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Guerre en Ukraine: fronts, bilan humain, soutiens... Ce qu'il faut savoir 2 ans après le début du conflit

Ce samedi 24 février 2024 l'invasion russe de l'Ukraine décidée par Vladimir Poutine entre dans sa troisième année. Un effort long pour l'armée et la population ukrainienne, qui se maintiennent grâce à un soutien occidental important mais fragile.

Deux ans déjà. Depuis le 24 février 2022, l'Ukraine se défend d'une invasion décriée par la communauté internationale. Les soldats de Vladimir Poutine sont engagés depuis 24 mois dans une guerre "éclair" devenue guerre d'usure. Les forces armées de Kiev tiennent bon au péril de leur vie. Une résilience soutenue par les occidentaux et leur aide tant économique que géopolitique.

"Cette guerre est le sujet majeur sur le plan international, tous les voyants sont au rouge. Il ne faut s’attendre à aucune inflexion de la part de Poutine et en aucun cas au renoncement à ses ambitions de revanche et de reconstitution de l’empire russo-soviétique", résume le général Jérôme Pellistrandi auprès de BFMTV.com.

Situation sur le plan militaire, enjeux géopolitiques, bilan humain... Voici ce qu'il faut savoir du conflit démarré aux portes de l'Europe par la Russie il y a deux ans.

• Une ligne de front figée

Face à une armée présentée comme une des meilleures du monde, les militaires ukrainiens parviennent encore aujourd'hui à contenir les soldats ennemis à l'Est et au Sud. Les brefs espoirs d'une contre-offensive, lancée par Kiev en juin dernier, ont été douchés.

Comme le montre une carte du ministère des Armées français, une ligne de front longue de 1.000km sépare le territoire occupé de la zone sous contrôle ukrainien. Une frontière restée quasiment figée en 2023, alors que plus de 20% du pays est occupé par Moscou.

Le point de la situation sur l'évolution de la guerre en Ukraine, partagé par le ministère des Armées français le 19 février 2024.
Le point de la situation sur l'évolution de la guerre en Ukraine, partagé par le ministère des Armées français le 19 février 2024. © Ministère des armées

En février 2022, "Vladimir Poutine voulait prendre l'Ukraine en trois jours. Finalement, tout le monde observe la résistance du peuple et de l'armée ukrainienne", appuie Dorota Dakowska, professeure de science politique à Science Po Aix et spécialiste de l'Europe centrale et orientale.

La dernière prise de guerre russe: la ville d'Adviika, disputée par les deux camps depuis 4 mois. "Cet événement, au retentissement symbolique important, ne modifie pas l’équilibre des forces en présence sur l’ensemble du front", notaient toutefois les autorités françaises le 19 février.

Outre les multiples fronts au sol, la guerre d'usure a pris de nouvelles formes. Les attaques de drones lancées par les deux camps se sont multipliées, tandis que les deux armées se font également la guerre en Mer Noire. Kiev a par exemple récemment coulé un navire de guerre de 112 mètres de long, le 14 février dernier, alors qu'il mouillait en Crimée.

"Les Ukrainiens ont besoin de tenir, tenir, tenir. Ils ont été obligés de se retirer d'Adviika, donc ils se maintiennent en situation défensive pour tenir le plus longtemps possible grâce à une stratégie hybride, notamment avec l'usage des drones et la guerre navale", schématise le général Pellistrandi.

Frappes en Ukraine: quelle est la stratégie russe?
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• Un bilan humain lourd mais incertain

Combien de civils ou de combattants des deux camps ont perdu la vie depuis le début de la guerre? Des deux côtés de la ligne de front, il est difficile d'établir un bilan consolidé du nombre de victimes.

"Depuis l'escalade de la guerre en février 2022, plus de 10.000 civils ont été tués et environ 20.000 blessés en Ukraine. Parmi eux, près de 600 enfants ont été tués et plus de 1.300 sont blessés", détaille un porte-parole de l'agence de l'ONU pour l'Ukraine auprès de BFMTV.com.

Mais cette même agence assure que "les chiffres réels sont considérablement plus élevés". Elle ne dispose notamment pas des données dans les régions occupées par la Russie depuis deux ans. À Marioupol, par exemple, le siège aurait provoqué 25.000 morts en quatre mois, comme l'assurent les autorités ukrainiennes.

Ces dernières n'ont par ailleurs pas communiqué le nombre de soldats morts. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou a lui affirmé en décembre 2023 que 383.000 soldats ukrainiens avaient été tués ou blessés depuis le début de l'invasion.

Du côté russe, les comptes sont tous aussi opaques. Côtés civils, le bilan s'élève à au moins 145 morts, selon un comptage effectué par le site d'information russe 7x7 cité par l'Agence France Presse. Côté soldats, selon les renseignements ukrainiens, 360.000 russes auraient perdu la vie dans les 22 mois de combats du 24 février 2022 au 1er janvier 2024.

Mis bout à bout, ces chiffres laissent deviner au moins un million de victimes des deux côtés du front. Un total qui pourrait être bien plus élevé en l'absence d'informations stables et consolidées.

• Les Ukrainiens ne "baissent pas les bras"

Ces deux années de conflit ont-elles eu raison de la résolution des Ukrainiens? "Les bombardements russes en Ukraine n'affectent pas les civils, les pertes ne sont pas suffisamment conséquentes pour que les ukrainiens baissent les bras", estime le général Pellistrandi.

"L'histoire démontre que les bombardements de civils n'entament pas le moral de la population, comme on a pu l'observer durant le blitz de Londres lors de la Seconde Guerre mondiale, par exemple", ajoute-t-il.

L'opinion publique ukrainienne est majoritairement en faveur d'une poursuite de cette guerre de défense. Une question qui tient purement de la survie de leur pays, comme le précise la politologue Dorota Dakowska.

"Si les Russes arrêtent les combats, il n'y a plus de guerre. Si les Ukrainiens arrêtaient de se battre, il n'y aurait plus d'Ukraine", soutient-elle.

La question de l'enrôlement de nouveaux soldats reste toutefois préoccupante pour Kiev, qui doit trouver une relève après deux années de guerre continue. Les civils se portant volontaires pour rejoindre le front viennent à manquer, alors que le président Volodymyr Zelensky souhaite l'arrivée de 500.000 soldats supplémentaires sur le front.

Un projet de loi est actuellement à l'étude et devrait permettre un enrôlement facilité. Des hommes plus jeunes pourraient être contraints de partir au front. Ces pistes à l'étude créent la controverse.

Sur le plan humanitaire, la situation est "bien plus extrême qu'elle ne l'était il y a un an", alerte l'agence des Nations unies en Ukraine. Selon ses calculs, 3,3 millions de personnes "luttent chaque jour pour accéder aux services et aux besoins les plus essentiels, "y compris dans les zones occupées par la Russie". Au total, 15 millions de personnes, soit 40% de la population ukrainienne, "ont besoin d'une aide humanitaire".

• Un soutien occidental crucial mais fragilisé

La résilience ukrainienne est en partie permise par le soutien logistique, économique et géopolitique de ses alliés occidentaux. Formation de soldats, envoi d'armes, soutien économique... Des dizaines de milliards sont régulièrement dégainées pour contenir indirectement la progression russe.

La seule aide civile bilatérale de la France à l’Ukraine "représente près de 2,2 milliards d’euros depuis le 22 février 2022", selon l'Elysée. Ce à quoi s'ajoutent les fonds versés par des mécanismes internationaux.

Autres soutiens notoires à Kiev: l'Union européenne et les États-Unis. Mais l'un comme l'autre connaîtront cette année des élections à forts enjeux. En Europe, par exemple, certains partis d'extrême droite sont accusés d'être plus favorables à Moscou.

Les États-Unis sont devenus un "maillon faible" de la coalition internationale" pour "des raisons de politique intérieure" selon Dorota Dakowska. Le match annoncé entre le président actuel Joe Biden et son prédécesseur Donald Trump pourrait déséquilibrer à nouveau la balance.

Le candidat républicain souhaiterait réduire drastiquement -voire totalement- l'aide apportée à Kiev. Il a d'ailleurs appelé à bloquer une aide de 100 milliards de dollars destinée à l'Ukraine et Israël.

"Les Européens ont pris conscience qu'ils devraient peut-être prendre le relais des États-Unis si Trump venait à être élu", analyse Jérôme Pellistrandi. En conséquence, Moscou cherche déjà à saper l'Europe "et en particulier la France, sa cible prioritaire".

Pour frapper la France, les Russes ont identifié une cible d'intérêt: les Jeux olympiques de cet été. Ils ont déjà été visés par des campagnes russes de cybercriminalité et de "désinformation", comme l'a dénoncé Emmanuel Macron.

Preuve de l'investissement français dans la cause ukrainienne, la rencontre entre Emmanuel Macron et son homologue Volodymyr Zelensky vendredi dernier. Selon le général, le président français ne s'était jamais montré aussi "virulent" contre la Russie. Un "tremblement de terre" provoqué par la mort en prison de l'opposant politique Alexeï Navalny, dans des circonstances qui restent à établir.

• Une issue imprévisible

Il y a deux ans, il était très difficile de prévoir le déroulement des conflits et leur durée. Exactement 730 jours plus tard, l'issue de la guerre et sa durée restent imprévisibles. Prolongement de l'aide occidentale, ambitions de Vladimir Poutine, nombreux scrutins... De très nombreuses inconnues sont à prendre en compte.

"En l'état actuel, selon nos informations, on pense que la guerre devrait durer toute l'année et devrait se poursuivre en 2025", indique le général Pellistrandi.

La guerre devrait toutefois connaître un petit temps moins intense. Les informations récoltées par Paris laissent supposer que l'armée russe ne reprendra probablement pas l'offensive "avant la fin du printemps". Selon le général, Moscou profite d'un temps de creux pour reconstituer ses forces. Avant de repartir en guerre.

Tom Kerkour