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Canicule

"C'est normal, c'est l'été": ces fausses idées que les climatosceptiques répètent en boucle

Des pompiers luttent contre des incendies dans la vallée de Moreno en Californie, aux États-Unis, le 16 juillet 2023

Des pompiers luttent contre des incendies dans la vallée de Moreno en Californie, aux États-Unis, le 16 juillet 2023 - David SWANSON / AFP

Entrant souvent en débat avec les experts du climat et de la météo, des autoproclamés experts remettent en question les consensus scientifiques. À tort.

Canicule, incendies, orages violents... Les signes tangibles de dérèglement climatique ne manquent pas, surtout en plein été. Les experts du climat, qui alertent régulièrement sur la situation depuis des années, se voient pourtant opposer les mêmes théories vérolées en boucle. Pour BFMTV.com, divers experts ont listé et déconstruit cinq théories revenant quasi-systématiquement sur devant de la scène.

• "L'été il fait chaud"

Oui, l'été, il fait chaud, c'est un fait. Mais voir des températures avoisinant les 42°C dans l'Hexagone n'est pas normal. Et la situation n'est pas exclusive à la France, comme le montrent les alertes en Italie ou les 52,5°C relevés lundi en Chine.

En effet, si l'été 2023 s'annonce d'ores et déjà difficile, il ne faut pas oublier qu'en 2022, le service européen Copernicus a relevé l'été le plus chaud jamais enregistré depuis... 2021, déjà une année record. Le seul mois d'août était par exemple 1,72°C au-dessus de la moyenne observée entre 1991 et 2020.

"Cet été 2022, qui a connu une chaleur record, pourrait être d'ici 2050 la norme, si la trajectoire de réchauffement qu'on connaît se poursuit", indique la paléoclimatologue et coprésidente du Giec Valérie Masson-Delmotte.

Serge Zaka, agro-climatologue spécialisé sur l'impact du dérèglement climatique, note également une multiplication des épisodes extrêmes, dont les canicules, multipliées par 4 depuis les années 2000.

Les épisodes de canicule sont 4x plus nombreux depuis le début des années 2000
Les épisodes de canicule sont 4x plus nombreux depuis le début des années 2000 © Serge Zaka

• "Chez moi il ne fait pas chaud"

C'est la peine récurrente des prévisionnistes météo. Ceux qui affirment que, dans leur petit jardin, il ne fait pas si chaud, donc une canicule n'existe pas. "Tant mieux s'il fait frais", s'amuse Valérie Masson-Delmotte. Mais elle préconise, plutôt que de focaliser sur un instant, de lire la tendance globale. "Il y a une vraie confusion entre météo locale et évolution climatique", pointe l'experte.

Pour l'exemple très précis de la Bretagne, une étude dédiée existe, menée par l'Observatoire de l'environnement en Bretagne:

"Globalement, en 30 ans, les températures gagnent 1°C en moyenne annuelle. (...) en Bretagne, les projections climatiques montrent une poursuite du réchauffement annuel jusqu'aux années 2050, quel que soit le scénario."
Évolution des températures en Bretagne (1976-2005)
Évolution des températures en Bretagne (1976-2005) © Observatoire de l'environnement en Bretagne

Et si le changement de température dans l'air n'est pas assez visible pour certains, celui de la mer l'est peut-être plus. En moyenne, cette année, les eaux de la Manche sont un à deux degrés plus élevés. Une bonne nouvelle pour les baigneurs, certes, mais des conséquences dévastatrices pour tout l'écosystème marin.

• "En 1976 aussi il y a eu une sécheresse, ce n'est pas nouveau"

Le stress hydrique que connaissent aujourd'hui plusieurs régions n'est pas nouveau. En effet, en 1976, l'Europe a connu un épisode particulièrement marquant pour l'époque. Sauf que, ce qui était exceptionnel en 1976 ne l'est plus aujourd'hui. Et les phénomènes violents le sont de plus en plus, qu'il s'agisse de sécheresse ou de température.

L'experte du Giec soulève un problème de "mémoire", un souvenir traumatique conservé de l'époque. En 2022, où les records de sécheresse se sont enchaînés jour après jour, Météo-France était formel: "En ce début août [2022], les sols sont encore plus secs qu'ils ne l'étaient à la même date en 1976 et en 2003".

Évolution de l'humidité des sols entre 1981 et 2020.
Évolution de l'humidité des sols entre 1981 et 2020. © Météo-France

Avec le réchauffement climatique, les pénuries d'eau seront plus fréquentes, plus intenses et plus longues. "Les sécheresses pluriannuelles deviendront notamment plus fréquentes", pointait en mars Agnès Ducharne, une hydroclimatologue.

• "Le CO2 est bon pour la planète"

Le CO2, ou dioxyde de carbone, est un gaz présent dans l'atmosphère terrestre, il en représente 0,04%. Or, "c'est la dose qui fait le poison", souligne Serge Zaka. Si cet élément a des propriétés utiles, notamment dans la croissance des plantes, la molécule a également un effet néfaste sur le climat. Climat qui a, à son tour un effet sur les plantes. On observe un doublement de la mortalité des arbres, tandis que les arbres et les sols piègent de moins en moins de CO2, un taux divisé par deux en 20 ans.

Mais comment le CO2 influence-t-il le climat? Il s'agit d'un gaz à effet de serre, qui provoque un surplus d'énergie sur terre, celle-ci ne pouvant pas s'évacuer aussi bien qu'elle le ferait en l'absence de cette pollution. Et donc, mécaniquement, la température de la terre augmente.

Si de nombreuses activités dégagent du CO2, comme tout simplement respirer, l'activité industrielle humaine en rejette à des niveaux sans précédent. Plus précisément, depuis le début de l'ère industrielle, l'Homme a fait monter le taux à des niveaux jamais atteints depuis trois millions d'années. Les conséquences sont nombreuses: acidification des océans, fontes des glaces, etc.

• "C'est juste un prétexte pour de nouvelles taxes"

La fin du monde ou la fin de la semaine? Il est établi que les alertes successives sur le dérèglement climatique sont véridiques. Mais il est aussi vrai que la transition aura un coup, qu'il faudra payer d'une manière ou d'une autre. "Ce qui compte, c'est qu'elle soit payée de manière juste. Plutôt que de le voir comme une punition, il faut montrer que c'est un investissement dans l'avenir", souligne l'experte du Giec.

Climat : des températures hors-normes qui vont encore augmenter
Climat : des températures hors-normes qui vont encore augmenter
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Si nous ne payons pas aujourd'hui la facture de la transition, il faudra payer celle des pots cassés. Sécheresses, orages et tempêtes laissent des marques sur les bâtiments et les infrastructures pas toujours adaptées. Mais, au-delà de la simple question climatique, ces investissements vers peuvent avoir d'autres impacts positifs sur nos vies. Un exemple parlant: le passage du transport thermique au transport électrique. Cette transformation douce pourrait rendre nos villes infiniment moins bruyantes. À l'avenir.

Tom Kerkour