BFMTV
Séries

Avec "Drôle", la créatrice de "Dix pour cent" Fanny Herrero explore l’univers du stand-up

Younès Boucif, Jean Siuen et Mariama Gueye, les acteurs de "Drôle"

Younès Boucif, Jean Siuen et Mariama Gueye, les acteurs de "Drôle" - Netflix - Mika Cotellon

Fanny Herrero raconte à BFMTV la genèse de cette nouvelle série Netflix, portrait tendre et hilarant de la jeune scène de l'humour parisienne.

Comment devient-on Jamel Debbouze, Florence Foresti ou Blanche Gardin? Combien de salles à moitié vides faut-il convaincre avant d'atterrir sur la scène de l'Olympia? La réponse se dessine avec humour et tendresse dès ce vendredi sur Netflix avec Drôle, fiction en six épisodes qui suit une bande de jeunes stand-uppers dans leurs rêves de gloire.

Nezir, le banlieusard qui vanne comme il respire, Aïssatou, la jeune maman tiraillée entre travail et vie de famille, Apolline, la gosse de riche qui se découvre une nouvelle passion, et Bling, la star déchue: ces jeunes aspirants comiques, incarnés par des acteurs attachants, gravitent autour du Drôle, un petit bar parisien où ils se produisent en espérant voir leurs carrières décoller.

Aux manettes de ce nouveau programme, celle qui a signé l'un des plus grands succès télévisuels français de ces dernières années: Fanny Herrero, créatrice de Dix pour cent, la série qui fait rire jusqu'en Amérique et qui voit des adaptations fleurir aux quatre coins du globe. Après l'ambiance feutrée des agences de stars du VIIIe arrondissement, c'est dans les bars miteux de la capitale qu'elle nous emmène, à la genèse du succès.

"On reste dans les coulisses d'un métier artistique", souligne-t-elle pour BFMTV. "Je voulais être du côté des artistes, de ces jeunes gens entre 25 et 30 ans qui se lancent, qui ont la vocation du stand-up. Cette fois, on n'est pas sur les tapis rouges: on est dans les caves, avec des gens qui galèrent, à un moment de leur vie où tout commence."

Sur une suggestion de... Gad Elmaleh

C'est au hasard d'une rencontre que l'idée a vu le jour. Il y a quelques années, Fanny Herrero rencontre Gad Elmaleh par l'intermédiaire de leur agent commun aux États-Unis. Ils dînent ensemble, et l'humoriste parle à la scénariste de l'effervescence autour des comedy clubs qui se multiplient dans Paris. Peu familière du milieu, Fanny Herrero décide d'assister à un "plateau" - une scène d'une heure, durant laquelle six humoristes se succèdent. Une expérience qu'elle décrit comme un "choc":

"Chacun venait faire des blagues sur son expérience de la vie. Ils avaient tous entre 20 et 35 ans et ils venaient tous d'endroits différents, ils avaient des couleurs de peau différentes, des origines sociales, géographiques, culturelles différentes... j'ai eu une espèce de photographie de la jeunesse française, là, sur cette petite scène, qui m'a un peu bouleversée. On ne voit ça nulle part: cette intimité, cette vivacité d'esprit, cette singularité, cette diversité sur la scène, ce besoin d'exister. Les six que j'avais vus sur scène ce soir-là, j'avais déjà envie de prendre des choses d'eux pour en faire des personnages."

Un peu plus près des stand-uppers

Pour transformer ce "coup de foudre professionalo-amoureux" avec la jeune scène comique en feuilleton, Fanny Herrero entame un travail d'immersion: "Avec mon co-auteur Hervé Lassïnce, nous avons rencontré énormément de stand-uppers, nous avons beaucoup fréquenté les comedy clubs et regardé des documentaires." Ils s'entourent de Marina Rolls et Jason Brokerss, deux figures de la scène émergente, qui sont intervenus comme consultants sur le programme: "Ils nous ont raconté plein de choses sur leur quotidien, leurs ambitions, leurs doutes, les obstacles qu'ils ont à surmonter".

Autant d'anecdotes qui nourrissent la trame de Drôle. En six épisodes, la série présente un éventail de questions qui se posent aux aspirants comiques: les petits boulots pour contrebalancer les maigres revenus du stand-up, l'incompréhension des proches, le risque de se faire voler ses vannes, les opportunités lucratives qui obligent à rester dans l'ombre... mais aussi des problématiques beaucoup plus actuelles, dans un show-business toujours plus politisé: comment faire passer ses idées tout en faisant rire, et surtout sans s'attirer les foudres d'une partie du public?

Ce dernier questionnement fait écho à ceux de Fanny Herrero, qui tient à mettre la diversité au coeur de son travail. Pas pour raconter les différences, mais simplement pour les faire exister. Elle l'a fait avec le personnage homosexuel d'Andréa dans Dix pour cent, et c'est avec la même approche qu'elle a dirigé le casting de Drôle:

"Drôle suit ces personnages dans leur quotidien, sonde leur humanité, mais ils ne sont pas déterminés par leur identité", explique-t-elle à Télérama. "Aïssatou est noire, son compagnon aussi, mais on ne va pas raconter l’histoire de leurs ancêtres (...) Nezir et son père, avec lequel il vit, sont musulmans. Mais ce n’est pas le sujet. On le sait, on le montre, point. Peut-être qu’à l’avenir cet élément du scénario pourra engendrer d’autres intrigues, mais pour l’instant les mettre en scène, en faire des héros comme les autres, est déjà un geste politique en soi."

De nouvelles têtes

Toutes ces questions sont portées par un casting de jeunes acteurs quasi-inconnus du grand public. Ils viennent du théâtre, et même de la musique, comme le rappeur Younès Boucif qui campe Nezir... mais jamais du stand-up. Une volonté affichée par l'équipe:

"Nous voulions qu'on croie immédiatement aux personnages", explique la créatrice à BFMTV. "Si on avait choisi des stand-uppers qui existaient déjà, avec leur image et leur réputation, ils seraient arrivés en charriant quelque chose avec eux. J'arrive de Dix pour cent, où on avait deux ou trois stars par épisode. J'ai beaucoup pratiqué le mélange du vrai et du faux et j'avais envie de changer. Pour ça, il me fallait des gens que personne ne connaît."

Quitte à devoir redoubler d'effort pour en faire des stand-uppers convaincants, comme le détaille l'actrice Elsa Guedj, qui incarne Apolline: "À peu près un mois avant de commencer le tournage, on a travaillé avec Shirley Souagnon (humoriste, actrice et co-scénariste de Drôle, ndlr). On avait chacun des passages de stand-up écrits par les stand-uppers qui ont participé à l'écriture de la série, et on a organisé des plateaux au Barbès Comedy Club. On passait au milieu de vrais humoristes, et on avait des rendez-vous avec Shirley pour travailler chacun notre passage."

"On a également eu un coach, ce qui était un luxe", renchérit Younès Boucif. "On a vraiment eu le temps de travailler avant le tournage. Être stand-upper, c'est se livrer et raconter sa vie. Plus on sent que c'est réel plus c'est touchant, et plus ça fait rire. Ce que je cherchais à atteindre, c'était que ce soit drôle et que ça semble le plus naturel possible."

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV