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Procès du 13-Novembre: entre silence et choix des questions, le "jeu" d'Abdeslam irrite les parties civiles

Croquis d'audience de Salah Abdeslam lors de son interrogatoire le 30 mars 2022 par la cour d'assises spéciale de Paris.

Croquis d'audience de Salah Abdeslam lors de son interrogatoire le 30 mars 2022 par la cour d'assises spéciale de Paris. - Benoit Peyrucq

Salah Abdeslam a refusé de répondre aux questions de la cour, estimant que "ça sert à rien du tout". Il a toutefois accepté d'échanger avec l'une des avocates des parties civiles.

"Qu’est-ce qui est le plus important M. le président? C’est d’obtenir des réponses… ou que chacun ait un nombre de questions déterminé?" Me Josserand-Schmidt s'agace alors qu'après plus de deux heures de silence, Salah Abdeslam accepte enfin de répondre à quelques interrogations posées dans cette salle d'audience. L'avocate de parties civiles lui rappelle la promesse qu'il lui a faite lors de son dernier interrogatoire, celle de répondre à certaines de ses questions qui concernent la période des attentats du 13-Novembre 2015.

En tout début d'audience, Salah Abdeslam avait pourtant prévenu la cour qu'il ferait usage de son droit au silence. "J'ai beaucoup de raisons et c'est pour ne pas être qualifié de provocateur que je ne veux pas m'exprimer", se justifie-t-il. Une attitude qui a provoqué la stupéfaction de la salle d'audience, plus remplie qu'à son habitude. "C'est la provocation ultime", résume Olivier Laplaud, vice-président de l'association Life for Paris.

"C'était une promesse"

Assis dans le box des accusés, vêtu d'un polo noir, masque noir, Salah Abdeslam écoute les questions que la cour aurait souhaité lui poser sur les jours précédents les attentats, sa connaissance du projet funeste, son rôle précis prévu dans les attaques, son parcours le soir du 13-Novembre entre le XVIIIe arrondissement et le sud de Paris et enfin son éventuel renoncement à se faire exploser. "On va être obligés de trouver des réponses", se résout le président de la cour d'assises au terme de son interrogatoire.

Dans son mutisme, Salah Abdeslam est piqué par les questions de Me Josserand-Schmidt, qui le questionne davatange sur ses sentiments que sur les faits. "Je vais quand même répondre à quelques questions parce que je vous avais promis de vous donner des réponses, c'était une promesse", dit-il posément. Interrogé sur son dernier rendez-vous, le 10 novembre 2015, avec sa petite-amie, au cours duquel "quelques larmes ont coulé dans mes yeux", l'accusé assure qu'à ce moment "je savais que j'allais partir en Syrie", indiquant par la même occasion qu'il avait été prévu pour les attentats au dernier moment. C'est une rencontre avec Abdelhamid Abaaoud le 12 novembre qui a acté "le basculement".

Salah Abdeslam redit aussi avoir "renoncé" à enclencher sa ceinture explosive le soir du 13 novembre 2015, "pas par lâcheté, pas par peur, mais je ne voulais pas, c'est tout". Salah Abdeslam évoque cette "peur" du regard des autres, cette "honte" face à la cellule terroriste restée en Belgique à qui il dira que son gilet explosif n'a pas fonctionné. Au président de la cour d'assises, qui a tenté toute l'après-midi lui aussi d'avoir des réponses à ses questions, le terroriste lâche simplement "avoir retiré le bouton poussoir et la pile" de sa ceinture explosive avant de l'abandonner dans une rue de Montrouge, afin que personne ne la fasse "exploser par accident".

"Abdeslam joue les vedettes"

Pour le reste, ce sera silence total de la part de l'accusé, qui justifie son attitude par une justice "pas équitable": "Je ne veux pas m'exprimer aujourd'hui, je sais que m'exprimer ou garder le silence, ça sert à rien du tout". "Je ne suis pas avocat de parties civiles, que les choses soient claires, mais j'ai une pensée pour les victimes, lui rétorque l'avocat général. C'était une journée importante, il avait promis de donner des explications, il ne le fait pas, c'est son droit."

"Monsier Abdeslam joue les vedettes, il aime bien faire du teasing, prend plaisir à garder le silence et voir la déception des victimes", tacle Nicolas Le Bris. Il n'y a pas une once de courage chez vous, c'est vraiment de la lâcheté à l'état pur."

Lâcheté, perversité, les mots ne manquent pas pour qualifier l'attitude de Salah Abdeslam. Me Gérard Chemla voit en l'attitude de Salah Abdeslam "un jeu". "Il nous prend pour des marionnettes, c'est ce jeu-là que nous ne devons pas jouer, on ne doit pas être ce débat-là", prévient l'avocat de victimes. Il "choisit les questions auxquelles il répond, aux personnes à qui il répond, déplore Me Didier Seban, avocat de victimes du Stade de France. Mes clients n'en peuvent plus."

"C'est de la perversité, M. Abdeslam, un coup vous répondez, un coup vous ne répondez pas, c'est un jeu pervers", lui lance Me Seban.

Derrière ce "jeu", nombreux sont ceux à voir une stratégie de défense au lendemain de l'audition de Mohamed Abrini. Ce dernier a en effet "dédouané" son ami, selon les mots de l'avocat général, en le présentant comme une solution de dernière minute pour faire face à son propre renoncement. "Je pense que c'est une défense commune entre M. Abrini et M. Abdeslam. Au regard du fait que M. Abrini est sorti (de son silence, NDLR), a pris des positions difficiles, la situation pouvait devenir désagréable pour M. Abdeslam et la seule solution était de se taire. C'est le pacte des personnes qui ont fui, des lâches."

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV