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Sécheresse, retraites... Ce qu'il faut retenir des déclarations de Macron au salon de l'agriculture

Emmanuel Macron, entouré du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, du secrétaire d'État français à la Mer Hervé Berville et de l'éleveur français Michel Van Simmertier, avec la vache Ovalie, l'égérie du salon de l'agriculture, le 25 février 2023.

Emmanuel Macron, entouré du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, du secrétaire d'État français à la Mer Hervé Berville et de l'éleveur français Michel Van Simmertier, avec la vache Ovalie, l'égérie du salon de l'agriculture, le 25 février 2023. - Ludovic MARIN / POOL / AFP

Passage obligé pour les présidents, Emmanuel Macron a inauguré l'édition 2023 du salon de l'agriculture à Paris. Il a déambulé pendant près de 13 heures, de quoi aborder un large éventail de sujets.

Un "plan de sobriété sur l'eau", un autre pour les produits phytosanitaires et un appel pressant aux chaînes de supermarchés pour contenir les prix alimentaires... Au salon de l'agriculture ce samedi, Emmanuel Macron a voulu offrir des esquisses de solutions aux maux qui inquiètent les Français, y compris sur la réforme des retraites.

Selfies, bains de foules mais aussi parfois des huées ont accompagné le président dans sa longue déambulation qui a duré environ 13 heures parmi les stands. Sous l'oeil de la vache Ovalie, égérie du salon, il a coupé le ruban inaugural et donné le coup d'envoi de cette manifestation annuelle.

• Un effort des distributeurs face à l'inflation

Au moment où certains redoutent un "mars rouge", qui verrait les prix alimentaires flamber encore davantage, Emmanuel Macron a considéré que "ceux qui doivent faire un effort sur leurs marges, c'est les distributeurs", en estimant que les producteurs avaient fait leur part compte tenu de l'explosion de leurs coûts.

"Ce que je demande aussi à nos distributeurs aujourd'hui, c'est de participer à l'effort", a insisté le chef de l'État.

Emmanuel Macron a lancé cet appel à une semaine de la fin des négociations annuelles entre la grande distribution et les industriels, qui alimentent le spectre d'un nouveau rebond des prix dans quelques jours.

Ces négociations visent à fixer les prix de la majorité des produits en rayon l'année suivante. Elles se prolongent traditionnellement jusqu'au 1er mars, mais sont particulièrement tendues cette année en raison du contexte inflationniste.

• Un "plan de sobriété pour l'eau"

Alors que la France connaît un épisode de sécheresse historique cet hiver, Emmanuel Macron a par ailleurs plaidé pour un "plan de sobriété pour l'eau" sur le modèle du "plan de sobriété énergétique" lancé pour contenir les effets de la guerre en Ukraine.

Devant le monde agricole, le chef de l'Etat a repris une formule qui avait fait mouche pour l'énergie: il faut se résoudre à "la fin de l'abondance", a-t-il prévenu.

"On sait qu'on sera confronté comme on était l'été dernier à des problèmes de raréfaction (d'eau): plutôt que de s'organiser sous la contrainte au dernier moment avec des conflits d'usage, on doit planifier tout ça", a-t-il expliqué, ajoutant qu'il fallait se résoudre à la "fin de l'abondance".

Il a ainsi appelé à "mieux récolter l'eau de pluie", "avoir moins de fuites dans les réseaux d'eau" et "mieux répartir l'utilisation de l'eau potable selon les usagers", notamment en "continuant de produire et d'investir sur des rétentions collinaires".

• Produits phytosanitaires, accords commerciaux, aides aux producteurs...

À peine arrivé au Salon de l'agriculture samedi, Emmanuel Macron a réservé sa première annonce aux pêcheurs: pour la filière, les aides sur les carburants seront prolongées jusqu'au mois d'octobre.

À l'intention des agriculteurs, des éleveurs, des pêcheurs, Emmanuel Macron a multiplié les gestes. Il a ainsi exclu de soutenir en l'état un accord commercial avec les quatre pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), conclu en 2019 avec l'UE mais pas encore ratifié.

Ce ne sera "pas possible s'ils ne respectent pas comme nous les accords de Paris (sur le climat) et s'ils ne respectent pas les mêmes contraintes environnementales et sanitaires qu'on impose à nos producteurs", a-t-il dit.

Emmanuel Macron a encore annoncé une "planification" concernant les produits phytosanitaires, "pour donner de la visibilité à nos agriculteurs", "à chaque fois s'assurer qu'il y a des alternatives et des accompagnements" notamment après "des décisions (européennes) qui sont un peu tombées trop brutalement".

Les agriculteurs réclament notamment un relâchement des contraintes, à l'image de la présidente du syndicat majoritaire FNSEA, Christiane Lambert, qui a déploré "des décisions qui vont à l'envers de la souveraineté alimentaire", en évoquant "des producteurs (qui) coupent les cerisiers et les pommiers faute de produits phytosanitaires".

• Pas de "colère" mais de "l'inquiétude" sur les retraites

"Et on ne me parle pas tant que ça des retraites", a glissé Emmanuel Macron durant sa déambulation. Toutefois, il a été interpellé sur le sujet et n'a pas pu éviter de s'y confronter. Le chef de l'État a alors mis fin à une discrétion médiatique observée depuis le début des débats cette réforme.

Trois jours avant l'examen du texte par le Sénat, Emmanuel Macron a dit souhaiter que ce dernier "l'enrichisse". "J'ai vu (que) le Sénat voulait faire avancer les choses sur la politique familiale et les droits des femmes", a poursuivi le chef de l'Etat.

Si quelques visiteurs munis de pancartes appelant à un retour à la retraite à 60 ans ont été tenus à distance de la déambulation du chef de l'Etat, celui-ci a défendu sa réforme qui maintient le système par répartition - "un trésor" -, en estimant qu'il n'y avait "qu'une solution: travailler davantage".

"Je n'ai pas trouvé de colère chez nos compatriotes", a-t-il toutefois assuré, en disant percevoir "de l'inquiétude".

"C'est aussi ça qui s'exprime dans les manifestations sur les retraites: quand on écoute les gens, c'est pas la retraite, le sujet. C'est le travail et les conditions de travail", a poursuivi Emmanuel Macron, en estimant que "beaucoup de gens qui manifestent, c'est la perspective de leur carrière, c'est 'est-ce que mon travail me paye assez ou pas?'".

"Il y a un sentiment d'injustice", a-t-il encore considéré.

Emmanuel Macron est également revenu sur un des grands points de débat de cette réforme: il a réaffirmé que "ces 1200 euros pour la retraite minimale, c'est pour ceux qui ont une carrière complète". Interrogé sur la retraite agricole, le président a annoncé que la réforme actuelle "permettra à ceux qui ont une carrière complète d'avoir accès à ce dispositif".

• Le président interpellé sur l'urgence climatique

Au milieu d'échanges bon enfant, c'est sur cette question du climat que le chef de l'Etat a été vivement interpellé par un militant du collectif "Dernière rénovation". Arborant un T-shirt barré d'un "A quoi tu sers?", le jeune homme a reproché à Emmanuel Macron son inaction sur le climat.

"Vous êtes la démonstration d'une forme de violence civique", a répliqué le président, en l'interrogeant: "Je suis élu par le peuple français, vous êtes élus par qui?"

Quelques instants plus tard, les gardes du corps du président ont expulsé sans ménagement un autre militant qui tentait d'interpeller Emmanuel Macron, une scène massivement relayée sur les réseaux sociaux.

"Moi, je réprouve tous les gestes de violence, quels qu'ils soient, quand il s'agit d'interpeller quelqu'un - qu'elle soit d'ailleurs physique ou verbale", a ensuite assuré le chef de l'Etat, en appelant à n'être "jamais dans la violence" et "toujours dans le dialogue".

Emmanuel Macron a repris le premier activiste en évoquant "la vie des agriculteurs, c'est la vie de nos compatriotes". Encore interpellé sur "la rénovation thermique des bâtiments", Emmanuel Macron a répondu: "C'est ce qu'on fait!".

"On peut pas vivre dans une société où d'un côté vous avez des jeunes, hagards d'ailleurs dans la manière de vous aborder, qui disent 'on va tous mourir, on est foutu, j'ai 26 ans', et qui ne veulent pas du tout dialoguer", a poursuivi Emmanuel Macron. "Et vous faites dix mètres, et vous avez de jeunes agriculteurs ou des plus anciens qui vous disent 'moi je vais mourir, on change les règles tout le temps, je ne peux plus vivre'", a-t-il conclu.

Salomé Robles avec AFP