BFMTV
Europe Ecologie les verts

Tricastin: nouveau bras de fer entre les écolos et le gouvernement

Les 29 militants qui se sont introduits dans la centrale sont toujours en garde à vue.

Les 29 militants qui se sont introduits dans la centrale sont toujours en garde à vue. - -

Manuel Valls aimerait éteindre le feu au plus vite en sanctionnant sévèrement les militants dont la garde à vue a été prolongée.

Vingt-neuf militants de Greenpeace ont été interpellés, lundi, après avoir pénétré dans la centrale nucléaire du Tricastin dans la Drôme pour dénoncer des failles dans la sécurité. Leur garde à vue a été prolongée mardi, a-t-on appris auprès du parquet de Valence.
Le gouvernement veut marquer le coup par des "sanctions pénales plus lourdes", mais le débat sur les risques terroristes est bel et bien lancé. BFMTV.com fait le point sur cette affaire.

> Que s'est-il passé?

Des dizaines de militants, en majorité de nationalité étrangère, sont entrés dans la centrale vers 5 heures lundi. Ils sont montés sur les infrastructures entourant les réacteurs pour y déployer des banderoles au niveau des réacteurs 1 et 3 sur lesquelles était inscrit: "Tricastin: accident nucléaire", et "François Hollande: président de la catastrophe?". Plus tôt dans la nuit, Greenpeace avait diffusé le même message sur la façade des bâtiments avec un vidéo-projecteur.

29 militants de l’ONG, de nationalité française, russe, espagnole, roumaine, belge, italienne, portugaise, suisse et allemande, ont été interpellés et placés en garde à vue. 160 gendarmes ont été mobilisés. Les interpellations ont commencé à 8 heures pour se prolonger jusqu'en début d'après-midi pour certains militants encordés en hauteur. Ce mardi, toutes les gardes à vue ont été prolongées.

> Jusqu'où sont-ils allés?

D'après EDF, les écologistes ont franchi les grilles de l'enceinte avec des échelles et sont arrivés à l'extérieur du réacteur et de la station de pompage. Certains se sont encordés avec du matériel d'escalade aux structures métalliques près des cuves des réacteurs, où les banderoles ont été déployées. Ils "n'ont pas pu accéder aux zones sensibles de la centrale", a assuré le ministère de l'Intérieur. EDF a confirmé qu'il n'y avait "pas eu de pénétration dans les enceintes de sécurité" de la centrale.

"Les militants sont rentrés le plus simplement du monde, ils n'ont mis que vingt minutes pour aller de l'entrée de l'enceinte en haut des structures", a souligné Isabelle Philippe, chargée de communication de Greenpeace. Un seul périmètre de sécurité a été franchi d’après les autorités, aucun des militants n'ayant accédé aux zones sensibles de la centrale.

> Que risquent les 29 militants écroués?

Les ministres de l'Intérieur et de l'Ecologie, Manuel Valls et Philippe Martin, ont demandé un rapport d'inspection sur les circonstances de cette intrusion.

Le gouvernement étudie par ailleurs la mise en oeuvre de "sanctions pénales plus lourdes" en cas d'intrusion sur un site nucléaire, ce que souhaite EDF qui va "porter plainte pour violation de domicile comme les fois précédentes" après une dizaine d'intrusions de ce type. Les ministères de l'Intérieur et de l'Ecologie jugent cette qualification juridique "inadaptée". Une autre qualification pénale possible, est aussi l'"intrusion dans un point d'importance vitale", a précisé le ministère de l'Intérieur.

En mars, un militant avait été condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir survolé en paramoteur la centrale nucléaire du Bugey (Ain) en mai 2012. En novembre, deux militants de l'organisation avaient écopé de quatre mois avec sursis en appel pour s'être introduits dans la centrale de Cruas (Ardèche) fin 2011. Cette fois, les militants sont poursuivis pour "dégradations, association de malfaiteurs et offense au chef de l'Etat", selon Greenpeace.

> En quoi cette action est-elle délicate pour le gouvernement?

Par cette intrusion, les militants cherchaient à dénoncer les failles dans la sécurité des sites nucléaires. "Il s'agit d'une opération de communication qui ne prouve strictement rien", a estimé EDF, tandis que le président François Hollande disait sa confiance dans le niveau de sécurité du nucléaire en France.

Pourtant, le doute subsiste. "Vous imaginez par contre des gens qui viennent avec des explosifs sur eux et qui rentrent comme Greenpeace a pu le faire?", a interrogé Barbara Pompili, co-présidente du groupe écologiste à l’Assemblé nationale, qualifiant d'"excellent" le "rôle de lanceur d'alerte" de l'ONG.

Dans leur communiqué commun, les ministère de l'Intérieur et de l'Ecologie ont d'ailleurs admis que "le cadre juridique actuel doit mieux répondre aux exigences de sécurité face aux agressions modernes et faciliter la discrimination entre les intrusions pacifiques à objectif médiatique et celles visant à porter atteinte à l'intégrité des installations".

Au delà des questions de sécurité, le PR doit nous dire comment il compte s'y prendre pour tenir son engagement de 75 à 50 % ? #nucléaire
— Greenpeace France (@greenpeacefr) July 15, 2013

Au delà des questions de sécurité, l'intrusion des militants met l’accent sur les promesses difficiles à tenir du président. François Hollande s’était engagé avant son élection à fermer 2017 la centrale de Fessenheim et à réduire de 75% à 50% à l'horizon 2025 de la part du nucléaire en France. Un objectif qui semble déjà bien difficile à atteindre.

A.D.