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Jachères, importations d'Ukraine, Mercosur: les trois dossiers d'Emmanuel Macron à Bruxelles

Le président de la République est à Bruxelles ce jeudi pour un sommet européen, qui, s'il n'y est pas dédié, intervient en pleine crise agricole. Sujet sur lequel le président de la République s'entretiendra avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Les agriculteurs français l'attendent au tournant, alors que leur mobilisation ne faiblit toujours pas. Emmanuel Macron est à Bruxelles - où se jouent plusieurs de leurs revendications - ce jeudi 1er février pour un sommet européen. Si l'événement est consacré au budget de l'Union européenne et l'aide à apporter l'Ukraine, la crise agricole est sur toutes les lèvres, alors que les agriculteurs sont également mobilisés dans d'autres pays européens comme l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne. D'ailleurs, un millier de tracteurs sont dans les rues de la capitale belge pour accroître la pression.

Le président de la République - qui doit s'entretenir avec Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, avant 10h - arrivera avec trois dossiers sous le bras: les dérogations de jachères, la limitation des importations ukrainiennes, et l'accord de libre-échange entre l'UE et le Mercosur.

Autant de sujets sur lesquels, il espère obtenir des avancées et calmer ainsi la gronde des agriculteurs dans l'Hexagone, au lendemain du placement en garde à vue de 79 personnes, qui sont entrées dans le marché au gros de Rungis (Val-de-Marne), franchissant ainsi une "ligne rouge", fixée par le gouvernement.

L'UE fait des concessions, sans convaincre

Sur les deux premiers points évoqués, la Commission européenne a lâché du lest, sans réussir à convaincre les principaux intéressés. D'abord, elle a bougé concernant les obligations de jachères, imposées par la nouvelle politique agricole commune (PAC), entrée en vigueur en 2023. Cette disposition contraint les agriculteurs à mettre au moins 4% de leurs terres arables en jachère - et donc à ne rien y cultiver - ou en surfaces non-productives (haies, bosquets, mares...).

Pour répondre aux revendications des agriculteurs, Bruxelles a proposé d'accorder une "dérogation partielle", permettant aux agriculteurs de toucher les aides de la PAC, même s'ils ne respectent pas cette obligation. Il leur faudra néanmoins atteindre 7% de cultures intermédiaires ou fixatrices d'azote (lentilles, pois...) sans usage de produits phytosanitaires.

Si Paris s'est félicité que Bruxelles ait "répondu aux demandes de la France", cette mesure intervient "tardivement" et reste "limitée", selon le Copa-Cogeca, organisation des syndicats agricoles majoritaires européens. Réclamant des dérogations sur d'autres obligations écologiques (rotation des cultures...), il a appelé les États à "renforcer" la proposition.

Deuxième point: les importations ukrainiennes, dans le viseur des agriculteurs, qui jugent que l'afflux de céréales, œufs et poulet d'Ukraine plombent leurs prix locaux, en entretenant un concurrence déloyale, faute de satisfaire certaines normes (volailles élevées en masse...).

Ici, Bruxelles propose certes de renouveler pour une année supplémentaire, entre juin 2024 et juin 2025, l'exemption de droits de douane accordée à l'Ukraine depuis le printemps 2022 pour soutenir le pays en guerre. Mais en l'assortissant de "mesures de sauvegarde" renforcées limitant l'impact des importations de produits agricoles ukrainiens, lesquelles ont bondi de 11% en valeur sur un an en janvier-septembre 2023.

Pour les produits "sensibles" - volaille, œufs et sucre -, un "frein d'urgence" est prévu pour "stabiliser" les importations aux volumes moyens importés en 2022 et 2023, niveaux au-delà desquels des droits de douane seraient réimposés. Néanmoins, les organisations agricoles ont aussitôt jugé "inacceptable" l'exclusion des autres produits d'un tel mécanisme, estimant que les garde-fous prévus sont "insuffisants".

La France promet un "bras de fer" sur l'accord avec le Mercosur

Dernière thématique au cœur des crispations: l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, conclu en 2019 avec l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay. Toujours pas ratifié, il est vu d'un très mauvais oeil par les agriculteurs, qui dénoncent une "concurrence déloyale" avec les produits venus d'Amérique du Sud.

Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a cherché à faire preuve de fermeté ce mercredi, affirmant que la France est prête à s’engager dans un "bras de fer" lors des négociations à Bruxelles. Objectif: que l'accord, "tel qu'il est aujourd'hui ne soit pas signé".

"Croyez-moi, quand la France veut quelque chose en Europe, elle a suffisamment de poids pour l'imposer", a ajouté Bruno Le Maire. Tout en assurant, pour mieux chercher à apaiser la grogne dans le pays: "C'est grâce au président de la République et uniquement grâce à lui, que cet accord n'est pas signé aujourd'hui."

Ce dernier a insisté ce mardi sur des "règles qui ne sont pas homogènes avec les nôtres". Mais les négociations s'annoncent difficiles. De nombreux pays européens, comme l'Espagne ou l'Allemagne, sont favorables à cet accord.

Baptiste Farge avec AFP