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Trois jours, trois voix: le réquisitoire du 13-Novembre à l'image de la démesure du procès

Les trois avocats généraux vont prendre un à un la parole pour requérir au procès des attentats du 13-Novembre.

Les trois avocats généraux vont prendre un à un la parole pour requérir au procès des attentats du 13-Novembre. - Thomas Samson

Le réquisitoire du procès des attentats du 13-Novembre débute ce mercredi 8 juin. Il doit durer jusqu'à vendredi.

C'est l'un des chiffres hors normes de ce procès historique. Les avocats généraux vont requérir à partir de ce mercredi au procès des attentats du 13-Novembre. Un réquisitoire qui doit s'achever vendredi et qui doit s'étaler sur 15 heures environ.

Il va durer trois jours, une durée quasi inédite. "C'est un procès hors normes, cette durée est justifiée", estime auprès de BFMTV.com Jean-Baptiste Bladier, président de la Conférence nationale des procureurs de la République, qui rappelle que la complexité des dossiers explique aussi le temps prévu pour les réquisitions. Celles livrées, par exemple, lors du procès de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc en 2005 avaient duré plus de six heures malgré la technicité des éléments contenus dans cette affaire.

"Il y a beaucoup d'accusés", rappelle aussi Me Catherine Szwarc, avocate de parties civiles.

Individualiser les peines

L'objectif de ce réquisitoire sera notamment d'individualiser les peines. "Chaque personne sera prise isolément, poursuit l'avocate montpelliéraine. Le but des avocats généraux, ça va être de travailler chaque personne dans ce qu’il a fait, dans sa personnalité, dans ce qu’il connaissait, dans ce qu’il ne connaissait pas, dans éventuellement ses possibilités de réinsertion et de dire ‘dans l’intérêt de la société, je requiers telle peine et éventuellement telle peine de sûreté parce que j’estime que cette personne est dangereuse'."

Dans les annales judiciaires, c'est à l'occasion du procès d'un réseau de pédophilie à Angers, en 2005, qu'un réquisitoire avait déjà duré trois jours. Il y avait alors 66 accusés. La cour avait alors délibéré pendant neuf jours avant de rendre son verdict.

Porter l'accusation

Pour ce procès des attentats du 13-Novembre, ce travail sera fait par trois avocats généraux, une première. Après neuf mois de procès jour pour jour, l'un après l'autre, Nicolas Braconnier, Camille Hennetier et Nicolas Le Bris, les trois avocats généraux, vont prendre la parole. Objectif: reprendre les éléments des 542 tomes de procédure, les nourrir de ce qui s'est dit à l'audience et demander des peines - ou une relaxe - pour chacun des accusés. Six des accusés présents dans le box encourrent la réclusion criminelle à perpétuité.

"Le réquisitoire est l'exercice par lequel le parquet synthétise les éléments de l'enquête", explique encore Jean-Baptiste Bladier. C'est un exercice de synthèse et un exercice d'explications."

Les trois avocats généraux, tous magistrats au parquet national antiterroriste (PNAT) portent ce dossier depuis l'été 2019 et l'écriture du réquisitoire définitif, un document de 560 pages visant à exposer la position du parquet vis-à-vis de l'ensemble des accusés présents dans la procédure et demander ainsi leur renvoi devant la cour d'assises spéciale. Pendant ces neuf mois de procès, ils ont porté l'accusation à l'encontre des 20 accusés, 14 présents à l'audience et 6 autres sont jugés par défaut.

Pendant l'audience, les trois magistrats ont eu pour ambition, notamment, de confronter les déclarations des accusés aux éléments de l'enquête. Face aux explications livrées pour la première fois par Salah Abdeslam au cours du procès, Nicolas Braconnay a montré son scepticisme, évoquant des déclarations "incompatibles avec la vérité". "Tout ce que vous avez raconté jusqu'ici ce sont des mensonges", avait également rétorqué Nicolas Le Bris.

Vers des acquittements requis?

Les avocats généraux ont jugé "incongru" par exemple que Salah Abdeslam, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, n'ait été recruté que deux jours avant les attentats. "Etonnant" aussi, ont-ils estimé, ce "café" qui aurait été visé mais que l'accusé est incapable d'identifier, et qui n'apparaît nulle part dans les documents listant les "cibles, découverts dans un ordinateur de la cellule jihadiste. Enfin difficile à croire encore qu'il ait opéré "tout seul", alors que les autres commandos étaient tous composés de trois terroristes.

"On a l’impression que vous continuez à vous comporter comme un des futurs auteurs d’un attentat", s'étonne le magistrat face à un Mohamed Abrini assurant avoir simplement accompagné ses amis à Paris la veille des attentats, sans jamais avoir eu l'intention d'y participer et sans en connaître les contours.

Lors du procès des attentats de janvier 2015, l'avocate générale avait rappelé que "face à l’horreur des crimes, il faut garder la tête de marbre" et "taire" l'émotion au moment de "revêtir cette robe de magistrat". Le but des débats et de la peine n'était pas "de faire payer aux vivants les fautes des morts mais de punir les vivants pour leurs fautes qui ont permis aux morts de tuer sur leur passage". Certains avocats de parties civiles imaginent déjà alors des acquittements requis dans ce procès qui juge les attaques qui ont fait 130 morts le 13 novembre 2015.

Il y a certaines infractions pour lesquelles il y aura peut-être des acquittements, se prépare Me Catherine Szwarc. Les infractions doivent être interprétées très strictement. Il y a un texte avec des conditions. Si les conditions sont remplies, l’infraction est constituée. S’il y a une seule condition qui n’est pas remplie ou s’il y a le moindre doute, l’infraction n’est pas consituée. Point."
https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV