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"Il a fallu tout reconstruire": un collègue de Samuel Paty raconte les mois "durs" après la mort du professeur

Trois ans jour pour jour après la mort de son collègue, qu'il a vu décapité près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine, Charlie Jacquin a confié sur BFMTV sa difficile "reconstruction" entre "culpabilité" et "perte de confiance totale envers les élèves".

"Plus une mission qu'un métier". Invité sur BFMTV trois ans après la mort de Samuel Paty décapité près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), Charlie Jacquin, professeur d'EPS au collège du Bois d'Aulne s'est rappelé du soir du drame et des longs mois qui ont suivi.

Alors qu'il n'était professeur dans cet établissement que depuis un mois, le 16 octobre 2020, Charlie Jacquin quittait le collège "comme d'habitude" en voiture, le soir des vacances d'automne.

"Sur le côté de la route, je vois deux hommes l’un sur l’autre. Je ne comprends pas trop ce qu’il se passe. Je pense que c'est un accident de la route", a-t-il déclaré sur notre antenne. "Je sors du véhicule et demande ce qu’il se passe. Je vois un corps au sol et une personne debout qui dit: 'Il a insulté le prophète.'"

S'en suit un "état de sidération totale". À cet instant, il découvre un "corps en deux parties", mais ne reconnaît pas encore la victime. Ce n'est que plus tard qu'il fera le rapprochement avec son collègue de 47 ans.

Un "sentiment de culpabilité"

Une fois la terrible nouvelle assimilée, un "sentiment de culpabilité" gagne Charlie Jacquin. Selon lui, un détail aurait pu sauver l'enseignant d'histoire-géographie, poignardé puis décapité une dizaine de jours après avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet lors de cours sur la liberté d'expression.

"Dans l’histoire, je suis parti une ou deux minutes plus tard que prévu", a-t-il confié. "Et ce qui était un peu difficile pour moi, c’était de me dire: 'Si j’étais arrivé deux minutes plus tôt, qu'est-ce qui se serait passé? Si ça se trouve, je l’aurais croisé dans les couloirs et l’aurais ramené."

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Avant d'ajouter: "Je peux refaire cent fois le film, ça ne changera rien."

Après un mois et demi d'arrêt-maladie, le professeur d'EPS a décidé de revenir au collège pour "avancer". "On ne peut pas être préparé à ce genre de chose."

Sur place, son travail et celui de ses collègues est "très dur au début", étant donné que le terroriste est passé à l'acte après des appels sur les réseaux sociaux émanant de l'entourage de certains élèves. "Il y avait une perte de confiance totale envers les élèves. Il a fallu tout reconstruire (...) On était beaucoup plus craintifs et sur la retenue."

"On n'en sort pas"

Vendredi, à l'approche du troisième anniversaire de la mort de Samuel Paty, le monde enseignant a une nouvelle fois été endeuillé. Dominique Bernard, professeur de français à Arras, a été poignardé à mort par un jeune homme radicalisé. "Au collège, on s'est dit: 'Ça recommence'", a livré Charlie Jacquin sur notre antenne. "J’ai l’impression que c’est plus le symbole qui est attaqué, alors que pour Samuel Paty c'était plus l’individu."

Toutefois, ce nouveau drame n'a pas ébranlé sa volonté de "continuer [son] métier". Il a conclu: "Ça nous motive encore plus à enseigner et véhiculer les valeurs de la République. Je prends ça plus comme une mission que comme un métier."

Théo Putavy