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"Le problème, c'est nous": derrière la polémique Médine, une césure durable au sein d'EELV?

Les Journées d'été des écologistes, qui s'achèvent ce samedi, n'ont pas été l'occasion de beaucoup parler d'écologie. En pleine canicule, c'est la venue du rappeur Médine qui faisait l'actualité. Avec cette invitation, le parti a une nouvelle fois décidé de "se tirer une balle dans le pied", a regretté Yannick Jadot. Retour sur une rentrée compliquée.

Au moment d'ouvrir les Journées d'été des écologistes, jeudi, Marine Tondelier l'assurait. Elle ne répondra plus aux questions portant sur la venue du rappeur controversé Médine, au départ convié pour un échange sur le thème "La force de la culture face à la culture de la force". Il est temps désormais de parler de "nos sujets", dit alors à la presse la patronne des Verts.

"On m’a souvent dit que le poste de secrétaire nationale des Verts était le pire job du monde, ce n’est pas vrai en ce qui me concerne", dit-elle, grand sourire aux lèvres, visiblement heureuse de son ascension. "Mais je me serais bien passée de cette polémique", concède-t-elle néanmoins.

Une polémique autour d’une invitation que Marine Tondelier a tenue à défendre longuement, la veille, auprès de BFMTV, évoquant une figure "incontournable de la ville du Havre" que les militants locaux lui ont demandé d’inviter. "Mais c’était avant le tweet", poursuit-elle.

Qui est Médine, le rappeur qui divise la classe politique ?
Qui est Médine, le rappeur qui divise la classe politique ?
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"Il n'aurait pas fallu l'inviter"

L'artiste a en effet relancé des accusations récurrentes d'antisémitisme en qualifiant l'essayiste Rachel Khan - juive et petite-fille de déportés - de "resKHANpée" après que cette dernière a écrit que son invitation par EELV était "une très bonne idée pour l'atelier traitement des déchets".

Que faire après ce message? Annuler cette venue? "Il n’y avait plus de bonne solution", dit la patronne des Verts. Sur ce point au moins, les députés du groupe écologistes à l’Assemblée semblent d’accord avec le parti dans leur grande majorité. Mais sur le reste, leur ligne est bien différente. "Marie Toussaint (tête de liste EELV aux élections européennes, NDLR) a raison quand elle parle d’erreur", estime ainsi une cadre du groupe.

"Le problème n’est pas Médine: le problème, c’est nous. Annuler la rencontre n’aurait servi à rien, il n’aurait pas fallu l’inviter du tout!"

Si comme beaucoup, cette élue ne connaissait pas le rappeur avant de le voir son nom dans le programme des Journées d'été, ce qu’elle a découvert sur lui ne l’a pas vraiment rassurée. "Il a un passé ambigu, pour le moins", juge-t-elle. "Nous aurions dû savoir que nous allions avoir droit à une polémique. Faire parler de nous à n’importe quel prix ne peut pas être une bonne stratégie, se positionner toujours par rapport à l’extrême droite non plus."

"On ne parle que de Médine"

Des propos repris par nombre de ses collègues députés. "Alors qu’on a encore eu un été caniculaire, que l’on a présenté un plan canicule dès début juillet ignoré par le gouvernement, on ne parle que de Médine lors de cette rentrée politique", regrette un élu.

Pendant que le rappeur s'exprimera, "des députés écologistes défendront le droit aux vacances pour tous avec François Ruffin", rappelait-il avant l'intervention du rappeur. "Au moment où l’on dit la Nupes fracturée, cette image aurait été importante", estime cet élu, "mais personne n'y prêtera attention". "Les médias seront tous sur Médine!"

Beaucoup de ces écologistes ont fait ces confidences à BFMTV hors micro, consigne ayant été passée de ne plus revenir sur cette polémique. Sauf l'ex-candidat à la présidentielle Yannick Jadot. Désormais candidat aux sénatoriales à Paris en septembre, il continue de jouer sa propre partition. "On donne le bâton pour se faire battre", a-t-il réagi quelques minutes avant l'arrivée du rappeur.

"On ne pouvait pas ignorer qu’on ouvrait la boîte à polémique. On offre à nos adversaires un bâton d’immunité sur leur inaction environnementale."

Des divergences profondes

Mais alors, à qui la faute? Une césure se dessine depuis quelques mois entre le parti et ses élus, césure rendue visible par cette polémique. Si le parti a assumé cette venue, les parlementaires l'ont dans leur majorité, condamnée au nom d’une crédibilité politique toujours à conquérir pour l’écologie politique française.

"Le parti est historiquement composé ainsi", explique Yannick Jadot. "Pas d’élus au conseil exécutif. Il s’agissait d’éviter de fabriquer des notables. Mais aujourd’hui, il y a un équilibre à trouver entre ce même Conseil et nos groupes parlementaires." "Le parti ne s’appuie pas du tout sur ses groupes parlementaires, c’est dingue!", abonde un député, qui cite hors micro une anecdote parlante à ses yeux.

"Peu après les élections législatives, une tête pensante du parti me dit concernant une députée fraîchement élue: 'Elle est en colère, elle n’est plus personne'", raconte-t-il. "Je lui précise qu’elle est quand même devenue députée! Et là de me répondre 'oui mais dans le parti, elle n’est plus personne, plus au bureau exécutif, plus dans les instances'. Donc pour eux, le pouvoir reste entre les mains du parti, et les députés ne sont... personne!"

Autre divergence de poids entre les parlementaires et la direction: les uns s’épanouissent au sein de la Nupes, les autres y voient une hégémonie à gauche dont ils voudraient se sortir.

Aucun député visible jeudi soir

Si le quotidien n'est pas toujours aisé avec leur turbulent partenaire LFI, les députés écologistes ont bien en tête qu’en cas de dissolution, il faudra bien que l’union existe encore, au risque sinon de voir un candidat insoumis en face d’eux dans leur circonscription. Et malgré quelques coups de mentons insoumis, le travail se fait de manière fluide, affirment-ils, entre les différents groupes parlementaires qui animent cette Nupes à l’Assemblée.

Le parti, lui, n’y voit qu’une mainmise sur leur destin dont ils voudraient s’émanciper. Preuve en est avec cette volonté de partir seuls aux européennes, au grand dam de certains parlementaires. "Comment vous expliquez l’union en 2027 si vous partez divisés en 2024?", s'étrangle l'un d'entre eux. Question insoluble... et intérêts divergents donc.

Aucun député écologiste n’était en tout cas visible dans les premiers rangs pour écouter l’échange entre Marine Tondelier et Médine jeudi soir. Les quelques uns présents dans la salle se tenaient loin du champ des caméras.

Perrine Vasque