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Palestine

Guerre Israël-Hamas: pourquoi l'ONU a-t-elle changé une partie de son décompte des morts à Gaza?

Le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) présente, depuis le 8 mai, une nouvelle répartition du nombre de femmes, d'hommes et d'enfants parmi les morts dans la bande de Gaza. Le nombre total de morts relayé par Ocha n'a toutefois pas changé.

Une modification qui relance le débat sur les chiffres diffusées par le Hamas. Depuis son bulletin du 8 mai, le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a changé sa manière de présenter le décompte des morts dans la bande de Gaza, comme l'a repéré Libération en France.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, au pouvoir à Gaza, plus de 35.000 personnes ont péri depuis le début de l'offensive israélienne consécutive aux attaques terroristes menées le 7 octobre par le Hamas dans le sud d'Israël.

Depuis ses premiers rapports sur les victimes du conflit, Ocha reprend les chiffres donnés par le ministère du Hamas concernant le nombre de morts à Gaza en le citant comme source. Cela n'a pas changé et le nombre total de Palestiniens morts dans ce conflit n'a pas été révisé à la baisse sur le site d'Ocha.

Une nouvelle présentation des données

Mais le bureau utilisait aussi une autre source, celle du service de presse du gouvernement du Hamas, sur la part d'hommes, de femmes et d'enfants parmi ces victimes. Ocha relayait ainsi en janvier le pourcentage de 70% de femmes et d'enfants parmi les morts à Gaza ou donnait, le 6 mai, le chiffre de 9.500 femmes et 14.500 enfants tués depuis octobre, citant le bureau de presse du gouvernement du Hamas (ce qui équivaut aussi à près de 70% des victimes).

À partir du 8 mai, cette seconde source a été abandonnée. Ocha ne s'appuie plus que sur le seul ministère de la Santé du Hamas et donne désormais uniquement la répartition des corps formellement identifiés par les autorités palestiniennes.

Le bureau de l'ONU fait depuis état du décompte suivant: sur 35.091 victimes recensées au 13 mai, 25.686 corps ont été identifiés. Parmi eux, 40% sont des hommes, 20% sont des femmes, 32% des enfants et 8% des personnes âgées - hommes et femmes confondus. La part de femmes et d'enfants tombe donc à 52%, en deça des 70% évoqués précédemment.

Comment expliquer ce changement? "Des révisions sont prises", a confirmé Farhan Haq, un porte-parole du secrétaire général de l'ONU, lors d'une conférence de presse le 10 mai.

"Dans le brouillard de la guerre, il est difficile de trouver des chiffres", a-t-il concédé.

"Nous obtenons des chiffres de différentes sources sur le terrain, puis nous essayons de les recouper", a-t-il poursuivi. "Au fur et à mesure que nous les recoupons, nous mettons à jour les chiffres."

Netanyahu évoque "environ 16.000 civils" morts

Les bilans donnés par le bureau de presse du gouvernement du Hamas étaient remis en doute par des experts. Le professeur d'économie Michael Spagat, estimait en mars dans un article pour l'ONG Action on Armed Violence que "les données démographiques relatives aux décès" de cet organe ne semblaient "pas crédibles". Il faisait "état d'un nombre excessif de femmes et d'enfants par rapport aux hommes".

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Cette question du profil des victimes est un enjeu de communication important dans le cadre de ce conflit. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a ainsi affirmé dimanche dans un podcast qu'environ "14.000 combattants" du Hamas et "probablement environ 16.000 civils" ont été tués dans la bande de Gaza.

"Même si nous sommes confrontés à un ennemi particulièrement cynique, nous avons réussi à maintenir le ratio civils/combattants tués" à "environ un pour un", a-t-il assuré au podcast Call Me Back.

Le bilan global jugé fiable par les experts

Plus largement, la question du décompte des morts dans la bande de Gaza fait l'objet de débats depuis le début du conflit. Les ONG, les médias et les Nations unies ne sont pas en mesure d'établir un bilan par leurs propres moyens, notamment car Israël a coupé les principaux points d'entrée de la bande de Gaza, bombardée sans relâche depuis plusieurs mois.

"Nos équipes à Gaza ne sont pas en mesure de vérifier ces chiffres de manière indépendante, compte tenu de la situation sur le terrain, de la poursuite des combats et du nombre de victimes", a expliqué le porte-parole du secrétaire général de l'ONU Farhan Haq ce lundi.

Le ministère du Santé du Hamas est donc devenue la principale source. Si ces données souffrent de certaines lacunes. Interrogé lors d'une conférence de presse sur la fiabilité de ces chiffres, le porte-parole a répondu: "Malheureusement, nous avons la triste expérience d'une coordination avec le ministère de la Santé sur les chiffres des victimes toutes les quelques années lors d'incidents de grande ampleur à Gaza; et par le passé, leurs chiffres se sont avérés généralement exacts."

Si ces données souffrent de certaines launes, elles sont remarquablement précises pour un terrain de guerre, abonde l'analyse de Michael Spagat. En novembre et en décembre, deux études publiées dans la revue scientifique The Lancet avaient également jugé plausibles les chiffres donnés par le ministère de la Santé du Hamas.

Sophie Cazaux