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"J’ai mis des baskets, on sait jamais": à son procès, Rédoine Faïd crie haut et fort son "addiction à la liberté"

Croquis de Rédoine Faïd au premier jour de son procès pour l'évasion de la prison de Réau en 2018 devant la cour d'assises de Paris

Croquis de Rédoine Faïd au premier jour de son procès pour l'évasion de la prison de Réau en 2018 devant la cour d'assises de Paris - Benoit Peyrucq

Le braqueur Rédoine Faïd, jugé par la cour d'assises de Paris pour son évasion de la prison de Réau en 2018, a été interrogé sur son parcours ce vendredi. Pour lui, ses "grosses conneries" ne justifient pas les conditions carcérales imposées par l'administration pénitentiaire.

"J’ai répondu court, hein? C’est bien." Rédoine Faïd a des choses à dire et compte bien le faire savoir. Placé à l'isolement depuis dix ans, le braqueur multirécidiviste a des choses à dire. Son avocat le fait d'ailleurs remarquer, alors que Rédoine Faïd s'exprime de façon prolixe dans le box des accusés depuis trois heures. Cette cour d'assises qui le juge pour son évasion du centre pénitentiaire de Réau en 2018, les avocats, ses proches dans le public, sont les seules personnes qu'il voit depuis longtemps.

Rédoine Faïd est à l'aise. Debout dans le box, il parle beaucoup, d'une voix claire, d'un ton rapide, mais surtout avec les mains. "Je suis content, heureux de venir m’expliquer, trouver les explications sur les raisons qui m’ont poussé à déborder. Ne pas recommencer, ne pas récidiver. J’espère trouver les mots, être convaincant", lance-t-il en préambule. D'abord, c'est à sa famille qu'il s'adresse alors que deux de ses frères et trois de ses neveux sont co-accusés. Il "demande pardon" à tous ceux qui paient aujourd'hui pour ce qu'il appelle "son addiction à la liberté".

"Je voudrais demander pardon à mon frère Rachid, aux membres de ma famille qui se sont présentés hier des dégâts en raison de cette envie de survie, ce besoin de liberté."

"Des grosses conneries"

Avant-dernier d'une fratrie de onze, Rédoine Faïd avait tout pour devenir un "Monsieur tout le monde", à l'instar de ses frères, co-accusés, qui ont été interrogés la veille. La bascule du cadet se fait à la mort de leur mère, en 1990. Rédoine Faïd a 18 ans. "J’ai tout pris en pleine figure", souffle-t-il. Son frère Rachid prendra le relais dans son éducation.

"Mon frère a pas à culpabiliser, c’est ma responsabilité entière, c’est mon parcours de vie, c’est mes conneries", insiste Rédoine Faïd, se tournant vers son aîné.

Le braqueur de 51 ans, crâne rasé, sourcils fournis, ne se défile pas par rapport aux faits pour lesquels il a été condamné. "Je suis entré dans un engrenage, ce sont des conneries que j'ai fait sur une première tranche de vie dans les années 90. Je suis pas Blanche-Neige non plus, j’ai fait des conneries. J'ai été condamné pour plusieurs attaques à main armée, j'en suis pas fier." Au départ, c'était "par fragilité, par faiblesse", puis il y avait "l'adrénaline". Tout en assumant, et alors que son casier judiciaire comporte dix mentions, aujourd'hui il regrette.

"Si c’était à refaire, je le referais pas", pointe-t-il.

"La plus grande des crapules"

Ses premiers "méfaits", comme il les appelle, sont datés de 1995. Séquestration d'un bijoutier, d'un gérant d'un magasin de matériel informatique, Rédoine Faïd est arrêté une première fois en 1998, après son premier braquage de fourgon un an plus tôt à Villepinte. Il est condamné et remis en liberté conditionnelle en 2009.

"Je me suis pas évadé parce qu’on m’avait mis en détention normale", assure-t-il. Il replonge en 2011, puisqu'il est à nouveau arrêté. Là il est mis en cause pour une nouvelle attaque de fourgon mais surtout, il est mis en examen pour le meurtre d'Aurélie Fouquet lors d'une attaque à main armée à Villiers-sur-Marne.

Rédoine Faïd, le roi de l'évasion jugé sous haute surveillance
Rédoine Faïd, le roi de l'évasion jugé sous haute surveillance
17:57

Pour Rédoine Faïd, c'est cette implication dans ce braquage et pour ce meurtre - un meurtre qu'il a toujours nié et pour lequel il a été relaxé - qui marque ses envies d'évasion.

"J’ai été à placé Fleury-Mérogis, à l’isolement à la suite du braquage de Villiers-sur-Marne, j’ai clamé haut et fort que je n’avais rien fait, ça a créé un énorme trouble en moi, détaille-t-il. Qui va me croire hormis mes avocats? J’ai subi ma détention, j’ai fermé ma gueule, j’ai fait confiance à la justice. D’entrée de jeu, j’étais placé à l’isolement. Je m’étais pas évadé de Séquedin, de Réau."

Plus l'interrogatoire dure, plus Rédoine Faïd s'agite, pointe du doigt. "Faut voir comment on me traite, je suis la plus grande des crapules", dénonce-t-il au sujet de ses conditions de détention. Le braqueur a toujours justifié son évasion de la prison de Lille-Séquedin en 2013 par l'isolement strict dans lequel il était placé. "Quand je suis arrivé à la prison de Fresnes, j’ai eu un traitement spécial. On a vidé tout l’étage. J’ai parlé à personne. J’étais tout seul. J’ai subi ma détention, j’ai perdu 7-8 kilos, on a brisé les liens familiaux. On m’a fait des promesses. Et on est venu me chercher en 2012, on m’a mis dans un bus direction Séquedin."

"Je suis arrivé à Séquedin, j’étais en pétard, j’étais comme une cocotte-minute, poursuit-il. Vous m’auriez envoyé à Nanterre, jamais je me serais évadé de Séquedin. J’avais plus de retenue, j’ai eu l’occasion de me faire la malle, je me suis fait la malle."

"Peut-être que je serai plus là"

Depuis 2018, Rédoine Faïd ne s'est jamais expliqué sur les raisons de son évasion du centre pénitentiaire de Réau. Des faits pour lesquel il sera interrogé plus tard au cours du passé. Mais ce vendredi, alors qu'il est pour l'heure libérable en 2046, il insiste: il n'est "ni un violeur", "ni un terroriste", "ni un meurtrier" et "je suis mis dans un sarcophage en béton, emmuré 23h/24, tu respires et tu fermes ta gueule".

Les avocats généraux lui rappellent son parcours. La cour lui fait remarquer qu'au début des années 2000 il avait déjà été condamné pour un projet d'évasion de la prison de Saint-Maur, comme pour justifier les mesures de sécurité prises depuis des années autour de sa personne.

"C'était des discussions, balaie Rédoine Faïd. Si on devait prendre toutes mes discussions sur des projets d’évasion, sur des envies d’évasion, je prends 40 siècles de prison. La liberté, il y a quelque chose d’irrationnel, tout le monde y pense. Dieu merci, tout le monde ne fait pas les mêmes conneries que moi." Rédoine Faïd est attachant et il le sait. L'envie de s'échapper de cette cour d'assises ne serait pas très loin? "J’ai mis mes baskets ce matin, on ne sait jamais, plaisante-t-il.

"J’ai remarqué parfois la lumière elle s’éteint, elle se rallume, pouuf, je serai peut-être plus là. T’as pris tes baskets Jacques?", lance-t-il à Jacques Mariani, figure du banditisme corse présente lui-aussi dans le box.
https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV