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Procès du 13-Novembre: Salah Abdeslam sort de son silence et évoque sa "honte" d'avoir "renoncé"

Ce croquis d'audience réalisé le 9 février 2022 montre l'accusé Salah Abdeslam debout devant la cour d'assise spéciale de Paris lors du procès des attentats de novembre 2015 qui ont fait 130 morts

Ce croquis d'audience réalisé le 9 février 2022 montre l'accusé Salah Abdeslam debout devant la cour d'assise spéciale de Paris lors du procès des attentats de novembre 2015 qui ont fait 130 morts - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

Après Mohamed Abrini hier, c'est au tour de Salah Abdeslam d'être interrogé ce mercredi sur les derniers préparatifs des attaques et la soirée funeste du 13 novembre 2015.

"C'est de la perversité": l'audience s'achève sur la colère des victimes

Salah Abdeslam est interrogé par d'autres avocats des parties civiles. A tous, il oppose un refus de répondre.

"C'est de la perversité M. Abdeslam, un coup vous répondez, un coup vous ne répondez pas, lui lance Me Didier Seban. C'est un jeu pervers."

L'audience est terminée. Elle reprendra demain avec l'audition de Mohamed Amri, notamment, venu récupérer Salah Abdeslam le soir des attentats pour le ramener en Belgique.

Abdeslam dit avoir mis hors d'état de fonctionner sa ceinture explosive

Salah Abdeslam, toujours retranché derrière son droit au silence, accepte tout de même de répondre à quelques questions sur son gilet explosif retrouvé dans un quartier pavillonaire de Montrouge.

"Le jour où j'ai abandonné cette ceinture, je l'ai mise dans un endroit où il y avait peu de chance qu'elle soit retrouvée, qu'elle soit manipulée. J'ai retiré le bouton poussoir et la pile parce que ce sont les éléments qui permettent d'enclencher la ceinture. N'importe qui, même un enfant, peut faire l'exploser par accident. Ce n'était pas pour essayer de cacher mes empreintes digitales."

L'expert n'a pas pu déterminer si Salah Abdeslam avait ou non tenté de déclencher son gilet explosif. Dans l'après-midi, ce dernier a assuré avoir renoncé non pas parce que le dispositif ne fonctionnait pas mais parce qu'il avait renoncé.

"Telle quelle", la ceinture explosive de Salah Abdeslam n'était pas "fonctionnelle"

Un expert est désormais interrogé sur la ceinture explosive de Salah Abdeslam découverte le 23 novembre 2015 dans une rue de Montrouge. Des photos des deux plaques reliées par des câbles orange.

"Tel que, l'engin n'était pas fonctionnel", a conclut l'expert, évoquant "un sectionnement sur l'un des deux brins sur l'inflammateur de la plaque avant empêchant son fonctionnement".

L'expert ne peut toutefois pas se prononcer sur l'origine de ce sectionnement du câble. Par ailleurs, il note que le gilet a été découvert sans interrupteur et sans pile, empêchant en premier lieu son enclenchement.

Avec l'absence de ces deux éléments, il est impossible de le déclencher", résume-t-il, estimant qu'"on peut imaginer qu'avec un briquet on peut déclencher un gilet".

"La provocation ultime", le "jeu" de Salah Abdeslam irrite les victimes

Olivier Laplaud, vice-président de l'association de Life for Paris dénonce "la provocation ultime" de Salah Abdeslam qui a refusé de répondre à la grande majorité des questions de la cour d'assises.

"Le guerrier de Daesh qu'il se dit être est contredit par ses actes", nuance Bruno Poncet, rescapé lui-aussi du Bataclan, qui disait "s'attendre" à ce mutisme de l'accusé.

Me Gérard Chemla voit en l'attiutde Salah Abdeslam "un jeu". "Il nous prend pour des marionnettes, c'est ce jeu-là que nous devons pas jouer, on ne doit pas être ce débat-là", prévient l'avocat de victimes.

"C'est un droit au silence minable", dénonce un avocat de parties civiles

Me Jean Reinhart a évoqué sa colère après l'interrogatoire de Salah Abdeslam qui a refusé de répondre à la quasi-totalité des questions posées par les différentes parties.

"C'est un droit au silence minable, on respecte ce droit mais on ne respecte pas l'individu", dit-il lors de la suspension.

L'avocat évoque la "défense commune entre Mohamed Abrini et Salah Abdeslam", rappelant les déclarations du premier qui a affirmé que le second avait pris sa place après sa défenction au dernier moment."Au regard du fait que M. Abrini est sorti, a pris des positions difficiles, la situation pouvait devenir désagréable pour M. Abdeslam et la seule solution était de se taire", dit Me Reinhart.

"C'est le pacte des personnes qui ont fui, des lâches", conclut-il.

Abdeslam évoque sa "honte" d'avoir renoncé

Salah Abdeslam continue de répondre aux questions de Me Josserand-Schmidt. Il lui redit avoir renoncé à faire fonctionner sa ceinture explosive.

"J'ai dit que j'ai renoncé à enclencher ma ceinture pas par lâcheté, pas par peur mais je ne voulais pas c'est tout", dit l'accusé.

Ce sera la dernière question à laquelle Salah Abdeslam répondra. Pourquoi a-t-il raconté en rentrant en Belgique que sa ceinture explosive était défectueuse?

"J'avais peur du regard des autres, j'avais 25 ans, c'est ça aussi. J'avais honte tout simplement."

Abdeslam dit qu'il n'était pas prévu pour les attentats

Comme l'a dit Mohamed Abrini hier, Salah Abdeslam dit qu'il n'était pas prévu pour les attentats du 13-Novembre. Après un moment de flottement, le président accepte de redonner la parole à Me Josserand-Schmidt qui rappelle que l'accusé vient d'accepter de lui répondre.

- "Acceptez-vous de continuer notre échange?, lui demande-t-elle face à l'énervement du président qui regrette la longueur de sa prise de parole.
- "Je veux bien continuer notre échange, sans vouloir manquer de respect à M. le président et à la cour."

Précédemment, elle l'avait interrogée sur sa rencontre le 10 novembre 2015 avec sa petite-amie au cours de laquelle il avait pleuré. "Le jour où j'ai pleuré, enfin quelques larmes qui ont coulé dans mes yeux, à ce moment là elle avait discuté avec moi de projets d'avenir. Elle parlait d'enfants, de projet d'appartement."

"A ce moment, je savais que j'allais partir en Syrie
parce que c'est ça qu'on m'avait proposé, poursuit-il. J'avais rendu des services qui pourraient me poser de graves problèmes, le meilleur pour moi c'était de partir en Syrie."

"Peut-on comprendre que vous n'étiez pas dans l'optique de porter une ceinture le 10 novembre", lui demande alors l'avocate.

"C’est quand je vais en France en louant l’appartement, quand je reviens, mon frère me dit qu'Abdelhamid Abaaoud est là et qu’il veut me rencontrer. Quand je vais le voir, c’est là que tout va changer."

Une telle décision "se mûrit", note l'avocate. "Apparement non parce que j'ai pas été jusqu'au bout", rétorque l'accusé.

Salah Abdeslam justifie son silence par un jugement "pas équitable"

Salah Abdeslam accepte de répondre aux questions de l'avocate. D'abord pour évoquer son frère puis pour revenir sur ses motivations à garder le silence.

"Je ne veux pas m'exprimer aujourd'hui je sais que m'exprimer ou garder le silence, ça sert à rien du tout, débute l'accusé. On vous demande de juger cette affaire mais on sort ces faits-là de leur contexte. J'aurai voulu entendre les 6 enfants de cette femme, ses parents, son oncle et sa tante parce qu'ils sont morts à cause d'un bombardement français. Je ne vais pas remettre ça sur la table parce que vous aimez pas entendre ça. Si vous vous basez uniquement sur ce qu'a fait l'EI et pas sur ce que vous avez fait, vos jugements ne seront pas équitables."

Le président lui fait remarquer que pour avoir une justice "équitable, "il faut les explications des uns et des autres".

"Celle là vous pouvez me répondre", tente une avocate des parties civiles

Me Josserand-Schmidt, avocate des parties civiles, tente elle-aussi faire parler Salah Abdeslam. Elle lui rappelle qu'il lui avait promis lors d'un précédent interrogatoire de répondre à ses questions.

L'accusé lui sourit, toujours sans répondre. Elle débute alors sa liste de question. "Celle là vous pouvez me répondre", lui lance-t-elle en lui demandant s'il avait vu le dossier avant le procès. Salah Abdeslam nie de la tête. Idem quand elle lui demande s'il a vu les photos des scènes d'attentats.

"Vous voyez, ce ne sont pas forcément des questions faites pour vous piéger mais pour chercher à comprendre, à vous comprendre vous", dit l'avocate.

Me Josserand-Schmidt tente la voix personnelle en l'interrogeant sur son dernier rendez-vous avec sa fiancée le mardi 10 novembre 2015. "Vous savez que vous allez la faire souffrir? Est-ce que vous avez pensé à la souffrance à venir de ces couples que vous allez arracher l’un à l’autre?"

L'avocat général ne croit pas au "terroriste tombé du ciel"

L'avocat général énumère point par point les éléments qui attestent, selon l'accusation, que Salah Abdeslam n'était pas "un terroriste tombé du ciel ou désigné par votre frère".

Il en veut pour preuve les testaments rédigés par l'accusé où il indique avoir participer à la cellule des attentats "pour Allah et par choix personnel". "Il n'y a aucun mot sur Brahim Abdeslam le soi-disant marionnettiste. J'aurais trouvé logique peut-être des propos plus développés sur l'influence de votre frère", note le magistrat.

Pour l'avocat général, Salah Abdeslam était "comme les autres déterminés. "Vous avez donné toutes les garanties à la cellule, la cellule ne vous a pas fait monter au hasard. Ce n'était pas les candidats qui manquaient".

Nicolas Le Bris aurait aimé interrogé l'accusé sur son état d'esprit. "Comment pouviez-vous être si tranquille le 12 novembre dans votre planque, à manger avec vos amis, alors que le lendemain, vous et les autres alliez bousiller de tant de vies."

"La lâcheté est la marque des terroristes"

Comme en préambule, la conclusion de la prise de parole de l'avocat général est sans concession. EN ne répondant pas aujourd'hui, le magistrat note que "la lâcheté est véritablement la marque des terroristes".

"Vous n'avez aucun courage, vous aviez la possibilité de donner des réponses après votre semblant de buzz lors des dernières audiences. C'est vraiment de la lâcheté, je n'ai pas d'autre expression."

Abdeslam "joue à la vedette", tacle l'avocat général

Les mots de l'avocat général sont durs à l'attention de Salah Abdeslam qui a choisi de garder le silence aujourd'hui.

"Une remarque: Salah Abdeslam joue à la vedette, il aime bien faire du teasing, prend plaisir à garder le silence et voir la déception des victimes", lance Nicolas Le Bris.

L'avocat général a "une pensée pour les victimes". "C'était une journée importante il avait promis de donner des explications, il ne le fait pas c'est son droit."

"Une réponse?, tente le président. Pas de réponse..."

Le président a repris la parole. Depuis que Salah Abdeslam s'est rassis dans le box des accusés, il revient sur les faits en posant les questions qu'il aurait souhaité poser à l'accusé. "Si vous changez d'avis, faites signe..."

Le magistrat souhaite le questionner sur la provenance des sommes d'argent versées sur le compte bancaire de l'accusé juste avant les attentats, sur une éventuelle rencontre avec Abdelhamid Abaaoud avant les attaques, ou encore sur la location des planques des terroristes à Bobigny et Alfortville.

"Une réponse?, tente le président. Pas de réponse..."

"Je n'arrive plus", dit Salah Abdeslam

Le président de la cour d'assises tente de faire changer d'avis Salah Abdeslam qui refuse de répondre aux questions. Il lui rappelle que depuis le début du procès, il s'explique et dit ne pas comprendre ce revirement.

"J'ai fourni des efforts, j'ai gardé le silence pendant 6 années et ce n'était pas facile, répond très calmement l'accusé. C'était la position que je voulais adopter, mais j'ai changé d'avis. J'ai dis des choses, je me suis exprimé à l'égard des victimes, avec respect et je ne veux plus m'exprimer. Je n'arrive plus."

Il poursuit toujours aussi posément: "C'est un droit, j'ai beaucoup de raisons et c'est pour ne pas être qualifié de provocateur que je ne veux pas m'exprimer."

"Vous avez conscience que ça peut être interprêté de manière opposée", l'interroge le président lui rappelant que les délcarations faites par son ami Abrini la veille ne lui étaient pas "défavorables".

Salah Abdeslam fait usage de son droit au silence

"M. le président, messieurs et mesdames de la cour, bonjour à tous aujourd'hui je souhaite faire usage de mon droit au silence", déclare d'emblée Salah Abdeslam.

Debout dans le box, vêtu d'un polo noir, l'accusé répète ne pas vouloir s'expliquer, malgré l'insistance du président de la cour d'assises.

"C'est votre droit mais ce n'était pas prévu, regrette le magistrat. Je me permets d'insister, c'est important pour tout le monde."

Les parties civiles n'attendent rien d'Abdeslam

Même si les bancs de la salle d'audience sont remplis ce mercredi, les parties civiles n'attendent pas grand chose des déclarations de Salah Abdeslam. Lors de son dernier interrogatoire au début du mois de mars, au cours duquel il avait frôlé l'insolence, l'accusé avait ailleurs assuré:

"On attend de moi beaucoup et j'ai pas les informations" que les parties civiles attendent, a-t-il dit. Les parties civiles "veulent des informations que je ne possède pas".

Retrouvez ici notre article sur la frustration des parties civiles.

La question centrale de la ceinture explosive d'Abdeslam

Une question perdure: Salah Abdeslam a-t-il renoncé à actionner sa ceinture explosive ou le dispositif n'a-t-il pas fonctionné? Cette dernière a été découverte dans une poubelle à Montrouge, dans le sud de Paris, après que le terroriste a déposé son véhicule dans le XVIIIe arrondissement de la capitale.

Lors de son interrogatoire en février dernier, l'accusé avait déclaré avoir fait "marche-arrière". Une version qui est mise en doute par l'accusation.

D'abord parce que le communiqué de revendication de l'organisation État islamique (EI) mentionne une attaque "dans le 18e arrondissement", là où la voiture a été retrouvée, et qui n'a pas eu lieu. Ensuite parce que les experts ont établi que la ceinture était défectueuse. Enfin parce que Salah Abdeslam aurait dit à plusieurs proches qu'elle n'avait pas fonctionné.

Abdeslam dédouané par Abrini

Hier, Mohamed Abrini a longuement été interrogé par la cour d'assises sur les jours précédant les attentats. A cette occasion, le Belgo-marocain de 37 ans a dédouané son ami d'enfance, assurant que ce dernier avait été recruté par son frère pour faire partie des commandos à cause de sa propre défection.

"Le dernier jour, quand je dis à Abaaoud 'non, je ne le ferai pas', Brahim Abdeslam voyant qu'il y a un gilet en plus, il a sûrement dû parler avec Salah Abdeslam en lui disant 'tu fais partie du voyage'", a déclaré Mohamed Abrini expliquant qu'il n'avait jamais cru que son ami passerait à l'acte.

"J'ai vu les regards, j'ai vu ceux qui étaient déterminés", et pour lui Salah Abdeslam n'en faisait pas partie.

Bonjour à tous, 102e journée d'audience du procès du 13-Novembre

C'est le 102e jour du procès des attentats du 13 novembre 2015 devant la cour d'assises spéciale.

Aujourd'hui, c'est au tour de Salah Abdeslam, seul membre des commandos encore en vie, d'être interrogé sur les derniers préparatifs des attaques et sur la soirée funeste des attentats.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV