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Présidentielle

"Hors-sol", "clichés": les propositions de Macron fraîchement accueillies dans le monde enseignant

Emmanuel Macron le 17 mars 2022 à Aubervilliers

Emmanuel Macron le 17 mars 2022 à Aubervilliers - Ludovic MARIN © 2019 AFP

Lors de sa conférence de presse à Aubervilliers jeudi, Emmanuel Macron a notamment évoqué la rémunération des enseignants, mais a écarté l'idée d'une "revalorisation nationale uniforme" des salaires.

Idées "hors-sol", "clichés", "propos insultants": les propositions d'Emmanuel Macron sur l'éducation, qui souhaite "mieux payer" les professeurs qui font "plus d'efforts", ont suscité des réactions plutôt fraîches et parfois vives dans le monde enseignant.

Après le discours jeudi du candidat Macron, qui a défini l'école comme "un chantier majeur" de son programme aux côtés de la santé, "les enseignants ont un sentiment de non-reconnaissance de leur métier" et du fait qu'ils effectuent déjà un travail "complexe et lourd", résume Stéphane Crochet, secrétaire général du syndicat SE-Unsa.

Lors de sa longue conférence de presse à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), Emmanuel Macron a indiqué qu'il voudrait sur l'école "changer complètement la méthode", en proposant "un pacte aux enseignants".

Une meilleure rémunération des enseignants, mais conditionnée

"Il faudra poursuivre de manière significative l'augmentation des rémunérations" - avec "un investissement important prévu", de "12 milliards d'euros au total" pour l'éducation et la jeunesse", dont "un peu plus de 6 milliards sur la masse salariale", a-t-il dit.

Mais cette augmentation sera liée à "la définition de nouvelles missions": "Remplacement des professeurs absents, "suivi plus individualisé des élèves, notamment pour l'aide aux devoirs" ou encore "temps d'accompagnement des élèves dans le périscolaire".

Ecartant l'idée d'une "revalorisation nationale uniforme" des salaires, Emmanuel Macron a ajouté: "C'est difficile de dire 'on va mieux payer tout le monde, y compris celles et ceux qui ne sont pas prêts à davantage s'engager ou à faire plus d'efforts'".

Une petite phrase qui a suscité de vives réactions d'enseignants, notamment sur les réseaux sociaux.

"Le plus pénible dans le métier d'enseignante, ce ne sont pas du tout les élèves, loin de là, c'est la lecture de ces propos dans les médias, car leur portée collective en termes de dévalorisation sociale est terrible", a estimé sur Twitter Françoise Cahen, professeure de lettres au lycée à Alfortville (Val-de-Marne).

"Avez-vous une idée de notre métier autrement qu'à travers des préjugés?", a réagi de son côté Christine Guimonnet, enseignante au lycée et secrétaire générale de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie (APHG).

"Prof bashing"

Le Snes-FSU, premier syndicat dans les collèges et lycées a, lui, dénoncé "des propos insultants pour les enseignants".

"Reprenant les codes du prof bashing en vogue ces dernières années, le candidat Macron alimente les pires clichés sur les personnels de l'Éducation nationale", a-t-il estimé dans un communiqué.

En outre, les syndicats considèrent ces mesures peu réalistes face à des emplois du temps déjà bien chargés.

"Quand il dit 'on va faire faire des tâches supplémentaires aux profs', c'est oublier qu'on a un temps de travail qui est déjà très lourd, avec de nombreuses tâches", juge Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, rappelant que "selon les statistiques du ministère lui-même, le temps de travail des enseignants dépasse les 40 heures".

"On commence à trouver plus que pénible d'avoir cette sorte de pensée magique sur l'éducation, en mode 'il suffit de faire fonctionner l'éducation comme une entreprise, de rémunérer les profs au mérite, et on aura de meilleurs résultats'", souligne quant à lui Jean-Rémi Girard, président du Snalc (Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur).

"Hors-sol"

Pour Stéphane Crochet, ces propositions sont "hors-sol" et "ça laisse penser que les enseignants ont du temps et ne se bougent pas beaucoup".

"Le travail enseignant s'est déjà considérablement transformé et intensifié au cours des dernières décennies" car "le métier d'enseignant suppose plus que par le passé (d'investissement) pour faire réussir tous les élèves", souligne de son côté Catherine Nave-Bekhti, du Sgen-CFDT.

"On est sur un ensemble de professionnels qui sont à un niveau d'épuisement professionnel extrêmement fort, et on a besoin là, de donner une vision, un souffle à ces professionnels et une vraie reconnaissance de leur travail", a-t-elle jugé sur RMC. "Le discours d'hier ne permettait pas d'asseoir cette reconnaissance et c'est regrettable".
C.M. avec AFP