BFMTV
Extrême droite

Avec la rencontre Salvini-Le Pen, l'alliance des extrêmes droites européennes se concrétise

Marine Le Pen et Matteo Salvini à Rome, le 9 octobre 2018

Marine Le Pen et Matteo Salvini à Rome, le 9 octobre 2018 - AFP - Christian Minelli

En prenant la pose avec la patronne du RN en marge de son déplacement à Paris, le vice-président du Conseil italien permet au camp eurosceptique, à moins de deux mois des européennes, d'amorcer une dynamique de campagne. Des inconnues de taille demeurent toutefois.

Comme larrons en foire. Après plusieurs mois de rendez-vous manqués, Marine Le Pen et Matteo Salvini se sont rencontrés ce vendredi et l'ont fait savoir. La première a profité d'un déplacement du second à Paris pour le G7 des ministres de l'Intérieur organisé place Beauvau. 

Ce qu'il en ressort? Une photo des deux leaders eurosceptiques, chefs de file autoproclamés de leur courant au sein de l'Union européenne, côte-à-côte et tout sourire. Un événement de campagne. Chacun a publié un cliché sur son compte Twitter, l'accompagnant d'une phrase enjouée. "En pleine forme et prêts pour gagner les élections européennes le 26 mai prochain avec" Matteo Salvini, a écrit la présidente du Rassemblement national. 

Rendez-vous manqués

Il faut dire que cette photo se faisait attendre. Dimanche dernier, lors d'un meeting commun des "jeunes" eurosceptiques organisé à Rome et auquel a participé la tête de liste RN Jordan Bardella, le vice-président du Conseil italien a fait faux bond. Le 1er mai 2018, alors qu'il était l'invité d'honneur du grand raout annuel du parti à la flamme, Matteo Salvini avait dû décliner à la dernière minute. Ce fut partie remise au mois d'octobre suivant, dans la capitale italienne, où les deux leaders s'étaient rencontrés. Six mois plus tard, les voilà de nouveau réunis.

De quoi permettre au RN d'enclencher la vitesse supérieure. Au coude-à-coude avec La République en marche dans les sondages, le parti fondé par Jean-Marie Le Pen bénéficie d'une alliance a priori solide avec la Lega, forte de sa participation à la gouvernance de l'Italie, pays majeur de l'UE. D'après l'entourage de Marine Le Pen, les temps des alliances incertaines avec le PVV hollandais de Geert Wilders ou avec l'AfD allemande sont désormais lointains. 

"Avant, nous étions seuls, alors qu'aujourd'hui les courants nationaux montent en puissance quasiment partout en Europe. Regardez la percée surprise du FvD de Thierry Baudet aux Pays-Bas. La politique, ce n'est pas de la photographie, c'est de la cinématographie, c'est du mouvement", philosophe un proche de la députée du Pas-de-Calais auprès de BFMTV.com. 

Grand groupe eurosceptique

L'objectif premier, dans les semaines à venir, sera de solidifier les alliances sur lesquelles repose l'un des principaux groupes eurosceptiques de l'actuel Parlement européen, ENL (Europe des nations et des libertés). Y siègent notamment le RN, le PVV, la Lega et le FPÖ autrichien. "Normalisées" par la conduite des affaires dans leur pays respectif, ces deux dernières formations pourraient se rapprocher de CRE, groupe qui inclut des souverainistes, des conservateurs britanniques ou le puissant parti Ordre et justice (PiS), qui dirige la Pologne.

Ces questions d'alliances étaient au menu des discussions entre Marine Le Pen et Matteo Salvini ce vendredi. Le lundi 8 avril à Milan, le patron de la Lega doit lancer un appel à la formation d'un grand groupe eurosceptique à Strasbourg et Bruxelles. Un vœu que formule Marine Le Pen depuis le début de l'année. 

Pour l'heure, il y a trois groupes eurosceptiques, minés par des courants contraires et par des jeux de chaises musicales. Comme lorsque Florian Philippot, du fait de sa rupture avec Marine Le Pen, a quitté les rangs d'ENL pour rejoindre ELDD (Europe de la Liberté et de la Démocratie Directe). 

Meeting commun en mai

Selon les informations du Parisien, Matteo Salvini devrait pouvoir agréger autour de lui des représentants du parti allemand AfD, du Parti populaire danois et des Vrais Finlandais. De son côté, la présidente du RN va continuer à faire des déplacements à l'étranger pour rencontrer ses partenaires. Le 25 avril, elle tiendra meeting à Prague (République Tchèque) avec le SPD, le 5 mai à Bruxelles avec le Vlaams Belang flamand, et le 13 mai à Bratislava (Slovaquie) avec Sme Rodina. 

Le tout est censé avoir comme point d'orgue un grand meeting commun organisé par Matteo Salvini et Marine Le Pen, prévu pour le 18 mai à Milan, et auquel sera convié l'ensemble des alliés eurosceptiques. 

La question Orban

Il restera néanmoins des inconnues jusqu'au bout. Notamment concernant le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, dont le parti, Fidesz, a récemment fait l'objet d'une procédure de suspension initiée par le Parti populaire européen (PPE), principale formation de droite à Strasbourg. 

Si l'on s'en tient aux sondages, la droite radicale peut espérer rafler 150 sièges sur 705 le 26 mai. Si Viktor Orban choisissait de quitter le PPE et d'emmener avec lui une partie des 180 élus annoncés pour ce groupe, les équilibres s'en ressentiraient. Problème: les dirigeants du groupe eurosceptique le moins sulfureux, CRE, qui inclut donc souverainistes, conservateurs britanniques et le polonais Ordre et justice, sont rétifs à l'idée de travailler avec Marine Le Pen, comme le relatent des témoignages de première main recueillis par Le Monde.

"En six mois, beaucoup de choses ont changé. La recomposition est à l'œuvre partout. Est-ce qu'on réussira à fusionner deux des trois groupes eurosceptiques? Et puis que va faire Orban, que vont faire les Polonais du PiS?", se demande-t-on, optimiste, dans l'entourage de Marine Le Pen. 

Et d'ajouter: "De toute façon, si on échoue à faire une fusion, il reste les convergences. Le moment venu, on votera avec les Polonais et on obtiendra une minorité de blocage au Parlement européen sur certains textes. C'est le plus important."

Jules Pecnard