BFMTV
Police-Justice

Assassinat de Samuel Paty: le parquet national antiterroriste demande que 14 personnes soient jugées

Hommage à Samuel Paty à Eragny-sur-Oise le 16 octobre 2021

Hommage à Samuel Paty à Eragny-sur-Oise le 16 octobre 2021 - ALAIN JOCARD / AFP

Le parquet national antiterroriste (Pnat) a demandé ce vendredi que 14 personnes soient jugées après l'assassinat le 16 octobre 2020 de Samuel Paty.

L'assassinat du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty, décapité par un islamiste radicalisé, avait sidéré la France et le monde. Il pourrait bientôt faire l'objet de deux procès: le parquet national antiterroriste (Pnat) demande vendredi les assises pour huit majeurs, dont deux accusés de complicité, et le tribunal pour enfants pour six collégiens.

"Complicité d'assassinat terroriste" pour deux hommes

Le 16 octobre 2020, l'enseignant de 47 ans avait été poignardé puis décapité près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par Abdoullakh Anzorov, réfugié russe d'origine tchétchène. L'homme de 18 ans, radicalisé, lui reprochait d'avoir montré en classe des caricatures de Mahomet. Dans un message audio en russe, il avait revendiqué son geste en se félicitant d'avoir "vengé le prophète".

Cet acte source d'un immense émoi en France et à l'étranger "résulte d'un enchaînement de causalités non exclusives les unes des autres", écrivent deux magistrates du parquet antiterroriste au terme de 541 pages de réquisitions dont l'AFP a eu connaissance et que BFMTV a également pu consulter.

"Bien qu'exécuté par le seul Abdoullakh Anzorov, ce crime est en effet la résultante d'une succession de comportements pénalement incriminables", écrivent encore les magistrates.

Pour cet acte qui avait suscité un immense émoi en France et à l'étranger, le Pnat demande que l'infraction la plus grave, complicité d'assassinat terroriste, soit retenue seulement pour deux amis de l'assaillant Abdoullakh Anzorov, qui encourent la perpétuité.

Azim E. et Naïm B. sont soupçonnés de l'avoir accompagné pour acheter des armes, et pour le second, d'être allé avec lui jusqu'au collège de Conflans-Sainte-Honorine, en étant "pleinement conscient de l'embrigadement idéologique d'inspiration jihadiste" de leur ami.

Demande de renvoi aux assises de six autres adultes

Le ministère public requiert également les assises pour six autres adultes et demande que six collégiens soient jugés pour des délits.

Brahim Chnina, père d'une collégienne visée par une exclusion pour indiscipline et qui prétendait avoir assisté au cours, et le sulfureux militant islamiste Abdelhakim Sefrioui, auteurs de vidéos sur les réseaux sociaux qui avaient attisé la polémique, avaient été mis en examen pour complicité, tout comme Priscilla M., trentenaire convertie à l'islam, en lien sur Twitter avec l'assassin les jours précédant l'attaque.

Mais pour ces trois personnes, comme pour trois autres adultes, le Pnat a requalifié pour une infraction moins grave, association de malfaiteurs terroriste criminelle, également passible des assises.

Pour Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, l'enquête "n'a pas permis d'établir qu'ils avaient précisément entendu favoriser l'assassinat de Samuel Paty, ce crime n'étant que l'une des conséquences possibles et prévisibles de leurs agissements, au même titre que d'autres crimes d'atteinte à l'intégrité physique ou à la vie", selon les réquisitions.

Aide "décisive" de collégiens

Le Pnat demande par ailleurs un procès devant le tribunal pour enfants pour cinq collégiens, pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées, un délit. En désignant Samuel Paty, leur aide a été "décisive" pour Abdoullakh Anzorov, a tranché le Pnat.

Le ministère public a toutefois estimé que les mineurs n'avaient pas conscience qu'Anzorov allait assassiner Samuel Paty et que son acte s'inscrivait dans un projet terroriste. Et aucun n'a vu les armes de l'assaillant. En revanche, ils avaient compris que le Tchétchène voulait "a minima" agresser l'enseignant, selon le réquisitoire.

Le Pnat requiert que la collégienne à l'origine de l'affaire, la fille de Brahim Chnina, comparaisse également devant ce tribunal pour enfants pour dénonciation calomnieuse, après qu'elle a admis ne pas avoir assisté au cours et avoir menti en affirmant que le professeur avait demandé aux élèves musulmans de se signaler et de sortir de la classe durant celui-ci.

Enquête pour non-empêchement de crime

Clôturées début octobre, les investigations ont ensuite été réouvertes quelques semaines, le temps selon une source proche du dossier de vérifier l'emploi du temps de proches d'Abdoullakh Anzorov. Il appartient désormais aux juges d'instruction antiterroristes de prendre une décision finale sur un renvoi en procès de ces personnes, alors que six des adultes sont encore détenus dans ce dossier.

Avant son assassinat, le professeur avait ressenti "une vive inquiétude (...) "devant l'ampleur et l'agressivité de la polémique" qui le visait, selon un rapport de synthèse de fin d'enquête.

Une partie de la famille a déposé une plainte visant l'Intérieur et l'Education nationale, alertés de menaces visant le professeur mais accusés de n'avoir pas pris suffisamment en compte le péril. Une enquête distincte est ouverte à Paris depuis avril 2022 pour non-assistance à personne en péril et non-empêchement de crime.

Alexandra Gonzalez et Marine Ledoux avec AFP