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Police-Justice

"Humaniser la personne derrière le crime": ces avocats qui choisissent de défendre de grands criminels

L'avocat de Nordahl Lelandais, Me Alain Jakubowicz , quitte la cour d'assises de l'Isère, le 17 février 2022 à Grenoble

L'avocat de Nordahl Lelandais, Me Alain Jakubowicz , quitte la cour d'assises de l'Isère, le 17 février 2022 à Grenoble - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK © 2019 AFP

Jeudi, Me Jakubowicz a tenté de convaincre les jurés de ne pas condamner Lelandais à la perpétuité. Comme pour d'autres avocats de la défense, l'enjeu est d'humaniser un accusé acculé par un dossier lourd.

Défendre Lelandais, "c'est espérer dans l'Homme et dans la fonction de défense qui est mise à mal". La tâche était ardue, jeudi, pour Me Alain Jakubowicz qui défendait le meurtrier de la petite Maëlys. Après trois semaines de procès à la Cour d'assises de l'Isère, l'avocat et deux autres confrères, Me Valentine Pariat et Me Mathieu Moutous, ont tour à tour tenté de dresser un portrait plus humain de leur client, avant de demander aux jurés de le condamner à 30 ans de réclusion criminelle.

Le matin même, l'avocat général, Jacques Dallest, avait requis la perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans.

"Il est important que des avocats quittent le confort de leur cabinet pour venir se coller à la réalité de ce qu'il y a de plus dur: assister un homme accusé des faits les plus graves, et qui les a commis", expliquait jeudi Me Jakubowicz, en sortant d'une longue plaidoirie pour défendre son client.

"Humaniser", l'enjeu du côté de la défense

Pour Me Antoine Vey, avocat pénaliste qui a notamment défendu Georges Tron, quand les faits sont aussi graves que ceux reprochés à Nordahl Lelandais, l'enjeu du procès pour la défense ne se situe pas forcément dans la tentative de minimiser la peine.

"C'est aussi d'essayer de comprendre la psychologie de celui qui a commis un crime et de le ramener un peu dans le giron des victimes", déclare-t-il, interrogé ce vendredi sur le plateau de BFMTV.

Selon lui, l'avocat de la défense a à charge d'"aider" son client à s'exprimer "avec un peu d'humanité" afin d'éclairer les faits.

"Essayer d'humaniser un tout petit peu la personne derrière le crime qu'elle a commis: c'est ça tout l'enjeu de l'avocat de la défense", résume Me Antoine Vey.

Insister sur "la personnalité, le parcours" de l'accusé

Me Randall Schwerdorffer, qui a défendu Jonathann Daval pour le meurtre de sa compagne Alexia Daval en 2017, estime que tout se joue en réalité avant la plaidoirie, pendant les débats.

"Si la personne qu'on défend a réussi à répondre à une question essentielle, si elle a fait preuve d'empathie, à créer une connexion avec les parties civiles, on peut défendre l'Homme, sa personnalité, son parcours. (...)"

En revanche, il avance que "si l'accusé n'a pas réussi ce parcours difficile qui constiste à expliquer (...) la plaidoirie devient très difficile". Une situation que retrouve selon lui Me Alain Jakubowicz dans la défense de Nordahl Lelandais.

La défense "attaquée"

Malgré la difficulté de défendre un homme ayant commis de tels faits, Me Jakubowicz insiste sur le rôle de la justice et le droit de chacun à bénéficier d'une bonne défense, "mis à mal" selon lui.

"Si je pouvais être un exemple pour les futurs jeunes confrères, pour que toujours un avocat se lève quand la question des droits de la défense se pose, je considère que j'aurai rempli ma mission", conclut l'avocat de Nordahl Lelandais.

Le verdict du procès pour le meurtre de la petite Maëlys est attendu ce vendredi, dans la journée.

Elisa Fernandez