BFMTV
Présidentielle

Le Pen en hausse dans les sondages: une stratégie de "dédiabolisation" payante, mais insuffisante?

Un portrait de Marine Le Pen affiché sur son bus de campagne lors d'un dépalcement à Courtenay, le  19 mars 2022

Un portrait de Marine Le Pen affiché sur son bus de campagne lors d'un dépalcement à Courtenay, le 19 mars 2022 - GUILLAUME SOUVANT © 2019 AFP

En deuxième position dans les sondages, la candidate du Rassemblement national resserre l'écart avec Emmanuel Macron. Le président est toutefois systématiquement donné gagnant à l'issue du second tour.

Marine Le Pen l'assure: la victoire à la présidentielle, elle y "croit". C'est en tout cas ce qu'elle a affirmé ce mercredi soir dans l'émission de Cyril Hanouna, Face à Baba, sur C8. Mais si les derniers sondages donnent invariablement la candidate du Rassemblement national (RN) qualifiée pour le second tour, elle n'a pourtant jamais été créditée d'intentions de vote suffisantes pour battre Emmanuel Macron si le duel de 2017 se reproduit.

Estimée autour de 20% d'intentions au premier tour, la candidate était l'invitée mardi soir de l'émission de BFMTV La France dans les yeux. "Elle est apparue solide, en tout cas posée, même ses adversaires le reconnaissent", juge l'éditorialiste politique de BFMTV Matthieu Croissandeau.

Poursuivre l'opération de "lissage"

"Elle est dans une situation particulière, en deuxième position dans les sondages, en passe de se qualifier pour le second tour, et elle progresse", poursuit l'éditorialiste.

"Son objectif principal, c'était donc surtout de ne pas se mettre à la faute, de ne pas commettre d'impair donc l'émission (de mardi) n'avait rien de spectaculaire, il n'y avait pas d'annonce incroyable comme le fait par exemple Éric Zemmour en sortant de sa poche un ministère de la 'remigration' au dernier moment pour faire parler de lui". Marine Le Pen a d'ailleurs qualifié la proposition du candidat de Reconquête de concept "antirépublicain".

Il s'agit ainsi pour Marine Le Pen de poursuivre son opération de banalisation, de lissage", analyse Matthieu Croissandeau.

Une vue partagée par Loïc Besson, journaliste à BFMTV chargé du suivi de la campagne de Marine Le Pen, qui explique le soin que la candidate d'extrême droite met à lisser sa campagne. "Elle a peur du moment où il peut y avoir un dérapage, une polémique qui pourrait alimenter cette campagne dans le sens qu'elle ne voudrait pas", abonde-t-il dans le podcast Le service politique de BFMTV.

Lundi, la candidate a tout de même suscité un début de polémique en déclarant ne pas avoir "d'admiration particulière" pour Volodymyr Zelensky, estimant qu'il se comportait "comme un chef d'État" et que cela "devrait être normal". Elle avait aussi indiqué qu'elle ne serait pas présente à l'Assemblée nationale mercredi pour l'intervention du dirigeant ukrainien face aux parlementaires en raison "d'obligations".

Début de polémique, puis rétropédalage: la candidate était finalement dans l'hémicycle. "Le patriotisme coule dans mes veines. Les gens qui expriment leur admiration pour lui sont les mêmes qui rejettent le patriotisme quand il est exprimé en France", a-t-elle tancé mardi soir dans La France dans les yeux.

"Évidemment, je soutiens le président de la République totalement dans les efforts diplomatiques", a aussi insisté la députée du Pas-de-Calais.

Appui sur le pouvoir d'achat

"Elle aborde cette élection présidentielle dans des conditions très différentes de la dernière fois", décrypte Matthieu Croissandeau. "Pour une large majorité (en 2017), Marine Le Pen était un repoussoir, une menace pour le moins, un risque. Aujourd'hui, le repoussoir et la menace sont incarnés par plus radical qu'elle, Éric Zemmour, et on dira jamais assez le service que lui a rendu l'ancien polémiste en se lançant dans la bataille."

Sur le plateau de La France dans les yeux délocalisé à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), son fief électoral, Marine Le Pen a encore une fois appuyé sur la question du pouvoir d'achat, qu'elle a placée au cœur de ses propositions à la différence de 2017 où elle traitait davantage des questions sécuritaires. Ce mardi, elle a par exemple de nouveau proposé de baisser la TVA sur l'énergie de 20% à 5,5%, à titre d'exemple.

Un accent sur le pouvoir d'achat qui répond aux préoccupations affichées au sein de l'opinion. Selon diverses enquêtes, et notamment celle d'OpinionWay - Kéa Parners réalisée pour Les Échos et Radio Classique, parue ce mercredi, le pouvoir d'achat constitue à 62% l'enjeu principal de l'élection présidentielle d'avril, loin devant les autres thématiques: la protection sociale se classe en deuxième à 50%, suivie à 38% par la sécurité à 38% - thème labouré par l'adversaire à l'extrême droite de Marine Le Pen, Éric Zemmour.

Dans ce contexte, quand Eric Zemmour redescend autour des 10%, Marine Le Pen s'affiche en progression dans le dernier sondage Elabe réalisé pour BFMTV, L'Express et SFR publié mardi, avec 20% d'intentions de vote au premier tour (+2). Toujours loin toutefois d'Emmanuel Macron, donné à 27,5% mais en baisse de 3,5 points.

Au second tour, selon cette même enquête d'opinion, Emmanuel Macron l'emporterait, comme dans tous les autres sondages, mais avec un écart qui s'amenuise: le président sortant pourrait obtenir 56% des voix, contre 44% pour la représentante du RN. En 2017, Emmanuel Macron l'avait emporté avec 66,10% des voix, soit dix points de plus, contre 33,9 pour Marine Le Pen.

La participation, inconnue-clé du scrutin

Mercredi soir, plusieurs cadres de la majorité se trouvaient en meeting à Nice pour la réélection d'Emmanuel Macron, notamment Christian Estrosi mais aussi l'ancien Premier ministre Édouard Philippe. Ce dernier a exhorté la majorité à ne pas "se retrancher derrière les sondages", dont il estime que la "valeur prédictive est nulle".

Même son de cloche dans la bouche d'Emmanuel Macron, qui est apparu en vidéo lors de la réunion de campagne: "Tout peut se passer en 18 jours. Et donc n'écoutez pas ceux qui vous disent que tout est déjà joué, que tout est acquis."

"Rien n'a jamais été écrit, rien n'est jamais écrit, rien n'est jamais acquis. Ce ne sont pas les intentions de vote du 23 mars qui comptent, c'est la participation et les résultats du 10 avril", a martelé le candidat à l'adresse de ses sympathisants.

Car l'abstention, déjà en hausse au fil des dernières élections, pourrait atteindre un niveau historique en avril, particulièrement chez les jeunes. Plusieurs sondages laissent présager une situation comparable à celle d'avril 2002.

Marine Le Pen, à l'instar d'Emmanuel Macron, lance aussi un appel à la mobilisation de son électorat. "Si le peuple vote, le peuple gagne", a-t-elle plusieurs fois martelé ces derniers jours. Reste à savoir à quel candidat bénéficierait un sursaut de participation appelé des vœux des prétendants à l'Élysée.

Clarisse Martin Journaliste BFMTV