JOCARD / AFP

En donnant son parrainage à Henri Guaino pour la présidentielle, Marine Le Pen dit agir au nom du pluralisme politique. Mais ce cadeau symbolique montre surtout sa volonté de jeter des ponts entre le FN et la droite, dans le cas où elle remporterait l'élection.

"Dans un souci de pluralisme politique, je fais le choix de parrainer Henri Guaino", a annoncé mardi Marine Le Pen. A cette date, le député Les Républicains des Yvelines n'avait que 17 parrainages validés en vue de la présidentielle. Sur son site de campagne, la présidente du Front national a expliqué son choix.

"Avec la candidature de François Fillon à l’élection présidentielle, la sensibilité patriote d’Henri Guaino, a été définitivement enterrée au sein de LR", écrit-elle. C'est donc par "sensibilité" patriote commune qu'elle aurait décidé de ce geste généreux. "Certains sympathisants LR qui n’ont pas encore rejoint ma candidature sont déboussolés. Je les encourage naturellement à rejoindre l’ambition patriote que je représente dans cette élection", écrit-elle aussi.

Faire perdre quelques voix à Fillon

Dans ce geste en apparence anodin, on peut voir une tentative de profiter des divisions qui agitent la droite, car avec une candidature Henri Guaino, qui représente une frange plus radicale dans sa famille politique, François Fillon perdrait effectivement quelques voix. Et si elle se retrouve au second tour, à en croire les sondages, Emmanuel Macron ferait un meilleur adversaire à Marine Le Pen que François Fillon.

Sur BFMTV et RMC, Louis Aliot a d'ailleurs appelé les élus à parrainer Henri Guaino mardi, au même titre - plus surprenant encore - que Philippe Poutou, un autre candidat à la peine dans la pêche aux signatures.

Sans doute faut-il voir dans cette leçon de solidarité politique des souvenirs du temps où les candidats du Front national peinaient à réunir les signatures nécessaires, comme Jean-Marie Le Pen à une époque qui semble aujourd'hui lointaine. Mais le pluralisme politique a bon dos. A deux jours de la date limite de dépôt des parrainages, fixée à vendredi, il apparaît peu probable qu'Henri Guaino puisse se présenter.

Construire une majorité "marino-compatible"

Pour Eddy Fougier, politologue et chercheur associé à l'IRIS, il y a une dimension purement politicienne à ce parrainage. "Il y a des rumeurs d'appel du pied de Marine Le Pen à des leaders comme Nicolas Dupont-Aignan ou Henri Guaino, avec une volonté d'élargir le spectre du FN, de le dé-FN-iser", avance le chercheur, qui cite comme autres signes de ce processus la disparition dans la campagne de Marine Le Pen de la flamme tricolore et du nom "Front national", au profit du seul prénom "Marine" et de la rose bleue en forme d'épée.

L'idée de la dirigeante du Front national serait de montrer qu'elle n'est pas dans une logique d'exclusivité, et qu'elle est prête à s'ouvrir à des alliances, tout cela en vue d'une hypothétique victoire. "On a presque l'impression que Marine Le Pen se positionne en vainqueur potentielle et construit une majorité marino-compatible dont Henri Guaino ferait partie", poursuit Eddy Fougier, qui voit ici une claire volonté de construire une majorité. 

L'ombre de Bruno Mégret sur le FN

Comme l'explique le chercheur, cette idée d'une grande coalition de droite inclurait des éléments des Républicains, des souverainistes. Ce rêve de normalisation et d'alliance avec la droite néo-gaulliste était d'ailleurs le rêve de Bruno Mégret, l'ex-dirigeant frontiste qui a rompu avec Jean-Marie Le Pen en 1998 pour fonder le MNR. "Cette tendance mégretiste domine aujourd'hui" au Front national, ajoute Eddy Fougier.

"C'est étonnant de la part d'un Le Pen, mais pas de la part de Marine Le Pen", estime-t-il, puisque la candidate reprend à son compte des thèmes gaullistes, autour de l'idée de souveraineté. "Il n'y a plus les contentieux qui opposaient son père au gaullisme, comme la collaboration et la guerre d'Algérie", précise le chercheur, pour expliquer cette particularité actuelle du FN.

Décloisonnement des partis

Autre différence, l'hostilité inspirée par le Front national à une partie de la droite a diminué. Il n'y a d'ailleurs qu'à voir la réponse d'Henri Guaino à l'annonce de ce parrainage. "Je remercie Marine Le Pen de son parrainage. Je ne trouve pas insultant d'être qualifié de patriote par elle", a-t-il déclaré ce mercredi sur Franceinfo.

"Il y a des ponts possibles qui n'existaient pas avant, il y a des failles dans le cloisonnement entre les partis", note Eddy Fougier, qui prévient: "les failles se transformeraient en passerelles, si Marine Le Pen l'emportait".

Charlie Vandekerkhove