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Présidentielle

BHL, Jacques Attali, Aymeric Caron... Eric Zemmour distribue les coups en officialisant sa candidature

Dans sa vidéo, le candidat d'extrême droite à la présidentielle fustige pêle-mêle les "puissants", "élites", "bien-pensants", "journalistes", "politiciens", "sociologues", "syndicalistes" et "autorités religieuses", et désigne des personnalités médiatiques à renfort d'images.

Officiellement candidat pour "sauver" la France, Éric Zemmour en profite pour régler des comptes. Dans la vidéo d'une dizaine de minutes mise en ligne sur ses réseaux sociaux ce mardi midi, l'ancien journaliste du Figaro devenu l'une des figures de l'extrême droite française égratigne plusieurs personnalités médiatiques, pas forcément politiques.

"Vous vous sentez étranger dans votre propre pays, vous êtes des exilés de l'intérieur", martèle Éric Zemmour dans son clip. "Longtemps, vous n'avez pas osé dire ce que vous voyiez", croit savoir l'ex-éditorialiste de CNews.

Au fur et à mesure de sa lecture, il égrène des qualificatifs sur fond de deuxième mouvement de la septième symphonie de Beethoven et, sans forcément les nommer, des photos de personnalités apparaissent sous forme d'images incrustées en écho au texte.

Succession d'images

"Bien sûr, on vous a méprisés. Les puissants, les élites, les bien-pensants, les journalistes, les politiciens, les universitaires, les sociologues, les syndicalistes, les autorités religieuses vous disaient que tout cela était un leurre (...) mais vous avez compris avec le temps que c'était eux qui étaient un leurre", tance Éric Zemmour dans une violente diatribe.

Lorsqu'il fustige les "puissants", l'image de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen apparaît. Pour les "élites", c'est l'économiste Jacques Attali, qui précède Aymeric Caron, accolé lui aux "bien-pensants". Yann Barthès représente là les journalistes, Éric Dupond-Moretti les "politiciens", le philosophe Bernard-Henri Lévy les universitaires, Éric Fassin les sociologues et le patron de la CGT Philippe Martinez les syndicalistes. Seules les autorités religieuses fustigées par Éric Zemmour ne sont liées à aucune personnalité spécifique.

"Comme il s'adresse à un électorat très conservateur, dont une partie sont des catholiques très conservateurs, il essaie de les ménager", estime auprès de BFMTV.com le chercheur CNRS au Cevipof Bruno Cautrès.

Dans sa vidéo, outre le garde des Sceaux ou Ursula von der Leyen, Éric Zemmour s'en prend aussi plus tard à des personnalités politiques, comme les candidats du congrès LR Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Michel Barnier, sans mention d'Éric Ciotti (qui assume publiquement qu'il voterait pour Éric Zemmour en cas de second tour contre Emmanuel Macron), ni Philippe Juvin. La socialiste Anne Hidalgo et l'écologiste Yannick Jadot ne sont pas épargnés, ni François Hollande et Emmanuel Macron.

Les personnalités médiatiques désignées par Éric Zemmour ne sont pas totalement inconnues de l'ex-polémiste. Ce dernier avait par exemple eu maille à partir avec Jacques Attali en mai dernier sur le plateau de CNews. Les deux hommes s'étaient notamment opposés sur la thèse identitaire du "grand remplacement", ardemment défendue par Éric Zemmour, de nouveau dans la vidéo de ce jour.

Selon les informations de BFMTV, Jacques Attali a adressé une lettre à Éric Zemmour après la mise en ligne de la vidéo, le mettant en demeure de retirer l'image utilisée sous 24 heures, sous réserve de saisine d'un juge. "Sans mon autorisation vous utilisez, de manière malveillante mon image pour prétendre que j’incarne une élite méprisant le peuple. Vous portez ainsi gravement atteinte à ma dignité", juge-t-il dans la missive.

"Des cibles"

"Ça ne me choque pas du tout d'être identifié comme un adversaire de Zemmour. Ce qui peut me gêner en revanche c'est la méthode, a réagi sur BFMTV Aymeric Caron. C'est-à-dire qu'on peut quand même considérer qu'il est curieux dans un clip de lancement d'une campagne présidentielle - donc c'est un homme qui aujourd'hui aspire à être le président de tous les Français - qu'un candidat choisisse de jeter à la vindicte des noms (...). C'est des cibles".

Aymeric Caron a été chroniqueur dans l'émission On n'est pas couché, présentée par Laurent Ruquier entre 2012 et 2015, où Éric Zemmour a officié au même poste entre 2006 et 2011.

"Un Maurras d'opérette"

Éric Zemmour cible également le journaliste de TMC Yann Barthès, qui anime l'émission Quotidien, ou encore le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez. Dans l'émission de ce mardi soir, Yann Barthès a annoncé une action en justice:

"Ça ne se fait pas, et de voler des images, et de voler des images sur lesquelles on dit qu'on a méprisé et fait du mal aux Français", a indiqué le journaliste, annonçant que l'argent récolté sera "bien évidemment reversé à des associations d'aide aux migrants".

L'image d'Éric Fassin quant à elle est extraite d'un sujet vidéo tourné par France Culture sur le racisme anti-blanc, laissant voir le sous-titre "la racisme anti-Blancs n'existe pas". Une antienne a contrario défendue par Éric Zemmour. Dans les colonnes du Figaro en 2017, déjà, Éric Zemmour avait vertement critiqué la pensée du sociologue, estimant qu'"Éric Fassin voit du racisme et de la xénophobie partout".

Aussi visé dans la vidéo d'Éric Zemmour, Bernard-Henri Lévy, que le néo-candidat a récemment qualifié de "traître", a réagi sur Twitter à sa présence "dans la liste de l'anti-France que dresse Zemmour".

"La vérité est qu'imitant de Gaulle comme un enfant joue aux petits soldats, il reproduit un Maurras d'opérette, pareillement raciste et grotesque. Que cette farce lugubre s'arrête au plus vite", ajoute-t-il.
"C'est absolument inédit (dans une déclaration de candidature à la présidentielle, NDLR) de désigner des personnes ciblées à la vindicte", note Bruno Cautrès. "C'est le coeur nucléaire du discours populiste", analyse le politologue, qui ne serait guère étonné que ces désignations de personnes conduisent à des procédures judiciaires.

Procédures qui sont déjà évoquées par certains protagonistes. Apparaissant sur une image au côté de François Hollande dans la déclaration de candidature d'Éric Zemmour, Valérie Trierweiler a dénoncé dans la foulée sur Twitter un "clip abject" et un "appel à la haine". Elle exige "le retrait immédiat" de l'image et indique que son avocat étudie "les suites à donner".

Clarisse Martin Journaliste BFMTV