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Police-Justice

Mort de Nahel à Nanterre: pourquoi les avocats de la famille demandent-ils le dépaysement de l'affaire?

Tribunal de grande instance de Nanterre (photo d'illustration).

Tribunal de grande instance de Nanterre (photo d'illustration). - MEHDI FEDOUACH / AFP

Les avocats de la famille de Nahel demandent le dépaysement de l'affaire, affirmant que le parquet de Nanterre manque d'impartialité car la personne en garde à vue est un policier de Nanterre.

Dans cette affaire, les politiques, la police mais aussi la justice sont scrutés de près. Les avocats de la famille de Nahel, l'adolescent de 17 ans tué par un policier après un refus d'obtempérer mardi à Nanterre, demandent le dépaysement de son affaire.

Le parquet de Nanterre a ouvert une enquête pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique, confiée à l'IGPN (Inspection générale de la police nationale), la police des polices. Une autre enquête a été ouverte pour refus d'obtempérer et tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique.

Une demande annoncé mardi

Le policier ayant tiré sur l'adolescent a été placé en garde à vue pour homicide volontaire mardi. Cette garde à vue a été prolongée mercredi. Mais pour Me Yassine Bouzrou, un des avocats de la famille de Nahel, "aucune justice indépendante et impartiale n’a été saisie".

"À ce jour, seul le procureur de la République de Nanterre (qui n’est pas un magistrat indépendant) dirige l’enquête sur des policiers de son propre département", a-t-il aussi affirmé sur Twitter ce mercredi.

Dans une publication Instagram, l'avocat a annoncé mardi qu'"une demande dépaysement avec dessaisissement immédiat du parquet de Nanterre" allait être déposée dans le cadre de cette affaire. Une demande relayée par le député LFI-Nupes François Ruffin sur notre antenne ce mercredi. En quoi consiste cette procédure exactement?

Un transfert en cas de soupçon sur l'impartialité du procureur

Le dépaysement judiciaire consiste à dessaisir une juridiction au profit d'une autre dans le cadre d'une affaire spécifique. En matière pénale - ce qui est le cas de l'enquête de Nanterre - le tribunal qui traite l'affaire est celui correspondant au secteur où l'infraction a été commise. La procédure débute par l'ouverture d'une enquête par le parquet, qui est chargé de décider de l'opportunité des poursuites.

Mais "lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause, comme auteur ou comme victime", un fonctionnaire de police qui "est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction", la procédure peut être transmise au procureur de la République d'un autre tribunal judiciaire, selon le code de procédure pénale.

En clair, lorsqu'un policier qui travaille régulièrement avec les magistrats d'un tribunal est mis en cause, le parquet de ce tribunal peut se dessaisir. L'idée est que le procureur n'a, dans ce cas, "pas le recul nécessaire pour prendre une décision" et que "son impartialité pourrait être soupçonnée", explique à BFMTV.com Catherine Vandier, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats, le principal syndicat de l'ordre judiciaire français.

Les policiers ne sont pas les seuls concernés: le code de procédure pénale cite aussi les magistrats, les avocats, les gendarmes, les fonctionnaires des douanes ou de l'administration pénitentiaire qui seraient amenés à travailler régulièrement avec les magistrats de la juridiction.

"Si c'était un juge d'instruction du tribunal de Nanterre (qui était mis en cause, NDLR), il serait évident que le parquet se dessaisisse", souligne Catherine Vandier.

Le policier rattaché à la DOPC

Mais dans le cas du policier mis en cause à Nanterre, cette nécessité n'est pas flagrante, estime-t-elle. L'homme en garde à vue est rattaché à la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC), où il officie en tant que motard, a précisé le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, ce mercredi. Il n'est donc "pas forcément en lien direct avec le procureur", selon Catherine Vandier. Il ne s'agit pas, par exemple, d'un officier de police judiciaire, amené à travailler directement avec le procureur de la République.

L'avocat de la famille de Nahel, Yassine Bouzrou, a aussi dénoncé l'ouverture d'une enquête par le procureur sur la base de "fausses déclarations des policiers" et estimé qu'elle montrait "son incapacité totale à diriger cette enquête de manière sereine et objective". La décision d'un éventuel dépaysement revient au procureur général, le chef du parquet auprès de la cour d'appel.

Sophie Cazaux