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Procès

Rédoine Faïd: des conditions de détention au tribunal, la sécurité au coeur du procès

Les conditions de détention de Rédoine faïd seront au coeur du procès. (Image d'illustration)

Les conditions de détention de Rédoine faïd seront au coeur du procès. (Image d'illustration) - DR

Le procès de Rédoine Faïd pour son évasion du centre pénitentiaire de Réau en 2018 s'ouvre ce mardi au tribunal de Paris. La sécurité du bâtiment a été hautement renforcée pour ce détenu qui dénonce ses conditions de détention depuis des années.

"J'étais une patate chaude, une cocotte-minute, dans tous mes états (...) L'appel de la liberté a été plus fort", admettait Rédoine Faïd en 2017 lors de son procès pour l'évasion du centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin quatre ans plus tôt. À cette époque, il justifiait ce besoin de retrouver ses proches et de rompre avec l'isolement dans lequel l'administration pénitentiaire l'a placé. Un an après ces déclarations, celui qui a été surnommé "le roi de la belle" nargue les autorités une seconde fois en s'évadant cette fois-ci du centre pénitentiaire de Réau.

C'est pour cette évasion le 1er juillet 2018 que Rédoine Faïd comparaît à partir de ce mardi, aux côtés de onze autres personnes -dont deux de ses frères et trois de ses neveux-, devant la cour d'assises de Paris dans un palais de justice qu'on annonce "bunkerisé". La sécurité sera au coeur de ce procès, celle autour des débats mais aussi celle qui est mise en place en détention, ce que déplore le principal accusé.

"C’est un des aspects sur lequel on va devoir lutter, celui de l’image qui a été bâtie de Rédoine Faid, estime Me Yves Leberquier qui défend le braqueur aux côtés de Me Marie Violleau. Ça complique notre tâche car on aimerait qu’il soit jugé comme un accusé lambda, c’est un accusé lambda."

250.000 euros dépensés pour sécuriser un tribunal

Selon plusieurs sources, les mesures de sécurité pourraient être au moins aussi importantes que celles mises en place lors du procès des attentats du 13-Novembre. Rien pour l'heure n'a filtré sur les précautions prises, "mesures de sécurité", nous explique-t-on à la cour d'appel.

Rédoine Faïd, le roi de l'évasion jugé sous haute surveillance
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17:57

L'unité d'élite de la gendarmerie, le GIGN va être en charge du transfert quotidien de Rédoine Faïd entre la prison de Fleury-Mérogis et le tribunal. Un moment sensible car en extérieur, justifiant le choix du GIGN habitué aux escortes de détenus particulièrement surveillés. C'était déjà le cas pour Salah Abdeslam. Plusieurs équipes ont été prévues, qui peuvent rapidement se passer le relai en cas de difficultés.

Par ailleurs, plusieurs itinéraires ont déjà été repérés pour avoir plusieurs options et faire preuve de réactivité. Des moyens aériens sont possibles, même si à ce stade rien ne dit qu'ils seront utilisés quotidiennement.

À l'intérieur du tribunal, il faudra montrer patte blanche pour pénétrer dans la salle "grands procès", construite pour accueillir les audiences "hors normes", avec portiques de sécurité et fouilles. À l'extérieur, un périmètre de protection pourrait être établi par la Préfecture de police de Paris. Ce qui est certain, c'est que les patrouilles de police vont être multipliées autour du tribunal.

Des réunions préparatoires se sont tenues entre les services de justice et de police pour l'organisation de ce procès, une pratique habituelle pour ce type de procès de "détenus au profil particulièrement dangereux", nous précise la préfecture de police de Paris.

Lors de son procès en appel, en 2020, pour avoir attaqué à l'explosif un fourgon blindé de la société Loomis sur une route nationale près d'Arras, les coûts d'aménagement et de sécurisation du tribunal de Saint-Omer, avec notamment l'installation de deux portiques de détecteurs de métaux, avec un système de contrôle de bagages aux rayons X et un groupe électrogène, s'élevaient à 250.000 euros.

Des chiens renifleurs pour détecter explosifs ou armes à feu faisaient également partie du dispositif. Le secteur avait été confiné. Deux rues, dont celle du palais de justice, étaient fermées à la circulation et au stationnement. Les obsèques ne pouvaient, par exemple, pas être célébrées dans la cathédrale jouxtant le bâtiment durant la durée du procès.

Conditions de détention ultra strictes

Rédoine Faïd a toujours dénoncé ce "traitement de faveur" qui lui est accordé en matière de sécurité. Placé à l'isolement une première fois en 2013 lors de son transfert à la prison de Lille-Loos-Sequedin, motivant, s'était-il justifié devant la justice, sa première évasion, il s'était mis en grève de la faim et avait refusé d'être extrait de sa cellule pour comparaître en 2020 considérant ses conditions de détention trop strictes.

"Je n’avais tout simplement aucun autre moyen ou choix pour exprimer un désarroi qui puise sa source dans le traitement inhumain et injuste de ce que j’éprouve depuis plus de 18 mois", explique Rédoine Faïd au sujet de cette grève de la faim dans une lettre publiée dans un livre, un recueil de correspondances avec la journaliste Plana Radenovic, Depuis l’enfer gris.

Depuis son interpellation après son évasion de Réau, il est soumis à un isolement absolu. Un isolement social et sensoriel. Seul dans sa cellule où il passe 23 heures sur 24, seul en promenade dans une cour de 9 m², ses parloirs, où il arrive accompagné de plusieurs surveillants, sont séparés par un hygiaphone, une paroi en plexiglace empêchant tout contact avec son visiteur. Des fouilles, même lorsqu'il n'a pas eu de visite, sont menées régulièrement. On lui retire ses menottes depuis l'extérieur une fois que la porte de sa cellule ou du parloir est fermée.

Régulièrement, Rédoine Faïd est changé d'établissement pénitentiaire. Une manière pour que le détenu ne prenne pas ses marques. Il y a quelques semaines, il avait contesté en justice son transfert à la prison de Condé-sur-Sarthe, estimant que cet éloignement géographique portait atteinte à son droit à la défense alors qu'il était en pleine préparation de son procès.

"Il est debout"

"Ce sont des conditions qui sont qualifiées d’inhumaines et dégradantes", tranche Me Leberquier. En 2021, après 18 mois de détention provisoire, il avait obtenu de la justice la levée de cette mesure d'isolement au nom de la dignité humaine. Mais les juges d'instruction s'y sont opposés. Lors de l'instruction sur l'évasion du centre pénitentiaire de Réau, il était extrait de sa cellule dans des conditions de sécurité ultra renforcées. En janvier 2019, c'est cagoule sur la tête qu'il avait été transféré jusqu'au bureau du juge. Quelques mois plus tard, nouvelle audition et nouveau dispositif de taille avec la mobilisation d'une antenne du GIGN pour faire le trajet.

"Nous, son équipe de défense, trouvons qu’on essaie de lui faire supporter l'insoutenable", dénonce Me Marie Violleau.

"Aujourd'hui il est debout, il a envie de se défendre, il est serein, il a gardé son état d’esprit de confiance vis-à-vis de l’autorité judiciaire, policière, administrative, pénitentiaire. Il n’a pas perdu son humanité", poursuit l'avocate. Avec son confrère Me Yves Leberquier, elle s'inquiète toutefois de ce que cette "torture blanche", comme l'a qualifié la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme, à savoir un isolement prolongé, peut provoquer sur l'état psychique du détenu.

"Il y a déjà deux ans, un médecin évoquait les conséquences de l'isolement comme effets irrémédiables", insiste le pénaliste.

Dès ce mardi, Rédoine Faïd se présentera bien devant la cour d'assises. Une manière pour lui de dénoncer publiquement ces conditions?

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV