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Procès du 13-Novembre: qu'attendre des auditions de Salah Abdeslam et Mohamed Abrini cette semaine?

Mohamed Abrini (à gauche) discute avec Salah Abdeslam (à droite) dans le box des accusés du procès des attentats du 13-Novembre le 27 janvier 2022. Au centre, Mohamed Amri.

Mohamed Abrini (à gauche) discute avec Salah Abdeslam (à droite) dans le box des accusés du procès des attentats du 13-Novembre le 27 janvier 2022. Au centre, Mohamed Amri. - Benoit Peyrucq

À partir de ce mardi, huit des 14 accusés présents au procès des attentats du 13-Novembre vont être interrogés sur les attaques. La grande majorité des parties civiles n'attendent plus rien de ces auditions.

D'autres lieux étaient-ils visés le soir du 13 novembre 2015? Pourquoi Salah Abdeslam n'a-t-il pas actionné son gilet explosif le soir des attaques? Mohamed Abrini a-t-il renoncé à faire partie des commandos? Plusieurs zones d'ombre n'ont pas pu être éclairées par la minitutieuse enquête consignée dans les 542 tomes du dossier d'instruction sur les attentats de Paris et de Saint-Denis.

Après plus de six mois de procès, la cour d'assises spéciale va aborder les derniers préparatifs des attentats et la soirée funeste du 13 novembre 2015, au cours de laquelle 130 personnes ont été tuées à Paris et à Saint-Denis. Mohamed Abrini, considéré comme un des logisticiens des attaques, sera interrogé ce mardi. Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos, le sera en deux temps, d'abord mercredi puis jeudi. Six autres accusés présents dans le box seront également entendus.

Un 11e homme?

Que peut-on attendre de ces déclarations alors que depuis quelques semaines la cour avance chronologiquement en décortiquant les préparatifs et le rôle de chacun des accusés? Mohamed Abrini a admis qu'il était "prévu" pour les attentats. Celui qui a été surnommé "l'homme au chapeau" en raison des images de vidéosurveillance de l'aéroport de Zaventem en Belgique le filmant en mars 2016 bob sur la tête, a accompagné les terroristes du 13-Novembre à Paris la veille au soir, dans ce qu'il a appelé "le convoi de la mort".

Le Belgo-marocain a passé la soirée avec eux dans une planque à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, avant de repartir en pleine nuit direction la Belgique en taxi. Etait-il le 11e assaillant? Une question à laquelle Mohamed Abrini a dit qu'il répondrait lors de ce nouvel interrogatoire. "Je vais vous dire, j'étais même prévu pour le 13-Novembre. Je compte parler de ça la semaine prochaine", lance-t-il lors de l'audience du 22 mars dernier, assurant dans le même temps n'avoir "jamais" participé aux préparatifs des attaques.

Abdeslam va-t-il parler?

Salah Abdeslam a lui aussi dit qu'il réservait ses réponses pour cette nouvelle audition. Lors de son audition sur sa radicalisation le 9 février dernier, l'unique terroriste encore en vie des commandos du 13-Novembre se disait "trop fier" pour se suicider. Après avoir gardé le silence pendant les cinq années de procédure, le Franco-marocain avait redit à l'audience avoir renoncé à faire fonctionner sa ceinture explosive. Cette dernière avait été découverte à Montrouge.

"On est là, on est en prison, on se dit 'en vérité j'aurais dû le déclencher ce truc', on est à l'isolement 24h/24, les gens veulent pas nous comprendre. On se dit 'Est-ce que j'ai bien fait de faire marche arrière ou j'aurais dû aller jusqu'au bout'", disait Salah Abdeslam lors de son premier interrogatoire sur le fond du dossier par la cour d'assises spéciale.

Les déclarations de l'accusé seront confrontées au dossier, tandis que par le passé il a expliqué à des proches que sa ceinture n'avait pas fonctionné. Les experts ont par ailleurs établi que le système était défectueux. Salah Abdeslam sera également interrogé sur le lieu où il aurait dû se faire exploser. Lui a évoqué le Stade de France, dans sa vidéo de revendication, l'État islamique évoquait une attaque dans le XVIIIe arrondissement de Paris, là où la voiture du terroriste a été retrouvée.

La frustration des parties civiles

Reste surtout à savoir si Salah Abdeslam va parler. Lors de son dernier interrogatoire le 15 mars dernier, l'accusé, qui s'est décrit comme un combattant de Daesh, s'est borné à des "no comment". Son audition s'était d'ailleurs achevée avec le départ des avocats de la défense, qui estimaient que le président de la cour ne faisait pas respecter l'ordre dans la salle d'audience.

"Salah Abdeslam a commencé le procès avec de grandes déclarations et désormais il se comporte comme un petit voyou, déplore Me Gérard Chemla, avocat de parties civiles. On est sur de la défense de petit voyou, pas du tout à la hauteur du dossier. Il se dit militant d'une cause mais il est incapable de l'assumer."

Après plus de six mois de débats, la frustration se fait sentir sur le banc des victimes, qui n'attendent plus rien des déclarations des accusés. Même si, comme à chaque grand rendez-vous du procès, les bancs des parties civiles devraient se remplir à nouveau. "Nous sommes rentrés dans un jeu malsain qui donne l'impression que l'on est pendus à ses lèvres, regrette à son tour Me Julia Courvoisier, autre avocate des parties civiles. Salah Abdeslam parle après six ans de silence, mais pour nous mépriser, pour mépriser la France, les Français, la justice, la démocratie. À ce stade, je crois qu'on n'a plus rien à attendre du procès et des accusés."

Des réponses dans le dossier d'enquête

Pour les avocats, les réponses aux questions des parties civiles se trouvent dans le dossier d'enquête "extrêmement fourni", disent-ils. À ce sujet, l'association Life for Paris a demandé à la cour d'assises de diffuser des images des constatations des enquêteurs et des extraits sonores de la tuerie du Bataclan, comme ça a pu être le cas pour les massacres perpétrés sur les terrasses le soir du 13-Novembre.

"Beaucoup de victimes ont besoin de remettre en contexte un certain nombre de choses, explique Olivier Laplaud, le vice-président de l'association. Elles ont besoin de réassocier les images du puzzle et c'est une certaine manière d'avoir des réponses, là où les accusés n'en donnent pas."
https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV