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Élysée

À l'image d'Obama, Macron verrouille sa communication à double tour

Depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron entretient une relation délicate avec les journalistes. La faute à une communication extrêmement contrôlée qui n'est pas sans rappeler celle de l'ex-président américain.

C’est devenu la signature d’Emmanuel Macron. Parole rare, aucun commentaire sur l'actualité… Depuis sa prise de fonction, le chef de l'État cadenasse sa communication, au risque de tendre sérieusement ses relations avec les journalistes. Dernier exemple en date, la réponse du président au G20 lorsqu'une journaliste l'interroge sur l'ouverture d’une information judiciaire concernant le déplacement du candidat d’En Marche en janvier 2016 à Las Vegas. Fidèle à lui-même, Emmanuel Macron a préféré botter en touche:

"J’ai posé des règles claires. Donc moi, quand je les pose, je les respecte. Parce que, objectivement, nous sommes ici sur des sujets essentiels qui méritent mieux que des commentaires d’actualité. Tout ce dont on parle est vital pour notre peuple aujourd’hui et demain. Vous parlez des péripéties du quotidien dans notre pays, il ne m’appartient pas de de les commenter. Je serais à Paris, je ne les commenterais pas davantage. Parce qu’un président de la République ne commente pas et parce qu'un président de la République, a fortiori, ne commente pas l’actualité judiciaire", a répondu le locataire de l’Élysée.

"La presse a perdu presque toutes les occasions de poser des questions"

En déplacement, Emmanuel Macron refuse d'aborder toute question de politique intérieure, au nom de la règle qu’il a lui-même édictée. Mais, de retour sur le territoire national, il ne semble pas davantage ouvert aux médias:

"Tous les canaux ou presque sont désormais coupés entre le président de la République et les journalistes. Emmanuel Macron désormais peut s’adresser à la presse mais la presse a perdu presque toutes les occasions de poser des questions, de demander des comptes à Emmanuel Macron. (…) Ça a commencé par les ministres silencieux à la sortie du conseil des ministres. Nouvelle règle en vigueur par la suite et ça tient depuis le début du quinquennat: on ne parle au président au cours d’un déplacement que du sujet qu’il est venu traiter", décrypte Anne Saurat-Dubois, éditorialiste politique sur notre antenne.

Quand Macron fait du Obama

En matière de communication, le "style Macron" n’est pas sans rappeler celui de Barack Obama. L'ancien locataire de la Maison-Blanche avait lui-même des relations extrêmement difficiles avec la presse. "Les journalistes politiques lui ont beaucoup reproché de ne pas leur donner d'accès ni au président ni à ses collaborateurs. Une tension qui a duré pendant huit ans", explique Jean-Bernard Cadier, correspondant à Washington pour BFMTV. Et si du côté de Barack Obama on invoquait le souci de contrôler le message et d’éviter les fuites, les journalistes, eux, jugeaient cette pratique comme une volonté de cacher des choses à la presse, et donc au public.

Depuis le début de son mandat, le chef de l’État n’a accordé qu’une seule interview. À défaut de parler, le président communique par l’image. Une méthode également empruntée à Barack Obama. Samedi, à l'occasion du G20, le chef de l’État s’est ainsi offert une promenade dans les rues de Hambourg à la rencontre des habitants. Le tout filmé puis publié sur les réseaux sociaux par sa propre équipe.

L’importance de l'image est tout à fait assumée par l’Élysée qui affiche la volonté de raréfier la parole présidentielle. Laquelle est compensée par les réseaux sociaux, largement utilisés par le président de la République. La méthode Obama à nouveau.

"Tout ça nous dit deux choses. D’abord, qu’Emmanuel Macron a une vraie défiance vis-à-vis de la presse. Quand il parle de 'pensée trop complexe' pour les journalistes, on se dit que c’est un peut-être même plus que de la défiance. Et la deuxième chose, c'est que tout moderne et tout nouveau président qu’il est, Macron utilise une bonne vieille ficelle politique qui consiste à ne pas répondre aux questions qui fâchent", analyse Anne Saurat-Dubois.

Le traumatisme du quinquennat Hollande

La stratégie générale de communication d’Emmanuel Macron tranche radicalement avec celle de ses prédécesseurs. À l’inverse de Nicolas Sarkozy et François Hollande souvent jugés trop "bavards" avec les journalistes, le chef de l’État prend ses distances. Il a notamment décidé d’annuler l’interview traditionnelle du 14 juillet, rompant avec une tradition instaurée par Valéry Giscard d’Estaing. Autre surprise, En Marche devrait prochainement constituer son propre média. Le mouvement lancé par le président de la République envisagerait le recrutement de cinéastes et de rédacteurs.

Traumatisé par les sorties médiatiques de François Hollande, Emmanuel Macron semble tout faire pour ne pas voir se répéter les erreurs du quinquennat précédent. Si les Français semblent pour l’heure favorables à cette forme de communication, certains craignent qu’à terme, le verrouillage de l’image et l’auto-marketing ne finissent par lasser l’opinion.

Paul Louis